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sur des états régis par des formes républicaines. Cette prétention ne peut être soutenue par la raison. Comme c'est l'indépendance et la dignité souveraine d'une nation qui doivent être représentées dans les relations internationales des états, il est évident que la forme de leur gouvernement intérieur ne peut nullement influer sur les prétentions des autres à cet égard. Il faut que la souveraineté de chaque état soit placée quelque part; et il est indifférent aux nations étrangères qu'elle appartienne à un seul individu, ou à plusieurs, ou qu'elle soit transmise par l'hérédité ou par l'élection populaire. Les gouvernements des peuples sont leurs seuls représentants envers les puissances étrangères; et les nations étant égales, les gouvernements sont égaux les uns envers les autres. Il ne peut donc y avoir entre les états aucune distinction raisonnable à l'égard du rang, basée sur la nature de leurs constitutions respectives. Mais l'usage des nations, qui forme la loi des nations, a créé une distinction factice, et cet usage a vraisemblablement pris son origine dans deux circonstances:

4o Dans tous les cas où la préséance pourrait être mise en question, la controverse devrait être nécessairement discutée entre les chefs des gouvernements respectifs. D'après les opinions du seizième siècle et des temps antérieurs, il ne pouvait y avoir d'égalité personnelle entre un monarque possédant l'autorité absolue sur les affaires intérieures et extérieures de sa nation, et le chef d'un peuple, ou un conseil chargé de le représenter et investi d'une autorité temporaire et limitée qu'il tient du choix des autres. Cette remarque est surtout applicable aux priviléges réclamés par les ambassadeurs qu'on supposait représenter d'une manière particulière la personne de leur souverain.

2o La prééminence des monarchies, dans l'opinion de cette époque, provenait aussi probablement de la doctrine du droit divin, que l'on professait alors, et qui les élevait au-dessus de tous ceux qui ne tenaient leur autorité que du choix

des peuples ou des corps privilégiés agissant au nom de la nation 1.

Ce fut en faveur de l'antique république de Venise que l'usage a créé la première exception à la prééminence des nations représentées par des têtes couronnées. Cette exception fut depuis étendue aux Provinces - Unies des Pays-Bas, dont les ambassadeurs au congrès de Munster ont insisté pour que leur république fût mise sur. un pied d'égalité avec celle de Venise.

Néanmoins ces grandes républiques, comme on les appelait, ont cédé le pas aux représentants des têtes couronnées dans toutes les occasions où l'ordre des signatures et la préséance étaient mis en question. La république éphémère établie en Angleterre, après la mort de Charles Ier, fut la première qui obtint la concession d'une égalité parfaite dans l'assemblée du congrès européen. Nous avons déjà vu que le cardinal Mazarin admettait le principe que cette différence de gouvernement ne devait pas changer les relations entre la France et l'Angleterre, fondées sur les intérêts permanents du commerce et de la politique, et le protecteur Cromwell exigeait de toutes les puissances, dans leurs rapports de cérémonie, les mêmes honneurs que l'usage établi avait accordés aux rois d'Angleterre 2.

Parmi les têtes couronnées elles-mêmes, la préséance entre les souverains temporels fut généralement accordée à l'empereur d'Allemagne, comme le successeur des empereurs romains dans l'empire d'Occident, restauré par Charlemagne. Après l'abdication de Charles V, il s'éleva entre la France et l'Espagne une contestation pour la préséance, qui ne fut entièrement décidée en faveur de la première que vers le milieu du dix-septième siècle. Le concile de Trente fut troublé par cette dispute, qui fut encore renouvelée aux conférences de

1 WARD'S History of the law of nations, vol. II, pp, 444, 450. 2 THURLOE, State papers, vol. III, p. 345; vol. IV, p. 740.

S 14.

Des priviléges des

ambassadeurs.

Munster, où les ambassadeurs des deux puissances refusèrent de jamais se rencontrer, et où le congrès, qui devait mettre fin aux malheurs de la guerre de trente ans, fut sur le point de se dissoudre, parce qu'on ne pouvait pas s'accorder sur la question de l'ordre des signatures des protocoles. Cette contestation fut enfin terminée par la collision sanglante qui eut lieu à Londres en 1661, entre les ambassades espagnole et française, dans laquelle plusieurs personnes de leurs suites respectives furent blessées et tuées. Dans cette occasion Louis XIV exigeait une réparation solennelle, sous forme d'une mission extraordinaire de la part de Philippe IV, par qui la préséance de la France fut solennellement reconnue 1. La préséance établie de cette manière a même survécu à l'époque où l'égalité des têtes couronnées semblait être généralement reconnue, parce que quand les médiateurs anglais au congrès de Nimègue, en 1679, ont proposé aux divers ministres un règlement d'ordre basé sur le principe d'égalité, les ambassadeurs de France n'ont fait aucune difficulté d'y adhérer, excepté envers les Espagnols. Quant à ceux-ci, ils s'en tinrent à l'arrangement de 1661 2.

Les discussions relatives au cérémonial qui devait être observé par les différents états de l'Europe entre eux, étaient étroitement liées avec les droits et priviléges des ambassadeurs, qui, après avoir donné lieu à une foule de disputes, furent enfin définis avec quelque netteté pendant l'époque dont nous nous occupons. Nous avons déjà vu que le permier écrivain de mérite sur ce sujet fut Alberico Gentili 3, qui, l'année après la publication de son traité De legationibus, fut consulté

1 On perpétua le souvenir de cet événement par une médaille frappée à cette occasion avec l'exergue: «Jus præcedendi assertum,» et en bas, «Hispanorum excusatio eorum XXX legatis principum. »

2 Life and lettres of sir L. JENKINS, vol. I, p. 440.

3 Supra Introduction, p. 49.

en même tous que Holtoman par la cour d'Angleterre, sur le cas de Mendoza, l'ambassadeur d'Espagne, accusé d'avoir conspiré contre la reine Élisabeth. Ces deux légistes ont été d'accord, dans leurs conclusions, sur le principe qu'un ambassadeur, quoique pris en flagrant délit de conspiration contre le gouvernement du pays où il est accrédité, ne peut pas être puni de mort, mais qu'il doit être renvoyé à son maître, pour être puni à sa discrétion. Par suite de cette consultation, Mendoza reçut seulement ordre de quitter le royaume, et un agent fut envoyé en Espagne pour présenter une plainte contre lui 1.

Tel fut aussi l'avis de Grotius, qui, écrivant au commencement du siècle suivant, soutenait que le consentement tacite des nations avait exempté la personne des ambassadeurs et leur suite de la juridiction criminelle et civile de l'état par lequel l'ambassadeur avait été reçu à cette condition sous-entendue, dans tous les cas, excepté ceux où la juste nécessité d'une défense légitime crée une exception à toutes les lois humaines 2.

Il y a cependant un cas remarquable, qui est arrivé peu de temps après la publication de son ouvrage, et qui semble militer contre le caractère sacré et inviolable attribué à ces personnes. Ce fut celui de Don Pantaléon Sa, frère de l'ambassadeur portugais en Angleterre, qui fut jugé, trouvé coupable, et exécuté pour un meurtre atroce, dans l'année 1653.

D'après le compte rendu de cette affaire par Zouch, élève et successeur de Gentili dans la chaire de droit à Oxford, et qui fut aussi un des juges commissaires dans la procédure de l'accusé, il paraît que ses moyens de défense comme appartenant à la suite de l'ambassadeur ont été rejetés par le tribunal. S'il avait été l'ambassadeur lui-même, il n'y a pas le moindre doute, suivant l'opinion de Grotius et d'autres pu

1 WARD, History of the law of nations, vol. II, p. 523.
2 GROTIUS, De jure belli ac pacis, lib. II, cap. XVIII, § IV.

$ 15. Wicquefort,

mort en 1682.

blicistes, qu'il auraît dû être renvoyé au tribunal de son pays pour y être jugé. Mais l'autorité de ces écrivains, en étendant les priviléges d'exterritorialité aux personnes de la suite de l'ambassadeur, fut repoussée par le tribunal, et Zouch luimême donna son adhésion à ce jugement'.

La conduite de Cromwell, dans ce cas singulier, est sévèrement condamnée par Leibnitz, comme une violation du droit des gens; et Bynkershoek, dont l'ouvrage De foro legatorum fut publié en 1724, déclare qu'il n'a pu trouver, après des recherches très-diligentes, que quatre cas où l'ambassadeur et les personnes de sa suite avaient été jugés et punis dans le territoire de l'état auprès duquel ils étaient accrédités. Il ajoute que tous ces cas étaient distingués par des circonstances particulières, ou bien qu'ils avaient été condamnés par les publicistes; et même s'ils n'avaient pas été désapprouvés, les exemples de l'application de la règle générale ont beaucoup plus de poids que les exceptions, comme preuves l'usage et de l'opinion générale des hommes civilisés ?.

de

Un des ouvrages les plus remarquables publiés pendant le né en 1598, dix-septième siècle concernant les droits et les devoirs des ministres publics, est celui de Wicquefort 3. Cet auteur naquit à Amsterdam en 1598, et devint ministre résident de l'électeur de Brandebourg à Paris, en 1626. Il resta dans ce poste jusqu'en 1658; quand le cardinal Mazarin, ayant intercepté sa correspondance d'un caractère offensant pour ce ministre, lui ordonna de quitter le royaume, et, sur son refus, le fit emprisonner à la Bastille, et l'envoya ensuite sous escorte à Calais, où il fut embarqué pour l'Angleterre. A son retour dans son pays natal, Wicquefort fut nommé, à la recommandation du

1

RIC. ZOUCH, Solutio quæstionis veteris et novæ de legati delinquentis judice competente. Oxon. 4657.

2 LEIBNITZ, De jure suprematus ac legationis principum Germaniæ, cap. VI, p. 14. BYNKERSHOEK, De foro legatorum, cap. XVIII L'Ambassadeur et ses fonctions, à Cologne, 1679.

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