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M. Mortimer-Ternaux vient de raconter deux épisodes, que nous retrouverons un jour dans sa consciencieuse Histoire de la Terreur. C'est d'abord l'expédition des volontaires marseillais, dirigée par l'amiral Truguet, contre Cagliari, « expédition mal conçue, plus mal préparée, entreprise au milieu de l'hiver, conduite sans ensemble, qui coûta à la marine ses plus beaux vaisseaux, au trésor des sommes énormes, et qui restera comme un témoignage irrécusable de l'imprévoyance du pouvoir exécutif et de l'indiscipline de la phalange marseillaise. C'est ensuite l'expédition contre les îles de la Magdelaine, dirigée par Cesari-Colonna, avec Quenza, Bonaparte et Moydier pour lieutenants. Bonaparte y fit ses premières armes. M. Mortimer-Ternaux est entré, à cette occasion, dans quelques détails sur le caractère du jeune capitaine d'artillerie, dont la brouille bientôt consommée avec son chef hiérarchique le général Paoli, décida de l'avenir de Corse qu'il était resté jusque-là, Bonaparte se résigna à devenir Français. Il renia, à cette époque, sa nationalité, comme plus tard il devait faire bon marché de ses principes.

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Les efforts de Napoléon pour renverser le cardinal Consalvi; la retraite spontanée du cardinal, tel est le double sujet des deux dernières études consacrées par M. d'Haussonville à l'exposé des relations du premier Empire avec le Saint-Siége 2. L'habile écrivain marche lentement, mais d'un pas ferme; il s'avance entouré des documents les plus authentiques; la Correspondance de Napoléon Ier, récemment publiée, lui fournit de précieux renseignements. On peut dire qu'il tient tous les fils de l'intrigue, et il sait les dérouler d'une main savante et expérimentée. Il montre ici successivement dans quelles dispositions Napoléon se trouvait, au printemps de 1805, à l'égard du Saint-Siége; comment le cardinal Consalvi amena le résident anglais M. Jackson à quitter Rome volontairement, croyant par là désarmer la colère de l'empereur; combien « les disposit.o.is personnelles de celui-ci rendaient d'avance inutiles les sages concessious du Saint-Siége. » Il fait ressortir l'« accent de modérat o 1, de bonne foi et de dignité » de Pie VII dans ses com.nunications avec Napoléon, la« touchante résignation et la patience toute carétienne avec laquelle il se défendait contre des imputations cruelles ; » il nous initie aux intrigues du cardinal Fesch qui, lui aussi, avait ses « griefs personnels et purement imaginaires, » que d'ailleurs Napoléon n'épousait pas. Nous assistons au curieux spectacle de deux gouvernements négociant en dehors de leurs représentants officiels, dont l'un, Fesch, n'inspire pas assez de confiance à l'empereur et ne peut

1 Une expédition maritime en 1793; les premières armes de Bonaparte. Correspondant du 25 juillet 1867. Ce mémoire, lu par M. Mortimer-Ternaux à l'Académie des sciences morales et politiques, dans la séance du 1er juin, se trouve aussi dans le Compte rendu publié par M. Ch. Vergé, livraison de septembre 1867.

2 L'Eglise romaine et le premier Empire, 1800-1814 VII. Premiers efforts de Napoléon pour renverser le cardinal Consalvi. — VIII. Retraite du cardinal Consalvi. Revue des Deux-Mondes des 1er et 15 juillet 1867.

être l'homme des mesures arbitraires; dont l'autre, Caprera, s'est laissé captiver par le souverain près duquel il est accrédité, et a été entraîné à des concessions compromettantes. Enfin Consalvi, voulant éloigner pour le gouvernement pontifical « le danger d'une chute probablement inévitable, demande au pape à se retirer; et tandis que l'ambassadeur de Napoléon prend congé de Pie VII, après lui avoir fait une scène violente, le ministre habile et fidele se démet volontairement de ses fonctions, donnant ainsi un noble exemple de dévouement à une cause qu'il avait si énergiquement et si persévéramment défendue. « Mais, dit M. d'Haussonville, il en fut de la démission volontaire du cardinal Consalvi comme il en avait été de l'éloignement spontané de M. Jackson. Napoléon ne daigna même pas s'en apercevoir; » et ce sera la triste tâche de l'historien de cette lutte, d'avoir, en poursuivant son récit, « à raconter comment, par suite des violences redoublées de l'empereur et malgré l'inaltérable douceur de Pie VII, les choses en vinrent bientôt entre eux à toute extrémité.

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Quittons l'histoire générale, et abordons un moment le terrain de l'histoire locale. La Revue catholique de l'Alsace a donné récemment, sous le titre de Questions alsaciennes, une série d'articles où M. Charles Martin combat les opinions du dernier historien de César sur la géographie primitive de l'Alsace. A un système fort contestable, l'auteur en oppose un autre non moins spécieux, et qui ne hous paraît basé que sur des hypothèses.

- Non moins conjectural est le sujet qu'a traité M. Péan dans son travail sur les Origines de Lugdunum, dont la Revue du Lyonnais poursuit la publication. Rien n'est plus délicat et plus périlleux que de se lancer dans les questions d'étymologie des noms de lieux. L'auteur marche au milieu des écueils, et nous croyons qu'il s'y est heurté plus d'une fois.

La science archéologique est plus certaine, surtout quand elle repose sur des observations minutieuses et assidues, appuyées d'une critique savante et rigoureuse. Personne, à cet égard, n'est plus compétent que M. l'abbé Cochet, et la récente découverte du tombeau de sainte Honorine, à Graville, près du Havre, lui a fourni l'occasion de présenter des remarques pleines d'intérêt 3. Tout ce qui se rattache à l'archéologie sépulcrale est traité de main de maître par le savant correspondant de l'Académie des Inscriptions, qui est ici, on peut le dire, dans son domaine.

Signalons, dans la Revue de la Normandie, une notice sur Robert de Tombelaine', l'un de ces moines qui, au XIe siècle, furent pour la

1 Questions alsaciennes, à propos de l'histoire de Jules César par Napoléon III, livraisons d'avril, mai et juin 1867.

2 Voir en particulier la livraison de mai 1867.

3 Le tombeau de sainte Honorine, à Graville près le Havre. Revue de la Normandie des 31 mai et 30 juin 1867.

Étude sur la vie et les écrits de Robert de Tombelaine, moine du x1a siècle par M. Ch. Lebreton, livraison du 30 juin 1867.

Normandie de si généreux et de si habiles apôtres de la civilisation et du progrès.

- La Revue historique des Ardennes vient de terminer la publication d'un Mémoire sur les Antiquités de Sedan et des autres villes frontières de la Meuse, que M. Sénemaud a annoté, et qui contient d'utiles renseignements, principalement pour l'histoire du pays aux xvio et XVIIe siècles.

- La Révolution fournit aussi son contingent aux revues provinciales. Tandis que M. E. Gosselin poursuit dans la Revue de la Normandie son Journal des principaux Episodes de l'époque révolutionnaire à Rouen et dans les environs 2, M. Alfred Lallié, qui s'occupe d'une étude sur les origines et les débuts de l'insurrection vendéenne dans le district de Machecoul, publie, dans la Revue de Bretagne et de Vendée3, un travail où il fait ressortir l'attitude du clergé de ce district en présence de la Constitution civile de 1791, montre de quelles invectives les prétendus patriotes accablèrent les prêtres restés fidèles à leur devoir, et raconte les poursuites dirigées contre eux; enfin, M. Sénemaud continue la publication de ses Procès révolutionnaires : il vient de mettre au jour les pièces de la procédure entamée contre Roze, procureur-syndic de la Marne, et le chevalier d'Artaize, exécuté à Paris le 25 messidor an II.

FR. DE FONTAINE.

1 Tome V, p. 5, 137 et 261 (janvier, mars et mai 1867).

2 Livraison du 30 juin 1867.

3 Le clergé du district de Machecoul en 1791, livraisons de juin et de juillet 1867.

Procès révolutionnaires. Ardennes. livraison du 1er mars 1867.

VI. Roze et Mecquenem d'Artaize,

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Les lois de Dieu dans l'histoire, ou Essai sur les lois providentielles qui régissent les nations et le genre humain, par M. TAILLIAR. Douai. 1867, in-8° de 153 pages (Paris, chez A. Durand).

Ce livre ne contient pas des faits, mais l'énoncé des lois manifestées par les faits. La science des faits n'est pas tout en histoire au-dessus d'elle il y a la philosophie de i'histoire, la science des lois qui dirigent les sociétés humaines dans leur marche. Depuis plus de trente ans, M. Tailliar étudie ces lois il a publié déjà à ce sujet plusieurs mémoires, et il les résume aujourd'hui sous 26 titres différents. Je reprocherai à cette classification de n'être pas assez rigoureuse, et de ne pas présenter avec assez de force la synthèse qu'on a sous les yeux. La vie humaine, dit avec raison M. Tailliar, est pour l'homme une épreuve qui a ses charges et à ses compensations, et qui ne peut avoir lieu d'une manière complète que dans la société. La sociabilité, voilà donc la loi première la sociabilité avec ses conséquences de formation, d'organisation, une et diverse à la fois, au triple point de vue religieux, matériel, politique : religieux d'où vient la moralisation, matériel comprenant l'appropriation du sol, politique ou de direction sociale. Cette société ainsi organisée

agit; elle a de l'expansion, elle fait de la propagande; en agissant, elle se conserve et elle est soumise en même temps aux changements: certains conduisent à la décadence, à la dissolution; d'autres à la rénovation, au progrès. Et, de toute cette organisation, plus ou moins parfaite de cette action plus ou moins bien réglée, résulte la civilisation. Telles sont les idées émises par M. Tailliar, idées trop isolées les unes des autres sous ses nombreuses divisions. Ce que l'auteur dit au titre de la loi religieuse ou du culte divin, est-il bien complet? Partout il y a un culte public; suivant les degrés de civilisation, le culte est plus ou moins grossier, et l'on peut citer le fétichisme, le sabéisme, etc. Mais ne fallait-il pas poser aussi la grande division des adorateurs du vrai Dieu et des non adorateurs, et tout ramener à la loi manifestée par le fait de la Révélation d'abord, et ensuite par celui de la Rédemption? La rénovation religieuse, dit M. Tailliar, s'accomplit tantôt par la réforme et tantôt par le schisme dans une religion. Il y a là une confusion le changement oui, mais non la rénovation, qui indique un progrès. On est de nos jours trop peu enclin aux études philosophiques, pour que nous ne saluions pas avec empressement un travail qui, sous quelques rapports, peut donner prise à la cri

tique, mais où l'on rencontre un grand nombre de judicieuses observations. H. de l'E.

Philon d'Alexandrie, écrits historiques, influence, culles et persécutions des Juifs dans le monde romain, par Ferdinand DELAUNAY. Paris, Didier, 1867, in-8°.

Le juif Philon a eu une place trop restreinte dans les travaux dont l'école d'Alexandrie a été l'objet : il est le représentant du mouvement philosophique opéré en Orient et de l'école religieuse des Juifs. « Ses œuvres résument en quelque sorte le contact, la lutte et l'influence réciproque des deux principaux courants de la civilisation antique. » M. Delaunay a compris l'importance de cette étude, nouvelle en France, sinon en Allemagne, et il en a fait le sujet d'un livre écrit avec érudition, avec intelligence, et d'une façon pleine d'intérêt. Le rôle des Juifs à Alexandrie après la dispersion sous Alexandre, et ce prosélytisme ardent qui préparait les voies à la religion de Jésus-Christ, avaient également été reconnus par M. l'abbé Vervorst dans son Histoire du peuple de Dieu; mais M. Delaunay le met très-bien en relief, et il promet d'y revenir d'une manière plus approfondie dans un travail ultérieur. Aujourd'hui, il s'attache à montrer en Philon le philosophe attaché à toutes les traditions juives, non pas exclusivement platonicien, stoïcien, ou péripatéticien, mais adoptant tour à tour, dans une certaine mesure, les doctrines de ces écoles opposées. Philon serait donc un éclectique si sa philosophie, comme l'a dit justement M. Delaunay, n'était dominée par la pensée plus haute de mettre d'accord ces doctrines, de quelque côté qu'elles vinssent, avec les livres de Moïse et les traditions hébraïques. L'étude de Philon est donc impor

tante pour ceux qui désirent approfondir les origines du christianisme et remonter à la source de sa philosophie; on sait peu de chose sur les sources où Philon a puisé : il avait certainement sous les yeux des écrits sur les livres saints, sortis de la plume des Juifs alexandrins. Il fournit des renseignements nombreux sur l'état du monde juif dans l'empire romain, au moment de la venue de Jésus-Christ. M. Delaunay, qui donne pour la première fois le catalogue complet des œuvres de Philon, montre que, selon toute probabilité, le philosophe ne se convertit pas, comme on l'a dit, au christianisme, et il rejette la fable rapportée par Eusèbe d'une prétendue rencontre à Rome de saint Pierre et de Philon. Il signale dans les écrits de Philon une étude fine et nerveuse du caractère de Caligula, la peinture animée de sa cour, et des renseignements nombreux sur l'histoire juive, qui viennent corriger en plusieurs endroits le récit de Josèphe. Enfin l'auteur parle de la situation générale des juifs dans l'empire, de leurs immenses colonies, de leur prosélytisme, et il conclut en disant : « Après avoir lu Philon, on se demandera si de toutes les races méditerranéennes, Israël n'était pas la plus puissante par le nombre comme par l'idée. » H. de l'E.

La primauté de saint Pierre prouvée par les titres que lui donne l'Église russe dans sa liturgie, par le P. C. TONDINI, barnabite. Paris, Palmé, 1867, gr. in-8° de 101 pages.

« A présent plus que jamais, dit très-bien le P. Tondini, les circonstances politiques et religieuses de l'Europe font penser à la question du retour de la Russie à l'unité catholique. » C'est pour faciliter, s'il est possible, ce retour, que l'auteur a

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