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des puissances qui avaient signé le traité du 15 juillet de la même année.

4o Dans le cours de ces négociations, il avait été proposé par le gouvernement britannique que les grandes puissances garantiraient l'intégrité des possessions ottomanes. Cette proposition fut d'abord repoussée par la Russie, sous le motif qu'une semblable obligation deviendrait trop onéreuse, puisqu'elle entraînerait la nécessité de défendre la Porte contre tout pacha rebelle. Cette proposition fut plus tard renouvelée par la Porte elle-même; mais l'Autriche s'y opposa, en disant qu'un état ne devrait jamais accepter d'un autre état des services qu'il ne peut pas réciproquement lui rendre. Un état mis sous la garantie d'une autre puissance devient par cela même un état médiatisé, et doit se soumettre à la volonté de la puissance protectrice. Il n'y avait selon l'Autriche, qu'un moyen d'obvier aux inconvénients de ceci, c'était de former une alliance défensive; mais était-ce bien là ce que voulait la Porte? Elle devrait dans ce cas le proposer elle-même, mais il était douteux que la négociation fût favorablement terminée 1.

Le gouvernement britannique était aussi d'avis qu'après la mise à exécution du traité du 15 juillet, il ne serait pas convenable pour les puissances européennes de garantir l'inviolabilité du territoire ottoman; mais il n'était pas d'accord avec le gouvernement autrichien pour les raisons que celui-ci donnait de l'inopportunité d'une semblable mesure. Le gouvernement britannique admettait bien que quand une seule puissance devient le garant d'un autre état, celui-ci se trouve dans un état de dépendance, mais qu'il n'en est pas de même quand un état est sous la protection de plusieurs puissances réunies. Dans tous les cas, disait le cabinet britannique, l'Autriche n'avait pas toujours tenu un semblable langage, puisqu'elle s'était alliée avec les quatre autres grandes puissances pour

1 Prince de Metternich au baron de Sturmer, 20 avril 1844. Correspondance, part. III, p. 401.

maintenir, non-seulement l'inviolabilité mais l'indépendance même de la Belgique. Si le statu quo de 1839 avait été maintenu, il y aurait eu sans cesse un danger imminent pour le sultan, puisque Méhémet-Ali aurait gardé la Syrie; mais maintenant que le pacha avait été repoussé jusque dans l'Égypte, et que le sultan avait recouvré la possession de la Syrie et la flotte, le gouvernement britannique était d'avis que le sultan pouvait facilement se rendre plus fort et par terre et par mer que Méhémet-Ali, et que par suite la Turquie et les autres puissances de l'Europe devraient maintenir entre elles les rapports qui existent toujours entre les états indépendants 1.

5o Le cabinet russe, en acceptant la proposition du cabinet britannique pour arranger les affaires d'Orient, ajouta que pour mettre ce projet à exécution, en ayant recours à une intervention armée, il faudrait aussi prévoir le cas où IbrahimPacha marcherait sur Constantinople pendant que les alliés essayaient de soumettre Méhémet-Ali, en bloquant tous les ports de la Syrie et de l'Égypte. Il proposa donc que dans ce cas une flotte russe devrait occuper le Bosphore, tandis qu'une armée russe débarquerait sur les côtes de l'Asie. Ce secours ne devait pas être donné en vertu du traité d'Unkiar-Skelessi, mais en vertu des arrangements à conclure entre les puissances alliées et la Porte. Il fut également proposé qu'on insérerait dans le traité d'intervention un article pour reconnaître cette règle de l'empire ottoman, à savoir qu'en temps de paix le détroit des Dardanelles et le Bosphore demeurent fermés pour les vaisseaux de guerre de toutes les nations. A ceci fut ajouté que si cette proposition était acceptée, la Russie consentirait à ne pas renouveler le traité d'Unkiar-Skelessi.

A cette proposition le gouvernement britannique répondit que son opinion au sujet de la navigation du Bosphore et des Dardanelles par des vaisseaux de guerre reposait sur un prin

Lord Palmerston à lord Beauvale, 10 mai 1844. Correspondance, part. III, p. 403.

cipe général et fondamental du droit des gens. Chaque état est regardé comme ayant droit de juridiction territoriale sur la mer qui baigne ses rivages sur une étendue de trois milles anglais desdits rivages; et, par suite, un état qui possède les deux rivages opposés d'un détroit qui n'a pas plus de six milles de largeur a droit sur ce détroit. Or le Bosphore et les Dardanelles n'ont pas plus de six milles de largeur, et, par suite, la juridiction territoriale du sultan s'étend sur ces deux détroits; le sultan a donc le droit d'empêcher tout bâtiment de guerre d'entrer dans le détroit. Par le traité de 1809, la Grande-Bretagne avait reconnu ce droit, et avait promis de veiller à ce qu'il fût maintenu intact. Le gouvernement britannique regardait donc comme juste que la Russie prît un engagement semblable. Le gouvernement britannique était donc d'avis que puisque les deux détroits étaient fermés aux bâtiments de guerre de toutes les puissances, il serait à désirer qu'en cas qu'il devint nécessaire de les ouvrir aux bâtiments d'une des puissances, on les ouvrit également à ceux de toutes les autres, et que, par suite, si la marche des événements nécessitait l'entrée d'une flotte russe dans le Bosphore, il fût aussi permis à une flotte anglaise d'occuper les Dardanelles 1.

La proposition du gouvernement britannique fut prise en considération par le cabinet russe, qui finit par l'accepter 2.

Une convention fut enfin signée à Londres, le 15 juillet 1840, par les grandes puissances, à l'exception de la France. La sublime Porte y prit part aussi.

Dans le préambule de la convention, il est dit que le sultan ayant eu recours aux grandes puissances pour réclamer leur appui et leur assistance, au milieu des difficultés dans lesquelles il se trouve placé par suite de la conduite du pacha

1 Lord Palmerston au marquis de Clanricarde, 25 octobre 1839. Correspondance, part. I, p. 439.

2 Le comte de Nesselrode à M. de Kisséleff, 122 novembre 1839. Ibid., part. I, p. 504.

d'Égypte, les grandes puissances, mues par le sentiment d'amitié sincère qui existe entre elles et le sultan, animées du désir de veiller au maintien de l'intégrité et de l'indépendance de l'empire ottoman, fidèles à la note présentée par leurs ambassadeurs à Constantinople le 27 juillet 1839, et désirant de plus prévenir l'effusion de sang qu'occasionnerait la continuation des hostilités qui ont récemment éclaté en Syrie entre le pacha et le sultan, ont résolu de conclure une convention.

Dans la convention il est dit, que le sultan étant d'accord avec les quatre puissances sur les conditions de l'arrangement qu'il est dans son intention d'accorder au pacha, les hautes parties contractantes s'engagent à user de tous leurs efforts pour engager Méhémet-Ali à se conformer à cet arrangement. Elles s'engagent en outre, si le pacha refusait d'adhérer à l'arrangement, à prendre entre elles des mesures afin de mettre cet arrangement à exécution. Il est de plus convenu qui si Méhémet-Ali non-seulement refusait d'adhérer à l'arrangement, mais tentait de marcher vers Constantinople, les hautes parties contractantes se rendront, sur la réquisition expresse du sultan, dans les détroits du Bosphore et des Dardanelles, pour pourvoir à la defense de son trône. Il est toutefois expressément entendu que cette coopération ne sera considérée que comme une mesure exceptionnelle, adoptée à la demande du sultan, et que, par suite, cette mesure ne dérogera en rien à l'ancienne règle de l'empire ottoman, en vertu de laquelle il a été de tout temps défendu aux bâtiments de guerre de puissances étrangères d'entrer dans les détroits des Dardanelles et du Bosphore 1.

L'acte séparé annexé à la convention indiquait les conditions de l'arrangement du sultan avec le pacha d'Égypte. Ces conditions étaient les suivantes :

4° Le sultan lui accordait l'administration du pachalik

1 Correspondance, part. I, p. 689.

d'Égypte, pour lui et ses descendants en ligne directe, de plus l'administration de la partie méridionale de la Syrie, ainsi que la forteresse de Saint-Jean d'Acre, avec le titre de pacha d'Acre.

2o Si dans le délai de dix jours Méhémet- Ali n'acceptait point l'arrangement, le sultan devait lui retirer l'offre du pachalik d'Acre, mais il consentait à lui accorder encore le pachalik d'Égypte, pourvu que cette offre fût acceptée dans les dix jours suivants.

3o Le tribut annuel à payer au sultan serait proportionné au plus ou moins de territoire que le pacha obtiendrait, selon qu'il acceptât la première ou la seconde alternative.

4o Le pacha devait remettre (avant l'expiration du terme fixé de dix ou de vingt jours) la flotte turque, avec tous ses équipages et armements, entre les mains du préposé turc chargé de la recevoir.

5° Tous les traités et toutes les lois de l'empire ottoman s'appliqueraient à l'Égypte et au pachalik d'Acre, comme à toute autre partie de l'empire. Méhémet-Ali pourrait pourtant percevoir, comme délégué du sultan, les taxes et impôts légalement établis dans les provinces dont l'administration lui aurait été confiée.

6o Les forces de terre et de mer entretenues par le pacha seraient considérées comme faisant partie des forces de l'empire ottoman, et comme entretenues pour le service de l'état.

7° Enfin, si à l'expiration du terme de vingt jours après la communication qui lui aura été faite, Méhémet-Ali n'adhérait point à l'arrangement proposé, le sultan se considérerait comme libre de retirer cette offre, et de suivre en conséquence telle marche ultérieure que ses propres intérêts et les conseils de ses alliés pourraient lui suggérer.

Méhémet-Ali ayant refusé d'accepter cet arrangement, il fut privé de ses pachaliks, et le traité du 15 juillet fut mis à exécution, en chassant les troupes égyptiennes de la Syrie, de

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