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accusèrent les Platéens de mauvaise foi, parce qu'ils avaient répandu le sang de leurs prisonniers thébains. « Ce sang, » s'écrièrent-ils, demande vengeance avec autant de force que » vous, vous demandez grâce!»

Ces raisons expliquaient suffisamment leur haine contre Platée, mais la seule partie de leur discours qui eût vraiment trait à la question fut celle où ils rappelèrent aux Spartiates qu'ils étaient leurs plus puissants alliés. Les Spartiates le savaient bien et avaient depuis longtemps décidé qu'aucun scrupule de conscience, qu'aucune idée de justice ou d'humanité, ne viendraient troubler une alliance si importante pour eux. Cependant, pour sauver les apparences, ils déguisèrent leur désir secret de maintenir l'alliance avec les Thébains, en proposant de nouveau la question indiquée plus haut: «Avez>> vous, pendant cette guerre, fait quelque chose pour le ser» vice de Sparte ou de ses alliés ? » Et comme, selon la réponse affirmative ou négative des prisonniers, ils étaient mis à mort ou relachés, deux cents Platéens et vingt-cinq Athéniens perdirent ainsi la vie. Les femmes furent réduites en esclavage. << S'il n'y avait eu que de la cruauté dans cette transaction » dit Thirlwall, à qui nous avons emprunté ce récit « elle eût » été si peu importante en comparaison de celle que les Spar>>>tiates avaient montrée envers des prisonniers inoffensifs » pendant tout le cours de la guerre, qu'elle ne mériterait pas » d'être citée ici. Ce qu'il y a de particulier en cette occasion, >> c'est la lâche habileté et peut-être même la grossièreté de >> leur stratagème 1. »

Athéniens lors

de Mélos.

Le second trait que nous voulons citer pour montrer le Conduite des vrai caractère des droits de la guerre parmi les Grecs, est de la reddition celui de la reddition de Mélos. L'habile historien moderne que nous venons de citer dit, en donnant le récit des négociations qui précédèrent la reddition de cette ile, que « Thucydide

1 THIRLWALL'S History of Greece, vol. III, pp. 192, 196.

>> a composé un dialogue qu'il suppose, d'après sa connais>>sance des idées et des sentiments des deux parties, avoir >> pu être le véritable; car il semble qu'il n'y a pas de raison >>> pour lui attribuer une vérité historique. » Il est pourtant évident, par la conclusion si cruelle de cette scène, que le langage que Thucydide fait tenir aux interlocuteurs, est un tableau fidèle des maximes de moralité internationale reconnus par eux.

Les Athéniens commencèrent par montrer sur quels principes ils se proposaient de discuter la question. Ils soutinrent qu'en politique il fallait substituer la seule utilité aux règles de la justice. Ils ne prétendirent point que les habitants de Mélos avaient eu des torts, et ne niaient pas que, quoique colonie lacédémonienne, ils n'avaient pas pris part aux expéditions de la métropole. Mais ils montrèrent que la puissance d'Athènes dépendait du maintien d'un système incompatible avec l'indépendance de Mélos. La puissance d'Athènes est fondée, dirent-ils, sur l'opinion publique, et cette puissance serait ébranlée si l'on voyait qu'une seule île pouvait lui résister impunément, car le monde ne lui rendrait pas la justice de croire qu'elle s'était volontairement abstenue d'une conquête, et attribuerait une pareille action à de la faiblesse. Ils ajoutèrent que leur seul but était de fortifier la puissance athénienne, et que, dans cette entreprise, ils espéraient que les Dieux leur seraient favorables. Ce fut en vain que les habitants de Mélos essayèrent de montrer que l'intérêt même d'Athènes exigeait que leur neutralité fût respectée, puisque les autres états indépendants seraient alarmés et excités par une pareille agression; argument qui aurait pu être apprécié si Athènes avait eu une réputation d'équité et de modération à conserver. La question se trouva donc réduite à savoir si les habitants de l'île pouvaient gagner quelque chose à la résistance. Ils avouaient eux-mêmes qu'indépendamment des chances de la guerre, et de la faveur des Dieux toujours acquise

à la bonne cause, ils n'avaient d'autre espoir que les secours qui leur viendraient infailliblement de Sparte. Les envoyés athéniens leur firent remarquer, et ils ne le nièrent point, que de tous les états de la Grèce, Sparte était celui qui avait le mieux montré que dans les affaires politiques l'honneur est subordonné à l'inclination, et la justice à l'utilité; et que l'on pouvait, par suite, s'attendre à ce qu'au lieu de se laisser entraîner pas des sentiments de générosité, elle pourrait bien calculer les dangers auxquels elle serait exposée en venant au secours d'une île si faible et de si peu d'importance; et ils leur rappelèrent, en même temps, qu'Athènes avait suffisamment montré que ni des menaces ni des attaques dirigées contre elle ne pouvaient la détourner du but qu'elle se proposait. Ainsi se termina cette entrevue. Les envoyés d'Athènes se retirèrent pour attendre la réponse définitive des habitants de l'ile, et quand ils revinrent, il leur fut répondu que les Méléens ne désespéreraient pas au point de ne plus mettre de confiance en leurs alliés naturels et de renoncer ainsi tout d'un coup à une indépendance qui durait depuis sept siècles. Les Athéniens, en se retirant, exprimèrent leur étonnement de ce que les Méléens se précipitaient ainsi dans une ruine inévitable. On commença aussitôt le siége de la ville. Comme les Athéniens l'avaient prédit, aucun secours ne vint de Sparte, et les Méléens furent réduits à se défendre seuls. Ils le firent courageusement, mais l'arrivée de nouvelles troupes dans le camp des assiégeants et les nombreuses dissensions qui éclataient dans l'intérieur de la ville, hâtèrent sa ruine. Les malheureux habitants furent obligés de se rendre. Tous les citoyens en âge de porter les armes furent mis à mort et les femmes et les enfants réduits à l'esclavage.

« La conduite des Athéniens en cette occasion, dit l'histo>> rien que nous avons déjà cité, doit paraître moins révoltante >>> que leur bonne foi, en avouant les principes féroces d'après » lesquels ils agissaient. Mais quelque injuste et cruelle que fût

» leur conduite, elle ne doit pas être regardée comme étant plus » répréhensible, n'étant pas sanctionnée par le prétexte que >> les habitants de Mélos étaient des rebelles, prétexte dont on » a voulu couvrir des actes d'une iniquité bien plus révoltante > encore dans des siècles où l'on s'est fait gloire de professer » une loi morale toute divine. Le traitement des vaincus, à cette >>> occasion, quel qu'en fût le motif, était indigne d'une nation >> civilisée. Mais pour juger la conduite des Athéniens avec impartialité, il faut faire la part des usages barbares à cette » époque. La satisfaction que nous donnent les progrès de la >> civilisation ne doit par nous rendre injustes. Les mœurs >> plus douces de quelques nations modernes n'ont point empê>> ché de punir, comme coupables de crime de révolte, ceux qui » n'ont pas commis d'autre crime que de défendre l'indépen>> dance de leur patrie contre l'usurpation étrangère, en les » arrachant de leurs familles, pour les renfermer dans des for>>>teresses ou les reléguer dans les déserts de la Scythie 1. » Un savant auteur a énuméré les règles suivantes comme chez les Grecs. constituant les rudes éléments du droit public chez les anciens Grecs, et servant à régler les rapports des différents peuples de la Grèce entre eux:

Eléments du droit public

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1o On ne devait pas priver de sépulture ceux qui perdaient la vie dans les combats.

2o On ne pouvait élever de trophée durable après une victoire.

3o On ne pouvait légalement mettre à mort ceux qui lors de la prise d'une ville se réfugiaient dans les temples 2.

4o On pouvait priver de sépulture ceux qui avaient commis des sacriléges.

5o Il était permis à tous les Grecs de fréquenter les jeux

1 THIRLWALL'S History of Greece, vol. III, p. 364.

2 Cependant les Orchoméniens, qui s'étaient réfugiés dans un temple après la prise de leur capitale par Cassandre, furent tous massacrés. Παρα τα κοωνα Εηζνων νομιμνα, dit Diodore, 1. ΧΙΧ. 63.

publics et les temples, et d'offrir des sacrifices, même en temps de guerre 1.

amphictyo

Ces règles furent sanctionnées par le conseil des Amphic- Conseil tyons, appelé à prononcer sur les infractions faites aux lois nique. et aux coutumes consacrées par la religion commune à tous les peuples grecs. Il est évident, d'après cette simple énumération, que la ligue amphictyonique était une institution plutôt religieuse que politique. Aussi l'histoire démontre-t-elle qu'elle n'a jamais formé une véritable confédération des états grecs. Eschine cite un serment par lequel il était défendu aux membres de la ligue de détruire une ville amphictyonique, ou d'obstruer les sources d'eau, même en temps de guerre, et il leur était enjoint de défendre le sanctuaire et le trésor de Delphes contre tout sacrilége. Cette forme de serment montre sous.son vrai jour le caractère de cette ligue; ses principales fonctions étaient de défendre le temple et d'empêcher des actes d'hostilité contre les villes qui faisaient partie de la ligue. Il n'est pas question dans ce serment d'une ligue contre l'étranger, excepté pour la protection du temple, ni d'aucun droit d'intervenir entre ses différents membres, à moins que ce ne fût pour défendre l'un des confédérés contre l'autre. Cependant ce serment ne les a jamais empêchés d'infliger les peines les plus cruelles à leurs frères en temps de guerre; il pouvait donc encore bien moins contribuer à rendre la nation plus humaine 2.

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Théorie de l'équilibre

dans l'antiquité.

On a beaucoup discuté la question de savoir si les anciens avaient quelque notion d'un arrangement systématique, tel des puissances qu'il en a été fait dans les temps modernes, pour assurer aux états dont l'activité se déploie dans la même sphère, la tranquille possession de leur indépendance ainsi que de leur territoire. Hume a essayé de montrer que si même les anciens n'avaient pas une théorie exacte de l'équilibre des puissances,

1 Sainte-Croix, sur les anciens gouvernements fédératifs. 2 THIRLWALL'S History of Greece, vol. III, p. 380, 384.

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