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menter ses dépenses, elle serait moins capable de lutter avec sa rivale quand l'armement deviendrait nécessaire. On avait dit que de même que la France était promptement tombée, elle pouvait aussi promptement se relever. C'est ce dont il doutait qu'il était bien vrai que la chute d'un corps à une certaine hauteur s'opère avec une vitesse toujours croissante, mais qu'il était difficile de lever ce corps à la même hauteur; que les lois de la gravitation physique et politique s'y opposaient 1.

Les causes qui entraînèrent le gouvernement anglais à abandonner le système de neutralité qu'il avait adopté dans la guerre de principes sur le continent, occasionné par les suites de la révolution française, s'expliqueront plus clairement en se référant à la correspondance diplomatique et aux débats parlementaires de l'année 1792, si féconde en événe

ments.

La mission de M. de Chauvelin, le premier ambassadeur envoyé de la part de la France en Angleterre sous la nouvelle constitution, commença au printemps de cette année. La première note qu'il adressa à lord Grenville, le 12 mai, avait pour but d'expliquer à la cour d'Angleterre les raisons qui avaient déterminé le roi des Français à déclarer la guerre à l'Autriche. Cette note énonçait qu'une grande conspiration avait été formée en Europe contre la France, pour détruire sa nouvelle constitution que le roi avait acceptée et juré de maintenir, déguisant, pour quelque temps, les préparatifs de ses desseins par une pitié insultante pour sa personne et un prétendu zèle pour son autorité. La note exposait les remontrances que Louis XVI avait faites au sujet de cette coalition, d'abord à l'empereur Léopold II, et ensuite à son successeur François II. Cette note disait qu'il avait été déclaré de la part de ce dernier que cette coalition ne cesserait que lorsque la

1 BURKE'S Works, vol. III, p. 4, 2o éd.

DEPUIS LA RÉVOLUTION FRANÇAISE France ferait disparaître les causes sérieuses qui lui avaient donné naissance, c'est-à-dire tant que la France, jalouse de son indépendance, n'abandonnerait point la plus petite partie de sa nouvelle constitution. La note ajoutait que cette déclaration avait été accompagnée d'un rassemblement de troupes sur toutes les frontières de la France, évidemment dans l'intention de contraindre ses peuples à modifier la forme de gouvernement qu'ils avaient librement choisie et qu'ils avaient juré de défendre.

Après avoir ainsi établi les motifs prétendus allégués pour justifier la guerre continentale, la note continua à désavouer de la part de la France toute idée d'agrandissement, le seul objet de son côté étant la conservation de ses limites existantes, de sa liberté, de sa constitution, et de son droit de réformer ses institutions intérieures sans admettre l'intervention des puissances étrangères. Qu'elle ne consentirait jamais que les puissances essayassent, ou même nourissent l'espérance de lui dicter des lois; mais que cet orgueil si naturel et si juste fournissait une garantie pour toutes les puissances, de qui elle ne recevrait aucune provocation, un gage certain, non-seulement de ses dispositions pacifiques, mais aussi du respect que la France montrerait dans toute occasion pour les lois, les usages et les formes de gouvernements des autres nations. La note ensuite déclarait que le roi des Français désirait qu'il fût connu qu'il désavouerait publiquement, et avec improbation, tous les agents français auprès des cours étrangères en amitié avec la France, qui essayeraient de s'écarter un instant de ce respect, soit en fomentant, soit en favorisant l'insurrection contre l'ordre établi, ou en se mêlant de quelque manière que ce soit dans la police intérieure de ces états, sous prétexte d'un prosélitisme qui, exercé sur les domaines des puissances amies, serait une violation réelle du droit des gens.

Le 24 mai, lord Grenville répondit à l'office de M. de Chau

velin, en lui exprimant le regret du gouvernement anglais que la guerre eût éclaté entre la France et l'Autriche; mais refusant d'entrer dans une discussion des motifs et de la conduite des deux parties qui pourraient avoir amené la rupture. En même temps il déclarait que Sa Majesté Britannique vouerait la plus grande attention au maintien de la bonne intelligence qui subsistait si heureusement entre lui et Sa Majesté TrèsChrétienne; attendant avec confiance que ce dernier contribuerait au même but en faisant respecter les droits de Sa Majesté Britannique et de ses alliés, et en arrêtant toutes démarches qui pourraient affaiblir l'amitié que Sa Majesté avait toujours désiré de consolider et de perpétuer pour le bonheur des deux empires'.

Pendant l'intervalle entre ces deux notes, le gouvernement anglais avait fait paraître, le 21 mai, une proclamation contre les publications séditieuses, ayant pour but d'exciter le mécontentement dans les esprits de ses sujets concernant les lois et la constitution du gouvernement établi dans le royaume, et contre les correspondances engagées avec plusieurs personnes des pays étrangers, avec l'intention de soutenir l'objet criminel de ces publications. Cette proclamation ne faisait pas mention expresse de la France, et comme c'était un acte de police intérieure, le gouvernement français n'avait strictement aucun droit de s'en plaindre. Mais l'époque de sa publication, étant si critique, engagea M. de Chauvelin à répéter à lord Grenville, dans une note datée du 27 mai, la même déclaration contenue dans sa première note du 15; en ajoutant que, <<< si certains individus de ce pays ont établi une correspondance avec l'étranger tendant à exciter des troubles dans l'intérieur du royaume; et que si, comme la proclamation paraît l'insinuer, certains Français sont entrés dans cette vue, que c'est un procédé entièrement étranger à la nation fran

1 Parliamentary History of England, vol. XXX, p. 239.

çaise, au corps législatif, au roi et à ses ministres; c'est un procédé dont ils sont entièrement ignorants, qui est contre tout principe de justice, et qui, aussitôt qu'il serait connu, serait universellement condamné en France. >>

Le 18 juin, lorsque la ligue puissante du continent parut s'étendre plus visiblement contre la France, M. de Chauvelin demanda la médiation du gouvernement anglais entre les alliés et la France. Cette médiation fut refusée par lord Grenville, dans une note datée du 8 juillet, se fondant sur ce que les mêmes sentiments qui avaient déterminé Sa Majesté à ne pas prendre part aux affaires intérieures de la France, devaient l'engager également à respecter les droits et l'indépendance des autres souverains, et principalement de ses alliés; et Sa Majesté avait pensé que, dans les circonstances actuelles de la guerre qui venait d'éclater, l'intervention de ses conseils ou de ses bons offices ne pouvait être utile, à moins qu'elle ne fût demandée par toutes les parties intéressées'.

Sur ces entrefaites, l'exercice du pouvoir exécutif avait été retiré à Louis XVI, par suite des événements du 10 août; et l'ambassadeur anglais, lord Gower, avait reçu ordre de son gouvernement de quitter Paris, et avant son départ de saisir toute occasion d'exprimer que quoique Sa Majesté Britannique fût bien résolue d'adhérer strictement aux principes de neutralité en tant qu'il s'agissait du gouvernement intérieur de la France, elle considérait en même temps comme n'étant pas une déviation à ces principes de manifester, par tous les moyens possibles, sa sollicitude pour la situation personnelle de leurs Majestés Très-Chrétiennes et de leur famille royale, et désirait instamment, et avec anxiété, qu'au moins elles fussent à l'abri de tout acte de violence, qui ne manquerait pas de produire un sentiment universel d'indignation dans tous pays de l'Europe.

les

1 Parliamentary History of England, vol. XXX, p. 349.

L'établissement de la république s'ensuivit, et quoiqu'on eût refusé de reconnaître M. de Chauvelin comme son ministre, cependant la correspondance entre lui et lord Grenville continua toujours sous une forme non officielle. Il résulte de cette correspondance que les accusations dirigées contre la France par l'Angleterre étaient principalement :

1o Une attaque préméditée contre la Hollande, et une violation de ses droits, nonobstant sa neutralité, par les procédés de la convention nationale concernant la navigation de la rivière de l'Escaut, et l'ouverture d'un passage à travers cette rivière pour attaquer la citadelle d'Anvers.

2o L'invasion des Français dans les Pays-Bas.

3° L'encouragement donné à la révolte dans d'autres pays, non-seulement par des émissaires envoyés en Angleterre, mais par le décret de la convention nationale du 19 novembre, qui fut regardé comme contenant une déclaration formelle de l'intention de répandre partout les nouveaux principes de gouvernement adoptés en France, et d'encourager la révolte dans tous les pays, même ceux qui étaient neutres'.

Le 13 janvier 1793, M. de Chauvelin communiqua à lord Grenville un mémoire, signé par M. Lebrun, ministre des affaires étrangères de la république française, en réponse à ces accusations.

Quant au passage ouvert à travers l'Escaut, il déclarait que c'était une question absolument indifférente pour l'Angleterre, de peu d'importance pour la Hollande, et très-importante pour

1 Ce décret était conçu en ces termes :

<«<La Convention nationale déclare qu'elle accordera secours et fraternité à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté; et elle charge le pouvoir exécutif de donner des ordres aux généraux des armées françaises pour secourir les citoyens qui auraient été, ou qui seraient vexés pour la cause de la liberté.

>>La Convention nationale ordonne aux généraux des armées françaises de faire imprimer et afficher le présent décret dans tous les lieux où ils porteront les armes de la république.»>

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