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qui aurait fait le bonheur de ce petit garçon, qui me parlait d'elle sur les champs de bataille. » Ce coin du tableau si douloureux et si sombre qui présente cette correspondance d'exilés, forcés par les événements à prendre les armes contre ceux qui disposaient des destinées de leur patrie, offre un attrait dont nous n'avons pu nous défendre, et nous n'avons pu résister à montrer le dernier des Condé contraint par les circonstances politiques de renoncer à une princesse digne de son amour, et qui, à ce qu'il paraît, n'y était point restée insensible.

Les revues de provinces ne doivent point être oubliées ici. Plusieurs d'entre elles suivent une voie excellente et nous offrent de sérieux travaux. Nous devons signaler la reconstitution de la Revue de l'Aunis, devenue la Revue de l'Aunis, de la Saintonge et du Poitou. Cette Revue embrasse tout ce qui intérésse les contrées de l'Ouest, au point de vue des sciences naturelles, des arts, de la littérature et de l'histoire. Mais, son éditeur le déclare, « l'histoire envisagée sous toutes ses faces, considérée sous toutes les formes, comprise dans son sens le plus large, sera le principal objet de ses préoccupations. » Les livraisons de la nouvelle série, commencée le 25 janvier 1867, contiennent déjà de bons travaux. Nous mentionnerons la Relation de la prise de Lusignan en 1569, publié par M. Bonsergent, d'après les manuscrits de Dom Fonteneau 2; une étude sur les historiens du Poitou, par M. l'abbé Auber3; une charte en langue vulgaire, antérieure au XIe siècle, publiée avec commentaire par M. A. Boucherie; un mot sur René Descartes, où M. Louis Duval établit l'origine poitevine de l'illustre philosophe1 et un Glossaire poitevin, dont M. l'abbé Rousseau commence la publication. Une chronique, une revue des sociétés savantes, une revue bibliographique et une partie consacrée aux questions et aux réponses, sous le titre d'Intermédiaire des provinces de l'Ouest, complètent utilement chacune des livraisons de cette Revue.

La Revue de la Normandie contient le complément du travail de M. Hippeau sur les élections de 1789 en Normandie. Les renseignements qu'il donne ici concernent les grands bailliages d'Alençon et de Coutances. M. l'abbet Cochet, qui expose dans la même livraison le résultat des découvertes archéologiques de la Seine-Inférieure, raconte dans la suivante, la vie du cardinal Cambacérès, archevêque de Rouen, ce prélat qui, au milieu des difficultés des temps où il vécut, sut rester fidèle à ses devoirs, et qui, réorganisa, avec autant d'habileté que de zèle, l'administration diocésaine de la métropole normande. L'auteur glisse légèrement sur les mandements trop pompeux qui chantaient, dans le style du temps, les louanges du « héros

1 Publiée à Niort, par M. L. Clouzot, libraire.

2 Livraisons des 25 janvier et 25 février.

3 Livraison du 25 avril.

Livraison du 25 février.

5 Livraison du 31 mars.

6 Livraison du 30 avril 1867.

qui dominait alors le monde et dont la grandeur fascinait tous les regards; il loue le cardinal qui célébrait le retour des descendants de saint Louis, de Henri IV et de Louis XIV, » de n'avoir point « jeté la pierre au pouvoir tombé sous les ruines de la patrie et au grand homme écrasé sous le poids de l'Europe. » Mais a-t-il raison de blâmer chez d'autres prélats « l'exemple d'une versatilité malheureuse, » parce qu'ils exprimèrent avec véhémence l'opinion de la France contemporaine?

Terminons en mentionnant, dans la Revue d'Aquitaine 1, la publication de notes pour servir à l'histoire de Bazas, recueillies par Baluzeet éditées par notre collaborateur M. Tamizey de Larroque, qui offrent un résumé complet des annales de cette ville et de curieux détails sur ses évêques.

FR. DE FONTAINE.

II.

PÉRIODIQUES ITALIENS.

Il n'y a rien à ajouter aux appréciations si justes que donne ici même M. Cantù, sur la tendance actuelle d'un grand nombre de soi-disants historiens de l'autre côté des Alpes. Ce n'est pas d'aujourd'hui que ces idées ont cours. Depuis vingt ans surtout, on a toujours mêlé la politique à l'histoire, et cela aux dépens de l'histoire ; car, au milieu des préoccupations de la lutte, la vraie physionomie des temps passés n'a pas toujours été fidèlement conservée. On écrirait un article fort intéressant et surtout très-instructif si l'on notait ce qui nous a toujours frappé en lisant en particulier l'Archivio storico italiano, 2 comment les idées politiques qui ont triomphé dans ces derniers temps se sont produites et ont été propagées sous le couvert des travaux historiques. L'histoire des Recueils et des Associations littéraires à Florence, sous le patronage de Vieusseux, du marquis Caponi, du baron Ricasoli; à Naples, sous l'influence du monastère bénédictin de Mont-Cassin, formerait une page curieuse de l'histoire des idées, et l'on y aurait l'explication de plus d'un événement contemporain.

Aujourd'hui, nous trouvons en tête d'une biographie intéressante

1 Livraisons de janvier, février et de mars 1867.

2 1842-1861. Appendice: 1852-1854. Nouvelle série: 1855-1863. 3° série, actuellement en cours de publication.

de J.B.Castaldo, écrite par M. Mariano d'Ayala, dans l'Archivio ', une page politique, placée là on ne sait pourquoi, où l'auteur félicite les Italiens du XIXe siècle de ne plus combattre comme leurs aïeux pour l'empereur et à prix d'argent, mais de verser leur sang à Goïto, à S. Martino, à Custozza, pour soutenir la liberté et la grandeur de l'Italie. Ce sentiment peut être bon, mais... non erat hic locus. Ces préoccupations politiques se produisent souvent dans le cours de l'article par des allusions aux événements et aux débats contemporains; elles inspirent des diatribes contre le pouvoir temporel du Pape «ennemi de la liberté italienne, » et déparent une étude qui a le mérite de mettre en œuvre des documents inédits tirés des archives de Florence, et de nous faire connaître un des principaux guerriers du XVIe siècle. Soldat au service de l'empereur CharlesQuint, Cassaldo assistait à la bataille de Pavie, au siège de Rome, à l'invasion de la Provence, et succéda au marquis del Vasto comme gouverneur de l'Etat de Milan. Il fut partout où Charles-Quint combattit, en Italie, en Allemagne, en Flandre, en Hongrie et partout il se montra excellent capitaine. Il fut de plus un littérateur distingué. Crescimbeni le cite parmi les poëtes de cette époque, et son biographe parle de cinq discours sur l'art militaire publiés sous le nom d'Ascagne Centorio son secrétaire.

Dans un autre cahier de l'Archivio storico 2, nous trouvons la vie d'un guerrier plus célèbre encore que Castaldo, Bartholomeo Colleoni. M. Gabriele Rosa étudie soigneusement l'histoire de ce grand capitaine, etéclaire ainsi les conditions de la société pendant le cours du XVe siècle et au début de cette union politique entre Bergame et Venise qui dura trois cent soixante-dix ans. C'est une vie agitée de soldat, non sans gloire au point de vue militaire, moins digne d'éloges au point de vue moral, remplie de faits d'armes audacieux, mêlée à toutes les luttes de ce temps avec Visconti, Braccio, Malatesta, Sforza, Piccinini. Colleoni parvint au comble de la fortune et des richesses, sans avoir jamais eu l'honneur de combattre pour une cause qui représentât une idée. On le voit tour à tour passer au service de Venise, au service de Visconti, marcher sous les ordres de Sforza pour revenir l'année suivante sous la bannière vénitienne, abandonner celle-ci quatre ans après pour revenir à Sforza, quitter encore Sforza au bout de deux années pour reprendre la défense de Venise. Triste vie de condottière ! M. Gabriele Rosa la raconte avec talent, et ajoute un nouveau chapitre à l'histoire militaire du moyen âge en Italie, éclairée déjà par les travaux de MM. Riccioti, Fabretti et Angelucci. Ce n'est pas de faits de guerre, mais d'économie politique que nous entretient M. Belgrano, bien connu par la publication de ses Documenti riguardanti le crociate di Ludovico IX, dans un très-savant article sur l'intérêt de l'argent et les lettres de change à Gênes du XIIe au XVe siècle 3. Afin de faire circuler les capitaux à l'abri des lois

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1 3e série, t. V, part. 1, p. 86-125.

2 3 série, t. IV, p. 132-178.

3 Archivio storico italiano, 3e série, t. III, p. 103-123. Nous rappellerons, à

qui défendaient l'usure, on donnait, non à titre de prêt, mais à titre de dépôt (accomenda) une somme d'argent à un commerçant, pour la faire fructifier à l'extérieur. On ne parlait pas dans le contrat d'intérêt il n'était question que de participation aux produits, ce qui était parfaitement légal. Les plus anciens contrats de dépôt datent de 1157; leurs formulės prouvent, dit M. Belgrano, que la bonne foi présidait aux transactions commerciales, et que la plus réelle garantie de l'observation des contrats se trouvait dans la loyauté des contractants. Les banquiers génois furent bientôt célèbres : les papes les employaient; saint Louis se servait de leur intermédiaire. « Les contrats de nos banquiers avec le roi saint Louis présentent une particularité digne d'être notée, dit ici M. Belgrano : c'est la prudence avec laquelle on s'étudie constamment à pallier l'usure dans le change de la monnaie. On compte ordinairement les dépenses en livres génoises, et on convient d'établir les recettes avec les trésoriers du roi en livres provinoises et tournoises. » Mais l'usure avait ainsi lieu, et sur une très-vaste échelle. Dès 1207, et non, comme dit Halliam, en 1364, la lettre de change est employée pour les besoins commerciaux : ce sont les Génois qui la mettent les premiers en circulation. Au XIVe siècle les lettres de change deviennent si fréquentes à Gênes qu'on les assujettit à un droit fixe d'un demi pour cent, dit gabelle; c'est avec Venise, Naples, la Sicile, la Corse, Avignon, Montpellier que les lettres s'échangent davantage. Toute lettre de change devait être déclarée, sous quatre jours, au collecteur de la gabelle, investi du droit de faire ouvrir au bureau de la poste (à Gênes la poste existait dès 1290) les lettres soupçonnées de contenir une lettre de change. Le taux de l'argent est limité par le statut génois à trois deniers par livre par mois, ce qui produit quinze pour cent par an, taux inférieur à celui usité dans d'autres villes d'Italie; aussi M. Belgrano pense que vingt pour cent est le taux ordinaire de l'intérêt au moyen âge. Le savant rédacteur de l'article termine en nommant quelques familles génoises enrichies par la banque, et incidemment il parle de ce fauteuil de l'empereur Frédéric II, donné en gage par le marquis de Caretto son gendre, dont MM. de Maslatrie et Guillard-Bréholles ont parlé, il y a cinq ans, dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes '. M. Belgrano complète et rectifie les renseignements donnés à ce sujet, par un document inédit et une note sur la valeur de la monnaie italienne, fournie par le chevalier Desimoni, qui prépare un travail sur la valeur intrinsèque des monnaies italiennes du XIIe au XIVe siècle. Pour montrer le crédit des banquiers genois, M. Belgrano termine son très-intéressant article en rappelant qu'après la bataille de Nicopolis, en 1396, lorsque Bajazet consentit à rendre à la liberté les seigneurs français, moyennant la somme de cent mille ducats, il préféra pour garantie à la parole des souve

propos de cet article, les savantes observations de M. Pardessus, sur les lettres de change, et le petit volume publié par M. Thieury, en 1862, sur le même sujet.

15e série, t. III. p. 248, et t. IV, p. 139.

rains de l'Europe celle d'un banquier de Paris, correspondant du génois Barthélemy Pellegrini, établi à Scio comme négociant, et le plus riche marchand du Levant.

Nous trouvons encore dans l'Archivio storico Italiano', de nouveaux documents sur le moine Savonarole. Savonarole est une de ces figures historiques dont on ne cessera jamais de s'occuper, parce qu'il sera toujours difficile de présenter un jugement complet et sans appel sur la carrière agitée de ce tribun religieux, de cette grande âme dont les accents émurent Florence, qui plus tard devait le mettre à mort. On a publié plusieurs vies de Savonarole, et M. Carlo Cantoni examinait dernièrement 2 cinq des plus importantes biographies modernes qui lui ont été consacrées; mais il y en aura d'autres encore. Aussi de pareils documents sont-ils toujours les bienvenus. M. Marchese en avait déjà publié sur le même sujet dans l'Archivio storico; aujourd'hui M. Lupi nous offre les procès-verbaux des séances tenues dans le conseil de Florence en 1497 et 1498, alors qu'on discutait la réponse à adresser au pape au sujet de Savonarole et l'offre faite par les dominicains et les franciscains de prouver leur innocence. Les discours des conseillers sont tous rapportés : on pénètre ainsi les sentiments de chacun, ou découvre les passions qui agitaient ces temps; la lecture de ces documents est aussi fort utile pour la connaissance de l'histoire générale de cette époque.

- Comme Savonarole, Campanella n'est pas encore définitivement jugé figure assurément moins intéressante, moins sympathique que celle du moine florentin, mais qui n'est pas moins digne d'attention. Campanella appartient à cette classe d'écrivains philosophes de l'époque de transition, qui parurent à la fin du xvIe siècle et au commencement du xvII. M. S. Centofanti publie 3 trois lettres de Campanella dont deux au pape Paul V, et une à un ami, en lui envoyant celles destinées au Souverain-Pontife. Campanella se plaint des persécutions que lui ont fait subir les Espagnols établis à Naples, et en avouant son dessein de changer le gouvernement en Calabre, il cherche à le justifier; il demande au pape de le faire venir à Rome, et s'il est jugé par lui coupable et menteur, il consent à être de nouveau livré aux officiers espagnols. Il y a bien des extravagances dans ces lettres d'un homme dont l'esprit était exalté, et qui avait beaucoup souffert, mais elles peignent le caractère de ce moine mystique, tourmenté sans cesse par des rêves de réformes philosophiques, religieuses et politiques.

- Le même cahier de l'Archivio contient un article de M. OccioniBonnafons, sur les motifs de la Ligue de Cambrai. Écrit, comme presque tous les travaux publiés en ce moment par des Italiens, avec une préoccupation visible des événements politiques contemporains, cet article blâme sévèrement l'infamie de cette ligue

1 3 série, t. III, partie I, p. 3.

2 En septembre 1865, dans le Politecnico, t. XXVI, p. 315. 3 Archivico storico italiano, 3e série, t. IV, partie 1, p. 3.

Intorno alle cagioni della lega di Cambrai, 3e série. t. IV, part. 1, p. 93.

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