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dérée aujourd'hui comme piraterie selon le droit des gens, quand, il y a peu d'années encore, l'Angleterre elle-même ne se regardait pas comme déshonorée par le commerce d'esclaves africains, et quand d'autres nations policées ne l'ont proscrit que dernièrement.

>> Si la traite n'est pas la piraterie du droit des gens; si, par la convention du 23 novembre 1826, le Brésil n'a pas investi l'Angleterre du droit de punir et de juger comme pirates les sujets brésiliens et leur propriété soupçonnés de s'employer à la traite, il est évident que l'Angleterre ne peut exercer un tel droit par ses tribunaux sans attaquer la dignité et l'indépendance de la nation brésilienne.

>> Et même, le gouvernement britannique ne s'est pas considéré jusqu'à ce jour comme investi d'un pareil droit contre les sujets brésiliens coupables de faire la traite. Tout au contraire, il a expressément reconnu l'incompétence de ses tribunaux pour de tels jugements.

>> Que ce soit là l'interprétation que l'on doive donner au traité du 23 novembre 1826, c'est ce qui ressort avec encore plus d'évidence de la confrontation de l'article 1er précité avec les traités que l'Angleterre a conclus avec toutes les nations sur ce même objet.

>> On reconnaîtra sur-le-champ, dans chacun de ces traités, que les deux parties contractantes s'engagent à régler et à établir, par des conventions, les détails des mesures tendantes à ce que la loi de piraterie, qui alors deviendra applicable à la traite selon la législation des pays respectifs, soit immédiatement et réciproquement mise à exécution vis-à-vis des bâtiments et des sujets de chacun d'eux.

>> S'il suffisait de considérer la traite comme piraterie pour que les individus et leur propriété fussent jugés par les tribunaux des nations qui les auraient capturés, il eût été inutile, dans tous les actes précités, non-seulement qu'on déclarât la traite piraterie, mais encore que chacune des parties contrac

tantes s'engageât à faire des lois spéciales, et à punir les sujets ou citoyens coupables de traite suivant ces lois.

>> Si, par la simple déclaration que la traite est piraterie, les sujets brésiliens n'ont pas été dépouillés, eux et leur propriété, du droit d'être jugés par les autorités de leur pays, de même leurs navires ne peuvent pas être visités et capturés par les croiseurs anglais.

» Déjà il a été démontré que le droit des gens ne reconnaît pas le droit de visite en pleine mer en temps de paix. Les tribunaux anglais l'ont plusieurs fois reconnu, dans l'affaire, par exemple, du bâtiment français le Louis, capturé en 1820 sur la côte d'Afrique comme faisant la traite, en déclarant cette prise illégale, attendu que le droit de visite en pleine mer n'existe pas en temps de paix.

>> Lord Stowel, dans la décision de cette affaire, allégua, comme argument spécial, que, même en admettant que la traite fût effectivement prohibée par les lois municipales de France, ce qui était douteux, le droit de visite, étant un droit exclusivement belligérant, ne pouvait, selon le droit des gens, être exercé en temps de paix, pour que les tribunaux britanniques pussent rendre effective cette prohibition à l'égard de la propriété de sujets français.

>> En prononçant la sentence du tribunal suprême de l'amirauté dans cette affaire, lord Stowel déclara aussi que la traite, bien qu'injuste et condamnée par les lois municipales de l'Angleterre, n'était ni piraterie ni crime selon le droit absolu des gens.

» En effet, si une nation avait un semblable droit, elles devraient toutes l'avoir, et alors il causerait des maux incalculables, et peut-être la guerre universelle.

>> Que l'Angleterre n'a pas ce droit sur les navires des autres nations, c'est ce que d'ailleurs reconnaissent et proclament les traités mêmes que l'Angleterre a conclus; car tous ces traités le stipulent expressément, comme l'avaient stipulé

ceux de 1815 et 1817 entre le Portugal et l'Angleterre, traités qui, mis en vigueur par la convention du 23 novembre 4825 entre l'Angleterre et le Brésil, ont expiré le 13 mars de l'année courante.

>> De ce qui vient d'être exposé et démontré résulte avec toute évidence que l'acte voté comme loi par le parlement Britannique, et sanctionné par la reine de la Grande-Bretagne le 8 du mois d'août de l'année courante, sous prétexte de mettre en vigueur les dispositions de l'article 4er de la convention conclue entre les couronnes du Brésil et de la GrandeBretagne le 23 novembre 1826, ne peut se fonder ni sur le texte ni sur l'esprit de l'article précité; qu'il blesse les principes les plus clairs et les plus positifs du droit des gens, et enfin qu'il porte atteinte à la dignité et à l'indépendance du Brésil, aussi bien qu'à celles de toutes les nations.

>> Par ces motifs, le soussigné, ministre et secrétaire d'état des affaires étrangères, au nom et par l'ordre de Sa Majesté l'Empereur, son auguste souverain, proteste contre l'acte cidessus mentionné, comme évidemment abusif, injuste, attentatoire aux droits de dignité et d'indépendance de la nation brésilienne; et ne reconnaissant aucune de ses conséquences que comme des effets et des résultats de la force et de la violence, fait ses réserves dès à présent pour toutes les pertes et dommages que viendrait à en souffrir le commerce licite des sujets brésiliens, auxquels les lois promettent et Sa Majesté l'Empereur doit une constante et efficace protection.

» Le gouvernement impérial, faisant néanmoins céder toute autre considération aux généreux sentiments de justice et de philanthropie qui l'animent et dirigent tous ses actes, continuera à employer tous ses efforts à la répression de la traite suivant les lois du pays, et souhaite ardemment que le gouvernement de Sa Majesté Britannique en vienne à accéder à un accord qui, tout en respectant les intérêts du commerce licite des sujets brésiliens, atteigne le but désiré de mettre un

terme à un trafic que tous les gouvernements éclairés et chrétiens déplorent et condamnent. >>

Les diverses questions de juridiction qui se sont élevées entre les gouvernements anglais et américain dans l'affaire de la Créole en 1841, ont donné lieu à des discussions de droit public très - instructives entre les deux cabinets et au sein du parlement anglais.

Ce navire, parti du port de Richmond, état de Virginie, se dirigeait vers la Nouvelle-Orléans; il avait à bord, comme passager, un planteur américain, qui allait s'établir dans l'état de la Louisiane, accompagné de ses esclaves, au nombre de 135. Dans le détroit qui sépare la péninsule de la Floride des îles Bahamas, les esclaves se révoltèrent, assassinèrent leur maître, mirent le capitaine aux fers et blessèrent plusieurs des officiers de l'équipage. Ils prirent possession du navire, qu'ils conduisirent dans le port de Nassau. Le gouverneur anglais fit arrêter et mettre en prison 19 des esclaves qui lui étaient signalés comme ayant pris part à la révolte et au crime d'assassinat. Les autres esclaves, au nombre de 117, furent mis en liberté. A l'égard des esclaves retenus prisonniers, le gouverneur demanda des ordres au gouvernement supérieur en Angleterre.

Dans la discussion sur l'adresse à la couronne qui eut lieu à la chambre des lords le 4 février 1842, lord Brougham appela l'attention de la chambre sur cette affaire, qu'il signalait comme étant de nature à troubler les relations de paix, d'amitié et de bon voisinage existant entre les deux pays. C'était, disait-il, le cas d'un navire américain, naviguant d'un port américain, à un autre, dans un but parfaitement innocent et conforme aux lois de la nation à laquelle il appartenait; le navire était chargé d'une cargaison d'esclaves, pour s'exprimer dans le langage technique du pays. (En Angleterre on n'avait pas le droit de réclamer contre l'emploi de ce terme, parce que, d'après les lois qui existaient encore, il y a peu d'années,

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dans les colonies anglaises, les mêmes individus, transportés à bord d'un navire anglais, auraient été désignés par la même dénomination.) Pendant le voyage, les esclaves se sont révoltés, ainsi que, suivant l'opinion du noble lord, ils en avaient le droit, chaque individu de l'espèce humaine étant fondé à se révolter contre celui qui prétend le retenir en état d'esclavage, contrairement au droit de la nature et à la volonté de l'Être suprême. Par suite de la révolte, les esclaves ont pris possession du navire et l'ont amené dans un port anglais. En y arrivant, continua lord Brougham, la plus grande partie des esclaves ont été mis en liberté, et les autres, au nombre de dix-neuf, ont été retenus en prison comme accusés des crimes de meurtre et de piraterie.

Le noble lord posa ensuite deux questions de droit public, qu'il disait devoir être résolues dans l'espèce soumise à la chambre :

1o D'après les lois de l'Angleterre, l'extradition d'esclaves fugitifs, en général, pouvait-elle être accordée sur la demande du gouvernement américain?

2o Y avait-il lieu de faire droit à cette demande, relativement à ceux des esclaves qui avaient pris part à la révolte et à l'homicide qui s'en est suivi?

Lord Brougham se prononça négativement sur les deux questions. Quant à la première, il dit que, si un esclave arrive, soit dans une partie de l'empire britannique où l'esclavage n'est pas reconnu par la loi, soit dans le royaume uni de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, soit, depuis le 1er août 1834, dans les possessions anglaises aux Antilles, qu'il atteigne le sol britannique du consentement de son maître ou contre le gré de ce dernier, il recouvre sa liberté et ne peut plus la perdre. Le gouvernement anglais n'a donc pas le droit d'ordonner l'extradition d'un seul de ces individus comme esclaves, ni de les inquiéter d'aucune manière dans la jouissance de leurs droits personnels.

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