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POLÉMIQUE

JÉRUSALEM ET LE GOLGOTHA

I.

RÉPONSE A M. ANATOLE DE BARTHÉLEMY

Les nouvelles publications de M. de Sauley sur la topographie ancienne de Jérusalem sont-elles le dernier mot de la science et le triomphe définitif de l'authenticité du Calvaire et du Saint-Sépulcre ? Un article de M. Anatole de Barthélemy, qui a paru dans la dernière livraison de la Revue des questions historiques, semble énoncer cette appréciation souverainement élogieuse; car il y est dit en propres termes, que « peut-être je ne me serais pas pressé d'écrire aussi vite un assez gros volume si j'avais pris connaissance des ouvrages déjà publiés par M. de Saulcy. » Je l'avoue, pendant que j'écrivais à bâtons rompus et dans l'intervalle de mes courses apostoliques le Calvaire et Jérusalem d'après la Bible et Josèphe, je ne me doutais pas qu'un illustre membre de l'Institut, qui avait visité une seconde fois la Terre sainte pour étudier sur de nouveaux frais les monuments de la Jérusalem antique, préparait les trois magnifiques volumes qu'il a édités en 1865 et 1866. Mais est-il bien vrai de dire que le Voyage de Terre sainte et les Derniers jours de Jérusalem m'auraient fourni des renseignements plus exacts et plus précis » que ceux que j'ai recueillis dans la Bible et dans Josèphe? est-il bien vrai que ces trois volumes suffisent pour répondre aux doutes de ceux qui nient la position du Golgotha? Questions assez capitales pour que M. Anatole de Barthélemy veuille bien me permettre d'appeler de son jugement personnel.

Voici une première demande que je prends la liberté d'adresser à mon honorable contradicteur dans les trois volumes précités, se rencontre-t-il un passage qui traite ex professo de la topographie générale de l'ancienne Jérusalem? Entrons ici dans le détail, et nommons une à une, d'après la Bible et Josèphe, les principales localités

de la cité décide. Quiconque entreprend de donner des renseignements précis et exacts sur la véritable Jérusalem du temps de JésusChrist doit faire apparaître sous nos regards: 1° une ville haute assise sur le mont Sion; 2 une ville basse portée par le mont Acra; 3o une première vallée intérieure qui séparait ces deux villes et jusqu'au fond de laquelle étaient étagés, de part et d'autre de nombreux édifices; 4o une troisième colline, celle du Temple naturellement plus basse qu'Acra; 5o une autre large vallée intérieure qui séparait la colline du Temple de celle de la ville basse; 6o une quatrième colline sur laquelle s'élevait la nouvelle ville, Bézétha; 70 un faubourg (poάaтetov) qui longeait le portique occidental du temple; 8o un certain lieu nommé Ophel ou Ophlas qui était la demeure des Nathinéens; 9° le Calvaire ou le Golgotha, où la tradition chrétienne nous enseigne que le Sauveur du monde fut crucifié et enseveli. En tout neuf localités différentes, dont il faut que l'on nous assigne la place relative sur une superficie d'ailleurs assez restreinte, et bornée à l'est, au sud et en partie à l'ouest, par les trois vallées de Josaphat, de Hinnom et de Gihon.

Or, l'auteur du Voyage de Terre sainte et des Derniers jours de Jérusalem a-t-il consacré quelques-unes de ses nouvelles pages à la recherche et à la délimitation de ces quartiers importants de la Jéru. salem antique? Il le faudrait assurément pour justifier la confiance exclusive de M. A. de Barthélemy. Et cependant il n'en est rien: la topographie générale de l'ancienne Jérusalem brille uniquement par son absence. Chose étonnante ! les Derniers jours de Jérusalem nous donnent une traduction vraiment admirable de la description de Jérusalem et de ses murs telle que nous la lisons dans la cinquième livraison de la Guerre des Juifs (IV, 1), et cette page si lumineuse et si expressive, où l'ancienne Jérusalem semble revivre tout entière, cette page qui m'a fourni six indications éblouissantes de clarté pour retrouver et reconnaître le véritable mont Acra, cette page, qui le dirait? est pour M. de Saulcy comme un livre fermé de sept sceaux; il n'y trouve qu'une occasion de plus de quereller ce pauvre Josèphe, et cela à propos d'une expression inévitable, dont le sens est, d'ailleurs, parfaitement déterminé par le contexte. Quoi donc l'historien Juif serait-il venu au monde, lui aussi, afin que les aveugles voient et que les voyants deviennent aveugles? Peut-être ! L'admirateur exclusif de M. de Saulcy nous répondrait-il en ce moment que cette lacune dont je parle est comblée surabondamment dans le cours du Voyage de Terre sainte et des Derniers jours de Jérusalem? Qu'il veuille bien nous dire alors quelle place est assignée à l'autre large vallée intérieure qui séparait la colline du Temple de celles de la ville basse.Infandum.,.jubes renovare dolorem. Si peu cette deuxième vallée intermédiaire compte et figure dans les deux ouvrages, que M. Anatole de Barthélemy l'a confondue avec la vallée de Hinnom qui sépare le plateau de Jérusalem de la montagne du Mauvais-Conseil. M. l'abbé Coulomb, nous dit-il, veut que le mont Acra soit au sud du temple... Il semble difficile de supposer qu'un quartier de ville ait pu se trouver dans de pareilles conditions,

Josèphe lui-même remarque que de ce côté, du haut du portique construit par Hérode, on avait le vertige en regardant au fond de la vallée. » Oui, de la vallée comblée en partie par les Asmonéens et sur laquelle le portique royal d'Hérode s'élevait à plomb. je n'insiste pas sur l'énormité de cette confusion ni sur ses funestes conséquences: una satis superque.

Trouverions-nous dans les nouvelles publications de M. de Saulcy la place du faubourg mieux marquée que celle de l'autre large vallée intermédiaire? Le faubourg! Les Derniers jours de Jérusalem le nomment sous une périphrase, en traduisant le passage de Josèphe qui s'y rapporte. Sur la face occidentale du péribole (du temple) existaient quatre portes dont deux conduisaient dans le quartier placé devant la ville (p. 247); mais cette mention est simplement pour mémoire; aucune place ne lui est assignée en partage ni dans le dispositif de ces immenses volumes, ni dans les plans si admirables de M. Gélis. Nouvelle omission qui n'est pas moins regrettable que la première, et dont les résultats ne sont pas moins fâcheux pour la connaissance de la véritable Jérusalem.

Et la vallée des Epopéens, cette vallée mitoyenne qui séparait les deux collines de la ville et jusqu'au fond de laquelle étaient étagés de part et d'autre de nombreux édifices, cette vallée qui se prolonge jusqu'à Siloam (p. 221), M. de Saulcy lui attribue-t-il un parcours qui soit conforme à ces textes de Josèphe ? Que M. Anatole de Barthélemy voie et juge! il reconnaîtra ici une troisième omission plus capitale encore, s'il est possible, que les deux autres. Mon livre aurait donc sa raison d'être, quand il n'aboutirait qu'à signaler ces lacunes et le moyen de les combler, d'après la Bible et Josèphe.

Dans la description d'une ville antique, supprimer les tiers des principales localités qui la constituent, c'est un premier tort qui est extrêmement grave et digne d'être déploré par un honorable collaborateur de la Revue des questions historiques. Voici qui est plus grave encore à ces trois omissions se joignent deux erreurs fondamentales sur la limite méridionale de l'ancienne Jérusalem et sur la position du mont Acra.

Après avoir traduit d'une manière toujours admirable la description du premier mur, M. de Saulcy ajoute: « Il est bon de noter que ce passage n'est intelligible qu'à la condition de supposer que l'enceinte actuelle suit exactement le tracé de l'enceinte décrite par Josèphe et que, par conséquent, au temps où Titus vint faire le siège de Jérusalem, toute la partie sud de l'ancienne ville des Jébuséens avait déjà été laissée en dehors de la ville (p. 223). »

Que cet amoindrissement de l'ancienne Jérusalem, du côté du sud, soit fait au préjudice de la vérité et contrairement au témoignage constant et avéré de l'histoire, c'est là ce que M. A. de Barthélemy constatera par lui-même en parcourant mon livre et, à défaut, en se pénétrant des considérations suivantes :

1o M. de Saulcy est condamné par son propre témoignage : Voici ce que nous lisons dans le Voyage de Terre sainte (t. III, p. 43), précisément à la suite de la même description du premier mur. « Hâtons

T. III. 1867.

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nous de dire que si nous tenons compte de la portion d'enceinte primitive qui couvrait Nabi-Daoud, toute la description de Josèphe devient parfaitement claire, et toutes les expressions dont il se sert se justifient d'elle-mêmes, tandis qu'il en est tout autrement si nous appliquons cette description au tracé de l'enceinte actuelle. Je crois donc fermement, pour ma part, que c'est celui dans lequel entre forcément le fossé taillé dans le roc qu'il faut adopter, et que, par conséquent, on doit placer dans l'intérieur du premier mur décrit par Josèphe, les terrains sur lesquels existent aujourd'hui les cimetières chrétiens et la mosquée de Nabi-Daoud. »

2o M. de Saulcy est également condamné par l'autorité dAnville, sur laquelle il se fonde, on ne sait pourquoi. « Il est un fait qu'il n'est plus possible aujourd'hui de révoquer en doute et que notre immortel d'Anville a le premier soutenu avec son innappréciable sùreté de vue. C'est que l'enceinte actuelle de Jérusalem s'est, pour ainsi dire, substituéee à l'ancienne, telle qu'elle était au moment du siége (les derniers jours de Jérusalem, p. 218). » Or, que l'on veuille bien consulter la dissertation de d'Anville, que Chateaubriand a recueillie dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem, et l'on se convaincra que notre immortel d'Anville, avec son inappréciable sûreté de vue, assigne à l'ancienne Jérusalem la même limite méridionale que je lui attribue, d'après la Bible et Josèphe. Voici ce qu'il nous dit, entre autres choses semblables; Josèphe ayant décrit la partie septentrionale de l'enceinte de Sion depuis la tour Hippicos jusqu'au temple, la reprend à cette tour pour la conduire par l'Occident et ensuite nécessairement par le midi, jusqu'à la fontaine de Siloé... L'ltinéraire de Jérusalem s'explique convenablement sur la fontaine de Siloé deorsum in valles, juxtà murum, est piscina qua dicetur Siloa. Remarquons même la mention qui est faite de ce mur dans un écrit de l'âge du grand Constantin... De sorte que la ruine de Sion, telle qu'elle paraît aujourd'hui, ne peut avoir de première cause que dans ce que souffrit cette ville de la part de Chosroës, roi de Perse, qui la prit en 614. »

:

3o l'auteur des Derniers jours de Jérusalem n'est pas mieux servi par le document qu'il emprunte à la Préparation évangélique. «Eusèbe nous a conservé sur l'étendue du circuit de Jérusalem deux renseignements, dont un au moins a une valeur que l'on ne peut contester..., car il émane de l'agrimensor ou arpenteur de la Syrie. Le voici l'arpenteur qui a mesuré la Syrie dit que Jérusalem a un périmètre de 27 stades. 27 stades olympiques de 185 mètres, nous donnent 4,995 m. en tout, tandis que 37 stades juifs de 140 m. seulement ne nous donnent plus que 3,780 m. Si nous rapprochons ce chiffre de celui que la mesure directe nous a fourni sur le terrain, soit 3,900 m. si nous tenons compte des petites différences de détail qui existent forcément entre le tracé actuel et le tracé mesuré à la corde par l'arpenteur de la Syrie, nous trouvons un accord tel que nous devons nous tenir pour satisfaits. Nous admettons donc que cet ingénieur. par une raison qu'il ne nous est pas pessible de deviner, a donné le circuit de Jérusalem en mesures hébraïques, c'est

à-dire en mesures du pays, et qu'il y a, pour ainsi dire, identité entre le chiffre actuel et celui qu'il a recueilli (p. 232). »

Une question préalable aurait dû, ce me semble, se présenter assez naturellement à l'esprit de M. A. de Barthélemy, quand il lisait cette page qui se trouve à la fois dans le Voyage de Terre sainte et dans les Derniers jours de Jérusalem. Cette question est celle de l'époque à laquelle l'arpenteur de la Syrie mesura le périmètre de Jérusalem. Cette ville s'étant accrue de beaucoup au nord et au delà des anciennes collines, sous le règne des Hérodes et après la mort de Jésus-Christ, si l'opération mentionnée par Eusèbe est antérieure à cet agrandissement, le témoignage de l'arpenteur syrien lui-même nous oblige à reculer vers le sud de la muraille de Jérusalem, attendu que nous sommes d'accord, M. de Saulcy et moi, que le grand mur d'Agrippa ne s'étendait pas au delà de l'enceinte actuelle. Or quelle époque assigner aux opérations de cet arpenteur qui mesura la Syrie? Faut-il les placer après le dernier agrandissement de Jérusalem ou bien avant la fondation du troisième mur? Deux circonstances me paraissent militer en faveur de la seconde explication. C'est 1° ce titre d'arpenteur de la Syrie sous le règne des Hérodes un arpenteur, juif ou non, chargé de mesurer le royaume de ces princes, aurait reçu le nom d'arpenteur de la Judée et non point de la Syrie, d'où ce titre étranger nous reporte aux temps des Séleucides et du royaume Syrien. 2o La place qui est assignée à cet arpenteur dans la Préparation évangélique confirme la conjecture fournie par ce titre : του τῆς Συρίας σκοινομετμῆς. Eusèbe, en effet, suit l'ordre chronologique dans l'énumération des auteurs grecs qui ont fait quelque mention des Juifs, et cependant il porte l'arpenteur de la Syrie avant Philon, ce frère aîné de Jésus-Christ, et immédiatement après Timocharès, l'historien d'Antiochus le Grand et mort près de deux siècles avant l'ère chrétienne. Ainsi, d'après cette mesure dont on ne peut contester la valcur, Jérusalem s'étendait beaucoup plus au sud, puisqu'elle s'étendait beaucoup moins au nord, le troisième mur ayant été construit après l'opération qui attribue à la ville un périmètre de 27 stades olympiques.

40 Enfin les raisons stratégiques invoquées par M. de Saulcy se retournent également contre sa thèse favorite. » Le récit semble faire descendre la muraille jusqu'à Siloé, assertion dont, sur le terrain, l'absurdité saute aux yeux. Se figure-t-on, en effet, une muraille d'enceinte tracée le long de la plus grande pente d'une vallée abrupte et pour couvrir quoi? Une déclivité absolument inhabitable (p. 254)? »

Ecoutons'ici la réponse de M. A. Delahaye dans le Journal des Villes et Campagnes (13 décembre 1866): «Préparé par son métier de soldat, comme il nous le dit lui-même, à la discussion de toutes les questions d'archéologie militaire (2), M. de Saulcy est infiniment plus compétent que nous pour statuer sur le mur d'enceinte, et nous n'aurions garde de discuter contre lui si nous n'avions à lui opposer l'opinion contraire d'un homme profondément versé, lui aussi, dans les questions d'archéologie militaire. Se trouvant à Toulon, cet

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