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modifie un peu ce qu'il vient de dire, en déclarant que ceci n'a lieu que pour frapper de terreur ceux qui survivent oncore, et d'obtenir ainsi une paix honorable. Il arrive donc à la conclusion, qu'il n'est pas toujours légitime de mettre ainsi à mort ses ennemis. Mais cet adoucissement des droits de la guerre ne peut avoir lieu pour des infidèles, avec lesquels il n'y a jamais d'espoir d'obtenir une paix basée sur de justes conditions. De sorte que finalement il arrive à la conclusion qu'entre des ennemis chrétiens, ceux qui ne résistent plus ne peuvent pas être massacrés avec justice, d'autant plus que des sujets qui prennent seulement les armes pour obéir à leur souverain peuvent être considérés comme des personnes innocentes. Et quoique, d'après le droit naturel, des militaires qui se rendent ou qui sont faits prisonniers puissent être mis à mort, cependant les usages de la guerre, qui étaient devenus une partie du droit des gens, en avaient décidé autrement. Mais Victoria affirme qu'il n'a jamais entendu dire que cet usage eût été étendu à la garnison d'une ville fortifiée qui s'est rendue à discrétion. Là où il n'y a pas de capitulation assurant la vie aux prisonniers, ils peuvent être légalement mis à mort.

Quant à la question de savoir si des choses enlevées dans une juste guerre deviennent la proprieté des vainqueurs, Victoria la résout en disant que puisque l'objet d'une guerre est d'obtenir satisfaction pour des injustices qui vous ont été faites par l'ennemi, les choses qui lui ont été enlevées peuvent être confisquées dans ce but. Mais il est nécessaire de faire une distinction entre les différentes choses qui peuvent être enlevées en temps de guerre. Ces choses sont, soit de l'argent, de l'or ou des effets d'habillements, soit des immeubles, tels que des terres, des forteresses ou des villes. Quant aux meubles, ils deviennent la propriété des vainqueurs, quand même leur valeur excède les torts qui ont été faits par l'ennemi. Pour appuyer ce qu'il dit, il cite la loi Si quid in bello et

hostes, ff. De capt. et C. Jus gentium, et Inst. De rer. divis. § Itemque ab hostibus, où il est expressément dit : « Quod jure gen– tium quæ ab hostibus capiuntur STATIM nostra fiunt.» Il ajoute à ce témoignage celui des saintes Écritures et celui des casuistes. Il admet qu'une ville prise peut être livrée au pillage, mais seulement dans le cas où cela est absolument nécessaire. Quant aux immeubles, il soutient que les terres, les villes et les forteresses de l'ennemi peuvent être gardées jusqu'à ce qu'il ait donné satisfaction pour les torts qu'il a faits. On peut aussi lever des contributions sur l'ennemi, non-seulement pour se dédommager des torts qui ont été faits, mais aussi pour l'en punir. Dans des cas extrêmes, où les torts qui ont été faits sont très-considérables, et où l'on n'en peut obtenir aucune autre réparation, on peut renverser le gouvernement du pays conquis et l'unir au territoire du conquérant. Tous ces droits extrêmes de la guerre doivent être tempérés dans la pratique par la considération que la guerre peut être injuste, quoique le souverain ennemi puisse agir bonâ fide, en la faisant d'après le conseil d'hommes prudents et vertueux.

Victoria termine cette dissertation en posant trois canons ou règles de conscience relatifs au sujet qu'il vient de traiter.

1o Que le souverain qui a le droit de faire la guerre, nonseulement ne devrait pas chercher des prétextes pour la faire, mais encore qu'il devrait tàcher de vivre en paix avec tous les hommes, selon le précepte de saint Paul aux Romains, puisque les hommes sont des frères que nous devons aimer comme nous-mêmes, et puisque nous devons tous comparaître devant un même Dieu. La seule nécessité peut donc justifier une déclaration de guerre.

2o Quand une guerre est déclarée pour une juste cause, elle doit être faite non pas pour détruire complètement l'ennemi, mais pour que le mal qui lui sera fait puisse assurer une paix durable.

3o Lorsque l'on est victorieux, on doit user de la victoire

avec modération et une humilité chrétienne. Le conquérant est tenu, lorsqu'il peut décider quelle est la satisfaction due à son pays, de se placer en juge impartial entre les deux nations belligérantes. Il est d'autant plus tenu à se conformer à cette règle, que c'est ordinairement par la faute des rois que la guerre s'allume entre des nations chrétiennes. Les sujets s'arment pour leur souverain parcequ'ils ont confiance dans la justice de sa cause, et ils souffrent injustement par la faute de leurs chefs. Comme le dit Horace:

espagnols

Quidquid delirant reges, plectuntur Achivi. Indépendamment des ouvrages publiés par des théologiens Publicistes casuistes, un grand nombre de traités expliquant les lois de et italiens la guerre ont été aussi écrits vers cette époque par des publicistes espagnols et italiens, dont plusieurs sont cités par Grotius. L'Espagne, sous Charles - Quint et Philippe II, étant devenue la première puissance militaire et politique de l'Europe, entretenant de grandes armées, et faisant de longues guerres, devait être la première à sentir le besoin de cette partie essentielle du droit des gens, qui détermine systématiquement les principes de la guerre. Balthazar Ayala, grand Balthazar Ayaia prévôt de l'armée espagnole dans les Pays-Bas, a écrit un traité sur cette matière qu'il a dédié au prince de Parme, sous lequel il servait. Cet ouvrage est partagé en trois livres, dont le second a uniquement rapport aux droits de la guerre et le troisième à ses devoirs. Dans le premier de ces livres, l'auteur traite des lois de la guerre comme faisant partie du droit international, et cite sans cesse à l'appui des exemples tirés de l'histoire romaine et du droit romain 2.

Dans le premier chapitre l'auteur explique les formes de déclaration de guerre, qu'il tire du droit fécial des Romains, et sans lesquelles aucune guerre n'était regardée comme juste

'GROTIUS, De G. B. ac P. Prolog. 37, 38.

2 BALTHAZARIS AYALE J. C. et Exercitus regii apud Belgas supremi Juridici, de jure et officiis belli, libri III, Antverpiæ: 1597.

par ce peuple. Dans le second chapitre Ayala traite des justes causes de guerre. Il est d'accord avec Victoria pour reconnaître que le droit de déclarer et de faire la guerre appartient à l'état, et qu'une guerre est juste lorsqu'elle est faite, soit pour la défense de l'état, de ses sujets, de ses biens ou de ses alliés, soit pour recouvrer ce qui a été enlevé par l'ennemi. Ni les rebelles, ni les pirates ne sont regardés comme des ennemis publics; ils ne peuvent pas réclamer les droits de prise ou de postliminie. Des choses enlevées par eux ne sont pas regardées comme perdues par ceux à qui elles ont été enlevées; mais les choses qu'on leur prend deviennent la propriété de ceux qui les prennent, comme s'ils étaient des ennemis publics. La guerre contre les infidèles pour le seul prétexte de leur religion n'est pas justifiable; car leur infidélité ne leur enlève pas les droits de souveraineté et de domination qui leur sont assurés par le droit des gens, et cette souveraineté n'a pas été donnée, dans le principe, aux seuls fidèles, mais à toute créature douée de raison. L'autorité du pape ou de l'empereur ne saurait non plus sanctionner une telle guerre. L'autorité du pape ne peut la sanctionner, car il n'a pas de pouvoir spirituel ou temporel sur des infidèles, et il n'appartient pas à l'Église de punir des infidèles qui n'ont jamais reconnu le christianisme. L'autorité de l'empereur ne saurait la sanctionner non plus, car il n'est pas le maître du monde. Mais si les infidèles ont déjà eu connaissance du christianisme, et qu'ils refusent ensuite de permettre que l'Évangile soit propagé, on peut leur faire la guerre comme à d'autres hérétiques. En tout cas cependant, un sujet est tenu de soumettre son jugement à celui de son souverain, qui seul est responsable pour la justice ou l'injustice de la guerre. Une guerre peut être considérée comme juste, au point de vue du droit, quand même la cause qui la fait naître est injuste, puisqu'il n'y a pas de souverain arbitre entre deux états. On peut appeler juste, une guerre qui est faite par celui qui a

vraiment le droit de faire la guerre. Ainsi Ulpien dit : «Hostes >> sunt quibus publice populus romanus decrevit vel ipsi po>> pulo romano : cæteri verò latrunculi vel prædones apel>>> lantur. » Une guerre ainsi déclarée accorde aux deux parties = belligérantes tous les droits de la guerre.

Le troisième chapitre contient des digressions sur les duels et les combats particuliers, que l'auteur condamne comme étant également contraires aux lois divines et humaines. Le quatrième chapitre traite des représailles contre les biens de la nation. qui fait une guerre offensive, représailles qui ne peuvent être permises que par l'autorité suprême de l'état en qui réside le droit de faire la guerre.

Le cinquième chapitre traite des choses enlevées en temps de guerre et du jus postlimini. Les choses enlevées à l'ennemi dans une juste guerre deviennent la propriété des vainqueurs. Mais il faut distinguer entre les meubles et les immeubles, tels que des maisons ou des terres qui sont confisquées au profit de l'état. D'après les lois de l'Espagne, nonseulement les terres et les maisons, mais aussi les vaisseaux de guerre enlevés deviennent la propriété de la couronne. Quant aux meubles, le droit qu'ont les vainqueurs de se les approprier comme butin est encore restreint par l'état, qui peut s'en réserver une certaine portion pour lui-même, et distribuer le reste selon le rang des vainqueurs. Ayala cite les textes du droit romain pour montrer que non-seulement les choses, mais aussi les personnes, deviennent la propriété des vainqueurs, et que c'est ainsi que l'esclavage, qui n'existait pas dans le droit naturel, fut introduit par le droit des gens. Mais parmi les nations chrétiennes, un usage antique a substitué la rançon des prisonniers à l'esclavage; cependant du temps même où Ayala écrivait, l'esclavage était encore le sort des prisonniers dans la guerre entre des nations chrétiennes et les Turcs. Des personnes ainsi réduites à l'esclavage recouvrent leur liberté en retournant dans leur propre

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