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ENCYCLOPÉDIQUE.

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LITTERATURE ORIENTALE.

DISCOURS sur les avantages, la beauté, la richesse de la Langue Sanskrite sur l'utilité et les agrémens que l'on peut retirer de son étude; par M. A. L. CHÉZY, Lecteur et Professeur Royal, Chevalier de la Légion d'honneur, etc. (1).

DEPUIS longtemps le vœu d'un grand

nombre de savans français des plus recommandables, à la tête desquels je crois devoir placer le vénérable Anquetil Duperron, et le célèbre Silvestre de Sacy, la gloire et l'honneur des lettres orientales, étoit que quelque littérateur de notre nation se livrât à l'étude du Sanskrit; cette souche antique

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(1) Ce Discours à été prononcé au Collège royal de France, à l'ouverture du Cours de Langue et de Littérature Sanskrite, le lundi 16 Janvier 1815.

d'où, comme autant de jeunes rameaux, sont émanés tous les dialectes usités dans l'Inde. Mais, soit insouciance, soit manque de courage, aucun français n'avoit encore répondu à cet appel de la science. Plus porté par goût à ce genre d'études, ou doué peut-être de plus de patience, j'entrepris de soulever le voile qui déroboit à nos regards ce sanctuaire mystérieux. A mesure que j'en déroulois un pli, que je voyois luire à mes yeux quelque trait de lumière, ma curiosité prenoit de nouvelles forces, et, semblable aux initiés qui ne parvenoient à approcher du Dieu, qu'après avoir été soumis aux plus rudes épreuves, j'eus le bonheur, après mille fatigues, de pénétrer dans le Temple auguste où sont consignées les connoissances d'un des peuples les plus anciennement civilisés du monde. Quel plaisir n'éprouvai-je pas lorsque je me sentis en état de déchiffrer ces antiques feuilles de palmier, longtemps aussi inintelligibles pour moi, que l'étoient autrefois les feuilles de la Sibylle, et de reconnoître, empreintes sur cette frêle matière, les plus hautes pensées de la philosophie; ce type du beau aussi ancien que le monde et qui doit durer autant que lui!

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Cependant ce n'étoit pas pour satisfaire ma seule curiosité, que j'avois pris tant de

peines: le désir de me rendre un jour utile à mes compatriotes, et de leur faciliter les moyens de parcourir cette nouvelle carrière; voilà le puissant motif par lequel étoit soutenu mon courage, qui, je l'avoue, sans cette pensée m'eût plus d'une fois aban donné. Mais comment pouvois-je espérer de parvenir à ce but honorable? Il n'y a que peu de mois encore, ce projet ne s'offroit à mon esprit que comme une vaine chimère; quand le retour de notre Monarque chéri vint tout-à-coup me faire croire à sa réalité.

Plein de confiance en la faveur d'un Souverain qui de tout temps a fait des lettres ses plus chères délices, et espérant en l'appui d'un ministre dont les soins les plus assidus tendent sans cesse à augmenter le domaine de la science et de la littérature, j'osai réclamer sa haute protection pour faire parvenir ma demande au pied du trône. Le Roi, non-seulement a daigné l'exaucer, mais, en choisissant le College de France pour y établir une chaire de langue et de littérature Sanskrite; et en m'associant par là à de si illustres collégues, cet auguste Souverain m'a tout d'un coup élevé à un honneur auquel j'étois loin de prétendre, et dont le zèle que je mettrai à remplir les

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intentions bienveillantes de Sa Majesté, pourra seul me rendre digne..

Nous allons donc, Messieurs, professer, pour la première fois en France, une langue. dont les seuls Anglois ont pu jusqu'à ce jour se vanter de posséder la clef; langue célèbre qui, selon la remarque d'un de nos plus profonds écrivains, n'est peut-être que cette langue des Dieux dont parle Homère : au moins est-elle digne d'un pareil honneur, tant par sa richesse que par son élégance et son harmonie. On diroit en effet que Saraswati (la Déesse de l'éloquence) s'est plue à en disposer et à en mesurer elle-même tous les sons, tant ils flattent délicieusement l'oreille. Et ne croyez pas, Messieurs, que j'employe ici l'hyperbole; car il est certain qu'il n'existe pas, sur la terre, une langue où, pour éviter toute espèce d'hiatus, et de sons durs et discordans par la rencontre des voyelles ou de certaines consonnes entre elles, on ait imaginé un système orthographique plus délicat et plus recherché. Mais. ce n'est pas par cette qualité seule, que cette belle langue se recommandera à vous; un autre attrait, bien plus puissant encore, ne, tardera pas à éveiller toute votre curiosité, et vous rendra bien moins sensible l'aridité inséparable de l'étude des langues en géné

ral. Je veux parler des rapports frappans que, dès les premiers temps, vous aurez occasion de remarquer entre cet antique idiôme et les langues grecque et latine, et cela nonseulement dans des mots isolés, mais dans leur structure la plus intime; de cet esprit d'analogie qui semble avoir présidé à sa formation, en sorte que, d'après la connoissance d'une seule racine, on se trouve en état de former un nombre prodigieux de : mots dérivés, qui, offrant à l'esprit une image, s'y gravent sans effort et d'une manière ineffaçable.

Tels sont, s'il m'est permis de m'exprimer ainsi, les points de repos qui s'offriront à nous dans notre marche pénible: mais n'en eussions-nous aucun, et dussions-nous traverser d'abord un désert entièrement aride," la perspective de l'Oasis enchanteur qui nous attendroit au milieu de cette mer de! sables, né devroit-elle pas suffire pour sou-" ́tenir notre courage? ou, pour parler sans figure, quelles peines pourroient entrer en balance avec les jouissances sans nombre que va se créer notre esprit par l'acquisition d'une littérature toute nouvelle, et i tellement abondante, que nous n'éprouverons plus d'autre embarras que celui du choix?

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Philosophie, métaphysique, grammaire,

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