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Roi Artur l'institution de la Table ronde; mais il ne manque pas d'observer que ce sont les Bretons armoricains qui ont chargé cette institution de toutes les fables, dont les Romans de ce genre sont remplis :

Fist Roy Artur la ronde table

Dont li Bretons dient mainte fable (1).
Etc.

Comme Robert Wace, Chrétien de Troyes, atteste l'altération des Lais bretons, mais il en assigne une nouvelle cause dans son Roman d'Erec, fils du Roi Lac; il attribue cette interpolation à des hommes qui font, dit-il, leur métier de chanter, et qui ne chantent que pour vivre. Dans un autre endroit du même ouvrage, il dit que ce sont des hommes qui veulent contrerimoier.

Derec le fils Lac est li contes

Que devant Roi et devant Comtes
Depecier et corrumpre seulent
Cil qui de chanter vivre veulent. . . .
Cil qui contrerimoier veulent, etc. (2).

A ces traits on reconnoît facilement les

(1) Ibid.

(2) Bibl. impér. Paris, n.o 6989.

jongleurs qui, s'emparant des ouvrages des Bretons, les altéroient et les défiguroient, afin de donner du nouveau à leurs auditeurs, et de cacher leurs plagiats.

Enfin, M. Tyrwhitt, dans son introduction aux Contes de Cantorbery, reconnoît que Chaucer, en publiant cet ouvrage, avoit fait aussi quelques changemens dans les Lais armoricains qu'il y inséra.

L'histoire atteste également l'altération de ces Lais.

D'abord, Geffroy de Monmouth traduisit, du bas-breton en latin, le Brut d'Angleterre, vers l'année 1138, et cet ouvrage reconnu aujourd'hui pour être composé de différens Lais bretons, reçut encore trèscertainement quelques additions de la part de ce même traducteur. Mais si son ouvrage fabuleux ne mérite aucune croyance, il-faut cependant ajouter foi aux faits que l'auteur rapporte, et qui sont relatifs au temps où il écrivoit. Or, il nous apprend que les gestes d'Artur et de ses chevaliers, n'étoient pas seulement connus de tout le monde, mais qu'ils étoient comme gravés dans l'esprit des peuples, qu'on les savoit par cœur, et qu'on les chantoit avec enthousiasme, sans doute d'après les chants des jongleurs (1).

(1) Cum et gesta Arturi et sociorum à multis

Guillaume de Newbridge, l'ennemi le plus déclaré de Geffroy de Monmouth, convient, tout en l'accusant d'imposture, que son ouvrage est composé des anciennes fables des Bretons (1).

Guillaume de Malmesbury observe, en parlant d'Artur, que c'est un prince dont les exploits sont le sujet ordinaire des fables des Bretons; mais que son patriotisme et sa gloire méritoient d'être gravés par le burin de l'histoire, et d'être chantés autrement que par des fictions (2).

Ainsi, d'après ces deux historiens, les Bretons eux-mêmes avoient chargé de fables les exploits d'Artur et de ses compagnons d'armes.

Enfin Giraldus Cambrensis, dans sa Description du pays de Galles, dit que les Bardes de cette contrée, avoient des histoires

1

pópulis quasi inscripta mentibus, et jucunde et memoriter prædicentur, etc. Præfat. Hist. Brit.

(1) Ex priscis Britonum figmentis, etc. GUILL. NEUBRIG. præmium.

(2) Hic est Arturus de quo Britonum nugæ hodie delirant, dignus plane quem non fallaces somniarent fabulæ, sed veraces prædicarent historiæ, quippe qui labantem patriam diu sustinuerit, etc. GUILL. MALM. Hist. lib. 3, cap. 7.

généalogiques de leurs princes, qui, comme celles du Brut, remontoient jusqu'à Enée; mais comme elles lui paroissent fabuleuses, il refuse de les insérer dans son ouvrage : cependant il ne rend pas moins hommage aux talens de ces Bardes, il fait l'éloge dé leur génie, et les détails qu'il donne sur leur prosodie, pourroient diriger dans l'étude de celle des Bretons armoricains (1).

Le témoignage des historiens se réunit donc à celui des Trouvères, pour constater que les Bardes armoricains et gallois avoient, dans le moyen âge, chargé l'histoire d'Artur et de ses chevaliers, de faits merveilleux et controuvés; que les jongleurs français, en y ajoutant des fables et des fictions nouvelles, achevèrent de l'altérer, et qu'enfin le travail des uns et des autres avoit fourni la matière de nos romans de la Table ronde.

Mais des ouvrages où l'on trouve le merveilleux épique, n'ont pu avoir été composés sans une Mythologie quelconque. Alors étoit-elle indigène, et par conséquent celtique, ou étoit elle empruntée d'un autre peuple? Enfin, où les Bardes armoricains. avoient-ils pris l'idée de mettre en action

(1) Cambriæ Descrip., cap. 3, lib. II.

dans leurs ouvrages, des Géants, des Dragons, des Serpens, des Fées, etc.; en un mot, d'où avoient-ils reçu ce goût romanesque?

Saumaise répond, qu'il avoit été communiqué à la France par les Arabes et les Espagnols.

Huet soutient que nos romans et les fables dont ils sont remplis, sont nés sur notre sol. Le comte de Caylus partage la même opinion (1).

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Lord Percy, évêque de Dromore, prétend que ce goût avoit passé de l'Orient dans le Nord, avec les colonies d'Odin, et qu'il avoit été porté en France par les Normands (2).

Thomas Warton, pour concilier cette dernière opinion avec celle de Saumaise, admet les deux points de communication celui du Nord et celui du Midi; il prétend que l'invasion des Normands acheva de dé-. velopper les idées du merveilleux déja répandues par les Espagnols. Mais il assure en même temps qu'aucune province de la France

(1) Traité de l'origine des Romans.

(2) Reliques of ancient english poetry, Volume 3.

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