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nomme le droit public de l'Europe n'existe pas; attendu que, quoique toutes les sociétés civiles par toute la terre soient entièrement ou en partie gouvernées par des coutumes qui sont pour elles des lois, les coutumes qui se sont établies entre les nations de l'Europe, et qu'elles ont universellement, constamment et réciproquement observées depuis trois siècles, ne sont point une loi pour elles; en un mot, que tout est légitime à qui est le plus fort. »><

Il cherchait à démontrer dans cette note que l'annexion entière du royaume de Saxe à la Prusse porterait un coup fatal à l'équilibre général de l'Europe, qui consiste dans un rapport entre les forces d'agression et les forces de résistance réciproques des divers corps politiques, en créant contre la Bohême une force d'agression trop grande, et en menaçant ainsi la sûreté de l'Autriche entière, car la force particulière de résistance de la Bohême devrait être proportionnellement accrue, et ne pourrait l'être qu'aux dépens de la force géné rale de résistance de la monarchie autrichienne 1.

Pendant ces discussions, on proposa, de la part de la Prusse, d'indemniser le roi de Saxe pour la perte de ses états héréditaires par la cession de tout le territoire situé entre la Sarre, la Meuse, la Moselle et la rive gauche du Rhin. On a reproché au négociateur français le refus de cette offre comme étant une faute politique très-grave, et on a demandé si, tandis que le roi des Pays-Bas occupait la Belgique, que la Bavière était à Landau, que la confédération germanique possédait Mayence et Luxembourg, il ne valait pas mieux placer entre la Sarre et le Rhin, à quelques marches de la capitale française, un petit qu'un grand état, un souverain nécessairement inoffensif, qu'une puissance de premier ordre qui servirait alors d'avant-garde à l'Europe? Ne valait-il pas mieux

1 KLÜBER, Acten des Wiener Congresses, Bd. 7, S. 48.

avoir la Prusse sur les flancs de la Bohême que sur les frontières de la France? Ne valait-il pas mieux augmenter sa rivalité avec l'Autriche en multipliant leurs points de contact, et rendre ses futurs rapports avec la France plus faciles en l'éloignant de son territoire 1?

Il est certainement très-vrai que le partage violent de la Saxe, sans le consentement de son souverain, portait aussi bien atteinte au principe de légitimité que le faisait l'incorporation entière de ses états dans la monarchie prussienne. Mais il ne faut pas oublier que l'Autriche s'est constamment opposée à cette incorporation, et qu'elle insistait pour qu'une portion, au moins, des territoires saxons fût interposée entre elle et la Prusse. Elle aussi préférait un voisin faible et inoffensif sur la haute Elbe à l'alternative de se trouver en contact immédiat avec son ancienne rivale sur la frontière de la Bohême. Si elle a paru céder un moment aux demandes de la Prusse dans toute leur étendue, c'était seulement avec des réserves, et afin d'engager le cabinet prussien à mettre des entraves à la réunion du duché de Varsovie à la Russie. Aussitôt que cette réunion fut arrêtée, l'Autriche revint à sa première opposition à l'incorporation totale de la Saxe dans la monarchie prussienne, comme étant opposée à tous les rapports de voisinage et de frontière entre les deux monarchies.

Une transaction fut enfin amenée entre les principes et les prétentions extrêmes soutenus par les diverses parties à la négociation concernant la question de Saxe. La reconstruction de la monarchie prussienne sur une échelle proportionnée à celle occupée par la Prusse avant la guerre de 1806, fut accomplie par le partage des états saxons, entre elle et leur ancien souverain, et par l'annexion à la Prusse des pays

1 MIGNET, Notice historique sur la vie et les travaux de M. le prince de Talleyrand, lue à la séance publique du 14 mai 1839, de l'académie des sciences morales et politiques.

constituant autrefois les électorats ecclésiastiques du Rhin avec d'autres territoires vacants 1.

Les difficultés que rencontrèrent les questions combinées de la Pologne et de la Saxe firent craindre, à une certaine époque, la dissolution du congrès, et amenèrent une alliance secrète et séparée entre l'Autriche, l'Angleterre et la France, signée à Vienne le 3 février 1815, et dirigée contre les prétentions de la Russie et de la Prusse 2.

Avant la signature de ce traité, le plénipotentiaire anglais, lord Castlereagh, s'était déjà relâché de la vigueur de son opposition aux vues de la Russie sur le duché de Varsovie. Dans une note communiquée, le 12 janvier 1815, au comité de Pologne et de Saxe, il disait que sans renoncer à ses premières représentations sur la Pologne, il se bornait seulement à souhaiter que de la mesure proposée par la Russie au sujet de ce pays, il ne pût résulter pour la tranquillité du Nord, ni pour l'équilibre général, aucun de ces maux qu'il était pour lui un devoir rigoureux de prévoir; mais que pour obvier, autant que possible, à de semblables conséquences, il était trèsimportant de fonder la tranquillité publique dans le territoire constituant autrefois la Pologne, sur une base libérale d'intérêt commun, en appliquant à tous les peuples qu'il renfermait, quelque variées que pussent être leurs institutions politiques, un système d'administration conforme à leurs sentiments nationaux. L'expérience avait démontré que ce n'était pas en s'opposant à toutes leurs coutumes et usages comme nation, que le bonheur des Polonais et la tranquillité de cette importante partie de l'Europe pouvaient être fixés. Une tentative de ce genre n'avait été propre qu'à exciter dans les Polonais un sentiment de mécontentement et de dégradation, à provoquer des mouvements, et à réveiller en eux le souvenir des

1

SCHOELL, Histoire abrégée des traités de paix, vol. XI, pp. 3287, 116-164.

2 KLÜBER, Acten des Wiener Congresses, 9. Bd., § 177.

malheurs passés. D'après ces motifs, le ministre anglais engageait vivement les monarques auxquels les destinées de la nation polonaise étaient confiées, de prendre entre eux, avant leur départ de Vienne, l'engagement de traiter comme polonaises, sous telle forme d'institution politique qui leur semblerait propre à les gouverner, les portions de cette nation qui seraient placés sous leur souveraineté respective. La connaissance d'une pareille détermination pourrait mieux concilier au gouvernement les sentiments publics, et honorer les souverains aux yeux de leurs sujets polonais : c'est ainsi que l'on parviendrait à rendre ce peuple paisible et content. Si l'on obtenait ce résultat, objet que le gouvernement anglais avait tant à cœur, le bonheur de la nation polonaise serait assuré; et il n'y aurait plus à craindre qu'aucun danger pour la liberté de l'Europe pût résulter de la réunion de la monarchie de Pologne à l'empire toujours plus puissant de la Russie; danger qui ne serait point illusoire, si, par la suite, la force militaire de ces deux pays venait à être dirigée par un prince ambitieux et guerrier.

Dans leur réponse à cette note, les plénipotentiaires russes, les comtes de Nesselrode et de Rasoumoffsky, disaient que la conformité des principes qui y étaient consignés avec les intentions de l'empereur Alexandre, avait été envisagée comme très-propre à favoriser les mesures conciliatrices proposées par lui à ses alliés, dans l'unique but de contribuer à l'amélioration du sort des Polonais, autant que le désir de protéger leur nationalité pouvait se concilier avec le maintien d'un juste équilibre entre les puissances de l'Europe, qu'une nouvelle répartition des forces devait désormais rétablir. Qu'à cette considération se joignaient celles, non moins importantes, qui démontraient l'impossibilité de faire renaître, dans l'ensemble de ses combinaisons primitives, cet ancien système politique de l'Europe dont l'indépendance de la Pologne faisait partie. La réunion de ces deux motifs avait dû nécessaire

ment borner la sollicitude de l'empereur en faveur de la nation polonaise au seul désir de procurer aux Polonais sujets respectifs des trois puissances parties contractantes un mode d'existence qui satisfit à leurs voeux légitimes, et qui leur assurât tous les avantages compatibles avec les convenances particulières de chacun des états sous la domination desquels ils se trouvaient.

Le prince de Hardenberg déclara, le 30 janvier, que les principes énoncés par lord Castlereagh sur la manière d'administrer les provinces polonaises étaient entièrement conformes aux sentiments du roi de Prusse, et qu'il aurait toujours à cœur de procurer à ses sujets polonais de nation, tous les avantages qui pourraient exciter leurs désirs légitimes, et qui seraient compatibles avec les rapports de sa monarchie, et le premier but de chaque état de former un ensemble solide des différentes parties qui le composaient.

Les plénipotentiaires autrichiens déclarèrent aussi, de la part de leur souverain, que non-seulement il aurait vu volontiers le rétablissement d'un royaume de Pologne indépendant et rendu à un gouvernement national polonais, mais qu'il n'eût pas même regretté les plus grands sacrifices pour arriver à la restauration salutaire de cet ancien ordre de choses. Dans aucun temps, disaient-ils, l'Autriche n'avait vu, dans la Pologne libre et indépendante, une puissance rivale et ennemie; et les principes qui avaient guidé les augustes prédécesseurs de l'empereur, et Sa Majesté Impériale elle-même, jusqu'aux époques des partages de 1773 et 1795, ne furent abandonnés que par un concours de circonstances impérieuses et indépendantes de la volonté des souverains d'Autriche. L'empereur, ayant de nouveau, dans le cours des présentes négociations, subordonné ses vues en faveur de l'indépendance de la Pologne aux grandes considérations qui avaient porté les puissances à sanctionner la reunion de la majeure partie du cidevant duché de Varsovie à l'empire de Russie, Sa Majesté

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