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histoire impartiale, sous l'empire d'une constitution qui assure une égale protection à tous les cultes, la liberté des opinions, la publicité des affaires, et qui joint à l'énergie du pouvoir monarchique les avantages du système représentatif.

Jusqu'ici, un seul auteur s'est essayé dans cette carrière: M. Van Kampen, connu déjà par plusieurs ouvrages, et qui à de grandes connaissances littéraires joint des talens précieux pour l'histoire, a publié le premier volume d'une histoire abrégée de tous les Pays-Bas (Verkorte geschiedenis der Nederlainden, in-8°, Harlem, 1819), qui comprend l'intervalle depuis les premières notices connues, jusqu'à ta paix de Westphalie. Malheureusement, cet ouvrage est loin de remplir l'idée qu'on aurait pu s'en former.

- Déjà, dans des ouvrages précédens, M. Van Kampen s'était fait remarquer par une partialité et une espèce d'acharnement contre tout ce qui est Français, portées au point qu'il semble s'en faire gloire. Cette partialité, si indigne de l'histoire, se fait de nouveau remarquer dans ce volume, et rarement l'auteur laisse passer une occasion de la manifester, en accusant les Français de bassesse ou de perfidie. Peut-être ce défaut n'est-il, en grande partie, que l'effet de l'imitation de plusieurs auteurs allemands, auxquels M. Van Kampen a d'ailleurs emprunté des mots, des locutions, des phrases, contraires à l'esprit de sa langue, et qui déparent son style.

Ce qui peut paraître encore plus singulier, c'est que l'auteur, en écrivant une histoire générale des PaysBas tels qu'ils sont constitués en royaume par le traité de Vienne, a entièrement perdu de vue cet objet et n'a écrit que comme il aurait pu le faire

pour captiver la bienveillance publique sous un Gouvernement oligarchique et protestant; que partout il n'a travaillé que sur les erremens de ses précurseurs; qu'il a reproduit les anciennes préventions, et qu'il a poussé sa prédilection pour la province de Hollande jusqu'au ridicule. Charles, cinquième empereur du nom, connu en Europe sous la dénomination de Charles-Quint, troisième duc de Brabant et de Gueldre, n'est appelé que Charles-Deux, d'après son rang au nombre des comtes de Hollande; Philippe, second roi d'Espagne, premier duc de Gueldre, quatrième duc de Brabant et comte de Flandre, sixième comte de Namur qui ait porté ce nom, n'est désigné que sous le nom de Philippe-Trois, parce qu'effec tivement, il était le troisième comte de Hollande. Il est certainement indifférent à l'histoire sous quel nom un personnage marquant est indiqué, pourvu que son identité soit reconnue; mais, est-il permis de changer arbitrairement les noms historiques? et de quel droit un historien peut-il attribuer une préférence aussi marquée à une province particulière? La nécessité seule aurait pu servir d'excuse; mais qui empêchait l'auteur de conserver les désignations connues en Europe, les surnoms reçus dans l'histoire, ou des noms dérivés de la famille ou des autres possessions de ces princes, qu'il aurait pu adopter sans blesser l'égalité des diverses parties du royaume? Pourquoi ne pas employer les noms de Philippe-le-Bon, de Charlesle-Téméraire, de l'archiduc Philippe d'Autriche, de Charles d'Autriche ou empereur Charles, de Philippe d'Espagne ou roi Philippe? Les bornes de cette notice ne permettent point d'apporter d'autres preuves de partialité, qu'il serait facile de produire.

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D'ailleurs, et c'est encore un défaut que nous ne pouvons nous empêcher de signaler, l'auteur mêle souvent la protection divine aux événemens humains. Cette figure, bonne dans les anciens tems, lorsque l'histoire n'était point ce qu'elle est aujourd'hui, est depuis long-tems tombée en désuétude: ce n'est pas seulement en poésie qu'on suit le précepte d'Horace, nec deus intersit; on est d'accord sur le manque de pénétration qui empêcherait les humains de reconnaître cette intervention, lors même que la Providence se mêlerait de leurs querelles; elle est incompatible avec le respect dû au souverain arbitre des destinées. Les deux partis ne manquent pas de faire valoir le même argument, et l'historien qui une fois a reconnu l'intervention divine en faveur d'une cause quelconque, devient partial, par cela seul qu'il ne peut attribuer d'inconséquence à l'Être suprême. Aussi, M. Van Kampen a-t-il soigneusement ménagé l'influence divine en faveur des républicains et des protestans qu'il en juge seuls dignes, lorsqu'il s'agit de divisions à l'intérieur, et en faveur des Hollandais, dans les guerres à l'extérieur. Je trouve même (pag. 291) l'observation que, dans toutes occasions critiques, lorsque les forces humaines paraissaient défaillir, un bras céleste venait à l'appui des Hollandais: cette observation est faite à l'occasion de quelque avantage remporté par les insurgés hollandais, au mois de décembre 1572. Et c'est au dix-neuvième siècle que cette phrase s'imprime! C'est à propos d'une guerre civile, dans un pays dont les provinces sont divisées par des opinions et par des dissensions religieuses et politiques!

Si nous ne pouvons approuver ce que M. Van

Kampen a publié, nous nous ferons un plaisir d'autant plus vif, d'annoncer l'espoir que nous a fait concevoir un autre Hollandais, M. Van Capelle, nommé rẻcemment à la chaire d'histoire nationale à l'Athénée d'Amsterdam, où il occupait déjà celle de littérature et d'éloquence nationale, et qui vient de faire imprimer le discours prononcé, à cette occasion, sur le point de vue sous lequel il convient d'étudier l'histoire nationale (Redevoering over het oogpunt, waar vuit in den tegenwoordigen tyd de beoeffening der Vaderlandsche geschieedenis moe beschowd worden, gehouden den 22 november 1819). Sans prétendre au style brillant des premiers orateurs, M. Van Capelle se distingue par la netteté et la clarté de la diction; on voit avec plaisir qu'il évite les phrases entortillées des Allemands et de ceux qui, à leur imitation, dénaturent la langue hollandaise; il cherche partout, dans les bons auteurs, le mot propre, sans en emprunter d'une langue étrangère, et sans en fabriquer de nouveaux que souvent l'oreille repousse; il partage sa période et ne recule pas le sens de la phrase jusqu'à la fin; il suit toujours la coupe plus facile et plus simple de la prose française: qualités rares dans un écrivain hollandais de cette époque, et précieuses surtout dans celui qui est appelé à former le style par ses leçons.

En parlant de l'histoire de sa nation, M. Van Capelle fait ressortir les avantages de cette étude dans le moment présent; il insiste sur le pouvoir de l'opinion publique, qui, dans un gouvernement représentatif, assure à chaque citoyen une influence directe sur l'administration; pouvoir que tant de fonctionnaires désireraient étouffer dans sa naissance, et qui n'est encore que peu apprécié dans les Pays-Bas, surtout dans

l'ancienne république, dont les habitans ont perdu leur énergie sous le joug d'une oligarchie puissante et jalouse. L'orateur saisit toutes les occasions favorables, pour témoigner aux habitans des différentes provinces une impartialité absolue; et si, dans un ouvrage plus étendu, M. Van Capelle soutient les idées qu'il vient de laisser apercevoir dans ce discours, en supposant que ses occupations ne l'empêcheront pas de s'occuper ex professo de l'histoire de sa nation, nous eroyons qu'en suivant l'impulsion donnée, il ne peut manquer de suppléer au défaut d'une histoire complète du nouveau royaume des Pays-Bas.

(Mémoire communiqué.)

N. B. Nous invitons l'honorable correspondant qui nous a envoyé cette Notice dont nous n'avons différé qu'à regret l'insertion, et qui nous a imposé l'obligation de ne le point nommer, à continuer de nous adresser des considérations du même genre, nonseulement sur les sciences historiques, sur la manière dont elles sont cultivées dans sa patrie, et sur les rapports nécessaires entre les institutions et l'état politique d'un pays et l'esprit des historiens qu'il produit, mais aussi sur les autres branches des sciences morales et politiques, sur leur situation actuelle dans le royaume des Pays-Bas, et sur les circonstances qui peuvent en accélérer ou en retarder les progrès. Il est à désirer que nos autres correspondans, spécialement en Espagne, en Portugal, en Italie et en Grèce, veuillent s'occuper de recherches et d'observations du même genre, appliquées à leurs nations respectives. Il en résulterait un examen comparatif des travaux analogues entrepris dans différens pays, et des causes de la stagnation de certaines branches de littérature qui ne peuvent absolument se développer ni fleurir, que dans des circonstances et sous des conditions données, sans lesquelles elles sont frappées de langueur et de mort. Ainsi, peu à peu, seront passés en revue tous les sujets sur lesquels la pensée humaine peut s'exercer au profit de la civilisation.

M. A. J..

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