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Discussion entre la France

sur la question

reconnaissance

des colonies anglaises comme états

suprême et illimité, ou que les colonies soutinssent leur indépendance absolue. Les colonies se déclarèrent donc indépendantes de la Grande-Bretagne le 4 juillet 1776, et formèrent une confédération pour leur défense mutuelle. La cour de France, après de longues hésitations et de mûres délibérations, reconnut ouvertement leur indépendance, en 1778, en formant deux traités avec les États-Unis d'Amérique, le premier d'amitié et de commerce, le second d'alliance défensive éventuelle '. La cour de France fit part de ces traités à celle d'Angleet l'Angleterre terre, et chercha à les justifier, en alléguant que les États-Unis de la étaient de fait en possession de l'indépendance qu'ils avaient déclarée, et qu'aucun avantage exclusif n'était stipulé pour indépendants. la France dans le traité de commerce, pendant que les ÉtatsUnis se réservaient la liberté de traiter avec toute autre nation sur le même pied d'égalité et de réciprocité. Le gouvernement français se plaignit aussi de l'interruption de son commerce légitime avec la nouvelle république, par des croiseurs anglais, ce qui était, disait-il, contraire au droit des gens et aux traités actuels; il allégua même que l'Angleterre avait commencé les hostilités en attaquant une frégate française avant la déclaration de guerre; tandis que le ministère anglais avait rejeté la médiation proposée de l'Espagne, parce que la France avait insisté pour que les États-Unis fussent compris dans la pacification 2.

Le gouvernement anglais répondit à cette déclaration, en accusant la France d'avoir ouvert ses ports aux vaisseaux de guerre américains, ainsi qu'à leurs prises, leur facilitant par là les moyens d'augmenter leurs armements pendant qu'elle permettait à ses sujets d'équiper des vaisseaux armés sous le pavillon américain, pour croiser contre le commerce anglais

1 MARTENS, Recueil, vol. II, pp. 387-609.

2 Exposé des motifs de la conduite de la France. (FLASSAN, Diplomatie française, vol. VII, p. 168. Ch. : DE MARTENS, Nouvelles causes célèbres du droit des gens, tome I, pp. 425-436.

et transporter des marchandises de contrebande aux colonies révoltées; et qu'elle les aidait même par des provisions d'armes, d'argent et autres secours, fournis par le gouvernement français, sous le prétexte d'affaires de commerce particulières, Il allégua encore que, si même un autre état ennemi reconnu parmi les puissances légitimes de l'Europe avait conquis les colonies anglo-américaines, la France ne saurait reconnaître les acquisitions ainsi faites; et que la révolte ne saurait donner des droits plus grands que ceux de la guerre légitime. On ne saurait, non plus, regarder les propositions faites par le gouvernement anglais, pour un accommodement avec ses colonies révoltées, comme la reconnaissance de leur indépendance de fait, qui excuserait l'intervention d'une puissance étrangère; puisque les bases mêmes de la réconciliation proposée contenaient le rétablissement de l'autorité légale de l'Angleterre. On ajouta qu'une déclaration formelle de guerre n'était pas nécessaire, puisque les hostilités avaient été commencées par la France, en formant des traités de commerce et d'alliance avec les colonies révoltées, leur donnant appui et secours, et commettant des agressions directes sur le commerce anglais 1.

La cour de France répondit à ces arguments en alléguant l'exemple de la reine Élisabeth, qui reconnut l'indépendance des Pays-Bas, révoltés contre l'Espagne au seizième siècle. Après avoir fait plusieurs traités secrets avec l'Angleterre, les provinces confédérées déclarèrent leur indépendance en 1585, déclaration qui fut suivie d'un nouveau traité d'alliance conclu dans la même année. Pour justifier ce dernier traité, Élisabeth publia un manifeste, dans lequel elle exposa les cruautés commises par le gouvernement espagnol dans les Pays-Bas, et le

1 Mémoire justificatif pour servir de réponse à l'exposé des motifs de la conduite du roi de France relativement à l'Angleterre. (GIBBON, Misc. Works, vol. IV, p. 246.) Ce mémoire fut rédigé par Gibbon lui-même.

dessein de la cour de Madrid de les priver de leurs anciens priviléges. Elle déclara, en même temps, son intention de soutenir les Provinces - Unies dans la défense de leur liberté, comme le seul moyen de conserver un libre commerce pour ses sujets avec ces provinces, et de préserver l'Angleterre de l'invasion de l'Espagne, qui deviendrait très-facile s'ils en faisaient la conquête. On ajoutait que la publication de ce manifeste n'occasionna aucune rupture entre les deux cours, et qu'en 1588, Élisabeth accepta, sur la demande de Philippe II, l'office de médiatrice entre ce prince et les Provinces-Unies.

La cour de France chercha à établir encore, que sa déclaration à la cour de Londres, du 14 mars 1778, était fondée sur le fait incontestable que les Américains étaient en possession de leur indépendance quand les traités d'alliance et de commerce furent conclus le 6 février 1778; et que, d'après les principes également incontestables du droit public, ce fait était suffisant pour justifier le roi d'avoir formé ces engagements sans examiner la question de la légalité de cette indépendance. Il suffisait que le gouvernement anglais eût cessé de traiter comme rebelles les colons révoltés; qu'il observât envers eux les lois ordinaires de la guerre reconnues entre des nations civilisées; que des prisonniers eussent été régulièrement échangés en vertu de cartels signés par des commissaires du congrès; que des troupes anglaises eussent capitulé avec celles des États-Unis, et que leurs capitulations eussent été respectées, et que le gouvernement anglais eût reconnu l'autorité de la république, en envoyant des commissaires pour traiter de la paix avec le congrès. Mais que ce n'était point à la France de discuter si les États-Unis avaient ou n'avaient pas le droit d'abjurer la souveraineté de l'Angleterre; si la possession de leur indépendance était légale ou non : que ni le droit des gens, ni les traités, ni la moralité, ni la politique n'imposaient au roi l'obligation de devenir le gardien de la fidélité des sujets anglais à leur souverain : qu'il suffisait à la

justification de Sa Majesté que les colonies, formant, par leur population et l'étendue de leur territoire, une nation considérable, eussent établi leur indépendance, non-seulement par une déclaration solennelle, mais aussi de fait, et qu'elles l'eussent maintenue contre tous les efforts de l'Angleterre. Telle était la position des États-Unis quand le roi commença à négocier avec eux. Sa Majesté pouvait les regarder comme nation indépendante, ou comme des sujets de la Grande-Bretagne ; elle avait choisi la première position, parce que sa sécurité, les intérêts de son peuple, et, au-dessus de tout, les projets secrets de la cour de Londres, la lui imposaient comme une obligation impérieuse. La France ne dépendait pas de la couronne d'Angleterre aucun engagement n'obligeait le roi à maintenir cette couronne dans l'intégrité de ses domaines, et encore moins de forcer ses sujets à l'obéissance; tellement que Sa Majesté n'avait aucun devoir à remplir en faveur de l'Angleterre à l'égard de ses colonies américaines. Il n'était ni obligé d'assister l'Angleterre contre les colonies, ni de repousser les colonies quand elles se présentaient à lui comme un peuple indépendant. Il avait le droit de regarder comme tel le peuple uni d'un continent immense, se présentant sous ce titre, surtout puisque leur ancien souverain avait prouvé, par de longs et pénibles efforts, l'impossibilité de les subjuguer '. Par le traité d'amitié et de commerce, du 6 février 1778, entre la France et les États-Unis, on avait stipulé que des vaisseaux libres rendraient les marchandises libres. Le gouvernement français publia, le 26 juillet 1778, une ordonnance étendant cette stipulation en faveur de toutes les puissances neutres. Le premier article de cette ordonnance défendait aux croiseurs français de saisir des vaisseaux neutres, même s'ils naviguaient d'un port ennemi à un autre, à moins que ces

1 FLASSAN, Vol. III, p. 174. Observations sur le mémoire justificatif de la cour de Londres..Ch. DE MARTENS, Nouvelles causes célèbres du droit des gens, tome I, pp. 462-498.

$ 13. Ordonnance

française règle de

de 1778, établissant

vaisseaux libres, marchandises libres.

§ 14. Origine de la neutralité armée de 1780.

ports ne fussent bloqués, assiégés ou investis. Des vaisseaux neutres chargés de contrebande de guerre étaient encore soumis à la capture, et les articles de contrebande, à la confiscation : mais le vaisseau et le reste de la cargaison devaient être relâchés, à moins que les articles de contrebande ne montassent aux trois quarts de la valeur de la cargaison; dans ce cas, et le vaisseau et la cargaison seraient confisqués. Mais Sa Majesté se réservait la faculté de révoquer la liberté donnée par cet article, si l'ennemi, dans l'espace de six mois, à partir de la date de cette ordonnance, ne faisait une pareille concession.

L'ordonnance contenait plusieurs autres dispositions à l'égard des preuves de propriété à exiger des vaisseaux neutres, et confirmait sous d'autres rapports les dispositions du titre des prises dans l'ordonnance de la marine de Louis XIV, 1684 1.

A la même époque l'Espagne avait été entraînée à la guerre comme alliée de la France en vertu du pacte de famille, et l'Angleterre avait en vain demandé à la Hollande les secours que la république était obligée de lui donner en vertu des traités d'alliance et de garantie qui existaient entre les deux pays. Les apparences même donnaient lieu de croire que l'Angleterre rencontrerait bientôt un ennemi dans son ancien allié. Sa supériorité commerciale et coloniale sur mer était aussi menacée par une confédération formidable des puissances maritimes, unie à l'énergie naissante de ses propres colonies. Dans cette extrémité, le cabinet anglais s'adressa à la Russie, comme à une puissance dont l'amitié et les secours pouvaient être gagnés en appliquant les moyens nécessaires. Sir James Harris (depuis lord Malmesbury) reçut ordre de sonder les dispositions de l'impératrice Catherine; et dans ce but, il s'adressa à Panin, chancelier de l'empire, et à Potemkin, le favori en titre de cette princesse. Le premier était peu favorable

1 Code des prises, vol. II, p. 674.

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