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peinture des caractères. Que de grâces, que de naturel, que de suavité dans Sakontala, cette charmante pièce que W. Jones a rendue en anglois avec tant d'élégance, et au sujet de laquelle un des plus beaux génies de l'Allemagne a dit: que quand la littérature Sanskrite ne posséderoit que cette seule production, le désir de la lire dans l'original devroit suffire pour enflammer l'esprit, et l'exciter à l'étude de la langue divine dans laquelle elle est écrite.

Mais, grâces à la fécondité des Muses indiennes, nous sommes bien loin d'en être réduits à ce seul chef-d'oeuvre; et, outre les grandes compositions dont nous venons de parler, dans tous les genres de poésies, nous trouvons également chez les Indiens, des ouvrages enchanteurs.

Il existe peu de pièces, par exemple, dans notre littérature européenne, que l'on puisse comparer avec le Megha - Doûta (le Nuage Messager) pour le sentiment; et, en fait de poésie érotique, le volup-. tueux Djaya-Déva, dans son petit poème des amours de Mâdhava et de Radhâ, l'emporte de beaucoup sur tous les poètes élégiaques connus. Jamais les fureurs de l'amour et ses molles langueurs n'ont été peintes avec des couleurs aussi vives et aussi séduisantes qu'elles le sont dans son

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Gitá-Govinda. Toutefois, selon les Pandits ou Sages indiens, ce morceau purement mystique n'exprimeroit que les élans de l'ame qui cherche à s'unir à la Divinité; et, sous ce point de vue, il offriroit un rapport frappant avec la délicieuse allégorie de Psyché et de l'Amour.

Enfin il n'est pas jusqu'au madrigal, à la mordante épigramme, qui n'aient été traités avec succès par les Bardes du Gange; et il m'est tombé sous les yeux plusieurs petites pièces de ce genre, qui ne peuvent que donner l'idée la plus avantageuse de la grâce et de la finesse de leur esprit.

Mais, de peur, Messieurs, de m'exposer à la malignité du vôtre, si je prolongeois plus longtemps un discours que déja vous accusez peut-être de trop de longueur, je crois de mon intérêt de terminer ici cette légère esquisse qu'un pinceau plus habile auroit sans doute tracée d'une manière plus séduisante.

Puisse-t-elle, cependant, toute imparfaite qu'elle est, suffire pour vous donner une idée de la riche galerie qui doit successivement se développer à vos regards, et vous inspirer le désir d'en étudier et d'en sentir les chef-d'oeuvres. La tâche est difficile, j'en conviens mais elle n'est pas impossible, et déja, si j'en juge par la

noble ardeur que plusieurs d'entre vous m'ont témoignée, je ne doute point que bientôt nous ne réussissions à faire fleurir en France cette belle et importante littérature, et que nos efforts ne soient couronnés du plus heureux succès.

BIOGRAPHIE.

ELOGE de M. le Comte DE RUMFORD, lu à la séance publique de l'Institut, le g Janvier 1815, par M. CUVIER, secrétaireperpétuel.

BENJAMIN

ENJAMIN THOMPSON, décoré en Angleterre du titre de Chevalier, et en Allemagne de celui de Comte DE RUMFORD, naquit, en 1753, dans les Colonies angloises de l'Amérique Septentrionale, au lieu nommé alors Rumford, et aujourd'hui Concord, qui appar tient à l'Etat de Newhamshire. Sa famille, angloise d'origine, y cultivoit quelques terres, et il a dit lui-même qu'il seroit probablement demeuré dans la condition modeste de ses ancêtres s'il n'avoit perdu dès l'enfance le petit bien qu'ils auroient dû lui laisser. Ainsi, comme beaucoup d'autres savans, c'est à un premier malheur qu'il a été redevable de sa fortune et de son illustration.

Son père étoit mort jeune; un second mari l'avoit éloigné de sa mère; et son ayeul, de qui seul il pouvoit attendre quelque bien, avoit disposé de tout ce qu'il possédoit en faveur d'un fils puîné, et avoit abandonné

ainsi son petit-fils à un dénuement presqu'absolu.

Rien n'est plus fait qu'une telle position pour donner une raison prématurée. Le jeune Thompson s'attacha à un ecclésiastique instruit qui essaya de le préparer au commerce en lui donnant quelque teinture des mathématiques; mais le bon ministre lui parloit aussi quelquefois d'astronomie, et ses leçons en ce genre profitoient au delà de ce qu'il prévoyoit. Le jeune homme lui apporta un jour la carte d'une éclipse, qu'il avoit tracée d'après des méthodes qu'il s'étoit faites à lui-même en méditant sur les discours de son maître; elle se trouva d'une justesse singulière, et ce succès lui fit tout abandonner pour les sciences.

En Europe, les sciences auroient pu lui offrir quelque ressource, mais alors elles n'en étoient pas une dans le Newhamshire. Heureusement la nature lui en avoit donné qui sont assurées à toutes les époques et dans tous les pays une belle figure et des manières nobles et douces. Elles lui procurèrent à 19 ans la main d'une riche veuve; et le pauvre écolier, au moment où il s'y attendoit le moins, devint l'un des personnages considérables de, la Colonie.

Son bonheur ne fut pas de longue durée : les troubles que les prétentious du ministère

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