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gentium et de leur convenance réciproque, sont entrés dans des raisonnements philosophiques. Mais au fond les arguments de ce genre ne constituent que des motifs de convenance réciproque (ob reciprocam utilitatem) pour les nations, d'admettre, dans leurs territoires respectifs, l'application des lois étrangères; et dès lors nous en revenons toujours à ce principe fondamental, que l'application des lois étrangères n'est qu'une concession, et ne saurait être exigée comme un droit.

Dans cet état des choses, suivant M. Fœlix, la mission de l'écrivain, en cette matière, se borne à signaler d'une manière méthodique les cas dans lesquels la comitas gentium a été appliquée; à indiquer les cas analogues susceptibles d'être décidés de la même manière, et à engager les nations, par la perspective des avantages réciproques, à rendre plus fréquente, dans leurs territoires respectifs, l'application des lois étrangères. Par la suite, l'accroissement du nombre des décisions intervenues, et les débats qui les auront précédées, permettront d'établir des règles plus générales que celles qu'on a su admettre et reconnaître jusqu'à ce jour. C'est ainsi que le droit international privé pourra arriver à l'état de science, de même qu'en France le droit administratif y est arrivé, depuis peu d'années, par les travaux de M. de Gérando et autres, qui ont commencé par classer d'une manière méthodique les décisions intervenues.

Le principe de l'application des lois étrangères dans le territoire d'un état appartient, non au droit privé, mais au droit des gens bien qu'il s'agisse au fond d'appliquer des dispositions du droit privé, cependant cette application n'a lieu que par suite des rapports de nation à nation. En effet, rien n'empêche, en fait, les sujets d'un état de traiter avec les sujets d'un autre. La question de l'application des lois étrangères se présente lorsque, soit à la suite d'une convention, soit par l'effet d'un fait, licite (comme en cas de succession), ou d'un fait illicite, l'une des parties intéressées réclame l'intervention

de l'autorité publique de l'un des états, de ses tribunaux, par exemple, pour confirmer, sanctionner ou annuler entre les sujets de divers états, ou pour régler les droits des étrangers sur des objets situés dans le territoire, ou enfin pour la répression du fait illicite commis par un étranger. Dans tous ces cas il s'agit de savoir jusqu'à quel point l'autorité publique devra admettre l'application des lois étrangères. Huber, dans le traité De conflictu legum, No 1, dit que «la question appartient plutôt au droit des gens qu'au droit civil, parce qu'il est évident que les rapports respectifs des diverses nations entre elles rentrent dans le domaine du droit des gens. » Il ajoute, au N° 2, que « la décision de cette question doit être recherchée, non dans le simple droit civil, mais dans la convenance réciproque et le consentement tacite des nations; car si d'une part les lois d'une nation ne peuvent point exercer directement leurs effets chez l'autre, d'une autre part, rien ne serait plus préjudiciable au commerce et aux relations des nations entre elles, que ce qui est valable d'après le droit d'un certain lieu fût sans effet dans un autre lieu par la diversité du droit. »>

Cependant l'application des lois étrangères admet une double restriction, fondée sur le principe de l'indépendance des nations les lois étrangères ne peuvent être invoquées, si elles préjudicient au droit de souveraineté ou aux droits nationaux. Aucune nation ne renonce, en faveur des institutions d'une autre, à l'application des principes fondamentaux de son gouvernement; elle ne se laisse pas imposer des doctrines qui, selon sa manière de voir, sous le point de vue moral ou politique, sont incompatibles avec sa propre sécurité, son propre bien-être, ou avec la consciencieuse observation de ses devoirs ou de la justice. Ainsi aucune nation chrétienne ne tolère sur son territoire l'exercice de la polygamie, de l'inceste, l'exécution de conventions contraires à la morale, l'emploi des châtiments ou des cruautés qui se trouvent autorisés

par les mœurs des infidèles. De même tout état refuse d'appliquer dans son territoire les lois étrangères fondées sur un égoïsme étroit, et consacrant des faveurs et priviléges au profit de leurs nationaux.

Tels sont les principes généraux en matière d'application des lois étrangères. Cette application, nous le répétons, n'est jamais forcée, et elle ne peut résulter que de la bonne volonté de la nation dans le territoire de laquelle les lois étrangères obtiennent leurs effets. Si, malgré toutes les raisons de convenance qui peuvent appuyer cette application, les autorités publiques de la nation la refusent, tout est terminé, sauf aux autres nations à agir envers la première par voie de rétorsion.

Plusieurs auteurs ont prétendu faire dériver à priori la nécessité de l'application de certaines lois étrangères : selon eux cette nécessité résulte de la nature même de ces lois. Les anciens auteurs ont soutenu cette thèse à l'égard des lois concernant l'état et la capacité des personnes. Ces lois, disait - on, régissent, par leur nature même, tous les sujets de l'état et tous les individus qui y ont leur domicile, qu'ils s'y trouvent ou non momentanément dans le lieu de ce domicile. Rodenburg et Burgundus 2 semblent professer cette doctrine en termes formels; Abraham à Wesel, Hert et Meir la supposent, en commençant leur exposition immédiatement par l'examen de la question de savoir quelles sont, parmi les diverses espèces de lois, celles auxquelles on doit accorder l'application dans le territoire des autres nations.

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RODENBURG, De jure quod oritur ex statut. divers., tit. 1, chap. 3,

2 BURGUNDUS, Tractatus controversiarum ad consuetudines Flandriæ, no 3.

3 ABRAHAM A WESEL, Ad novella constit. ultraj., art. 4, no 40 et suiv.

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HERT, Dissert. de collisio legum, sect. 4, § 4 et suiv.

MEIR, De conflictu legum diversarum, § 5, p. 14.

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D'autres auteurs, et particulièrement ceux qui ont écrit dans les derniers temps en Allemagne, ont cherché à généraliser cette doctrine, en établissant des théories à priori sur l'application des lois étrangères. M. Fœlix ne fait mention à ce sujet que des travaux de MM. Schaffner et de Wachter 2 , parce que ces auteurs, dont les écrits sont les derniers dans l'ordre chronologique, se sont attachés à réfuter les théories de leurs devanciers, et à en établir de nouvelles. Ces dernières, il les croit aussi peu fondées, et aussi peu applicables à la décision des conflits entre les lois de différentes nations, que l'ont été celles qui les ont précédées.

La théorie de M. Schaffner consiste à dire que, pour décider les cas de conflit de lois de différentes nations en matière de droit privé, le juge doit d'abord consulter les dispositions spéciales relatives à ces conflits, qui peuvent se trouver dans les lois positives ou dans les coutumes de son pays. A défaut de ces dispositions spéciales, il faut apprécier chaque position de l'homme, chaque acte de sa vie civile, d'après les lois du lieu où cette position s'est faite, où cet acte a pris naissance.

M. de Wachter, qui du reste paraît ne s'occuper que des états composant la conféderation germanique, pose comme premier principe, que le juge doit statuer uniquement selon les lois de l'état qui l'a institué. Partant de ce principe, l'auteur voudrait que le juge, en examinant un cas de conflit de lois de différents états, commençât par rechercher si les lois de son pays renferment une disposition qui décide la question de savoir si, en cas de conflit entre les lois de l'état et celles d'un pays étranger, il y a lieu de suivre celles-ci on celles-là. A défaut d'une disposition de ce genre, M. de Wachter vou

1 SCHAFFFNER, Entwicklung des internationalen Privatrechts, § 31 et suiv.

2 WAECHTER, Ueber die Collision der Privatrechtsgesetze verschiedener Staaten, publiés dans les Archiv für die civilistischen Praxis, tom. XXIV, p. 237 et suiv., tom. XXV, pp. 1-33.

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drait que
le juge eût recours au droit commun de l'Alle-
magne; mais il faut remarquer que ni l'un ni l'autre des deux
parties qui composent ce droit commun (le droit romain et les
usages des peuples allemands) n'offrent de principes généraux
régulateurs, applicables aujourd'hui. Dans cet état des choses,
suivant cet auteur, le juge doit s'attacher à découvrir l'esprit
des lois sur la matière qui sont en vigueur dans l'état, et dé-
cider, en conséquence, s'il y a lieu ou non d'appliquer ces
mêmes lois à la personne des étrangers ou aux actes passés
en pays étranger. Si l'esprit des lois de l'état ne fournit pas
des indications suffisantes pour la décision de cette question,
le juge appliquera purement et simplement le texte de ces
mêmes lois.

La doctrine des anciens auteurs, relativement aux lois concernant l'état et la capacité des personnes, disparaît nécessairement devant le principe de l'indépendance des états souverains. Les théories de MM. Schaffner et de Wachter sont arbitraires, et ne reposent point sur les relations des diverses nations les unes vis-à-vis des autres. Ces relations, suivant M. Fœlix, peuvent seules former la base d'une théorie sur la matière 1.

Les écrivains philosophiques de l'école allemande ont cherché à approfondir la théorie du droit international, considéré comme partie de la jurisprudence ou science des lois en général. Le célèbre philosophe Kant proposa, en 1795, peu de temps après la paix de Bâle, son projet de paix perpétuelle, basé sur la même idée d'une confédération des nations de l'Europe représentée par un congrès permanent, que nous avons déjà vu successivement énoncé dans le siècle précédent par Saint-Pierre, Rousseau et Bentham 2. Kant développe cette idée, en proposant, comme première condition de la paix perpétuelle, que la constitution de chaque état doit être répu

FOELIX, Droit international privé, §§ 9-17.

Voyez, tome I, seconde période, § 17. Troisième période, § 20.

S 42. Projet

de paix

perpétuelle

de Kant,

« FöregåendeFortsätt »