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mêmes. C'est une merveille, s'il faut en croire l'auteur, de voir ces enfans construire, à l'envi les uns des autres, une vaste et commode habitation; vivre, manger, loger ensemble, soigner leurs troupeaux, cultiver leurs champs; planter, semer, creuser des fossés; faire des lois et les observer; offrir, en un mot, dans un peuple d'enfans, l'image d'une société heureuse par son harmonie. Tel est le système que présente le Monde des Émiles, fondateurs de la ville ou du village d'Emilopolis.

Ce système, accompagné d'une suite de réflexions, de raisonnemens, et de circonstances tout-à-fait singulières, ne paraît pas fondé sur la connaissance du cœur des enfans. Combien il serait à craindre que ces Émiles, abandonnés à eux-mêmes, ne devinssent vicieux! L'enfant ressemble au sauvage qui prévoit peu, qui ne bâtit point, qui ne laboure pas, qui ne fait rien, dès que, par la chasse ou par la pêche, il a satisfait à ses besoins. Ainsi, les petits habitans de cette île, après avoir fait des cabanes pour se mettre à l'abri des injures de l'air, ne vivront guère qu'au jour le jour; ils ne prévoiront pas que, la semaine ou l'année suivante, il faudra se loger, se nourrir, se vêtir; et, si leur prévoyance s'étendait jusque-là, ils aimeraient mieux courir et jouer entre eux, que de vivre accablés de sollicitudes et de peines, alors même que pour l'avenir ils ne se reposeraient pas sur la tendresse de leurs parens.

Je ne serais point surpris de les voir dévorer, sans soin, toutes leurs subsistances, laisser leurs terres en friche, égorger leurs troupeaux, tuer les boeufs destinés au labourage, les apprêter pour faire des repas à leur manière. Ce serait là les jeux sanglans de leur enfance. Qu'on ne prenne point ce fait pour une hypothèse! On a vu des sauvages faire des festins avec les animaux domestiques qu'on leur avait donnés, au lieu de les faire croître, multiplier, et de les employer à leurs usages. Mais, ces enfans seraient dans une condition pire; ils porteraient dans ce nouveau séjour tous les vices des vieilles sociétés, vices qui auraient déjà commencé à germer dans leurs cœurs pour y étouffer les semences de vertu. Ainsi s'introduiraient parmi eux d'effroyables désordres, les disputes, les haines, la guerre civile; le sang coulerait à Émilopolis.

A la vérité, pour prévenir ces malheurs, l'auteur entend que 23

TOME VII.

des agens du roi aillent de tems à autre visiter cette petite colenie, afin de punir les malveillans et même de les chasser. Mais l'enfance veut une surveillance continuelle et active; dès qu'elle perd de vue ses maîtres, elle se livre au mal. Mettez une troupe d'enfans dans un jardin; ils pilleront et ravageront tout. Le plus grand de leurs plaisirs n'est-il pas de prendre et de détruire des nids d'oiseaux? Ils obéissent le plus souvent par contrainte et par intérêt. Ne se révoltent-ils pas quelquefois contre leurs maîtres? L'auteur ne parle point des Émiles, quand l'âge des passions approchera; mais c'est alors qu'ils deviendront indomptables et farouches. Comment pourra-t-il les contenir, sans frein, sans lois, sans religion? Si l'île n'est pas éloignée de la terre, ils se mettront à la nage; ou si elle se trouve à une certaine distance, ils construiront une barque pour quitter un pays où ils se verraient délaissés, en proie à l'anarchie; pour aller se jeter dans pauvres, les bras de leurs mères, ou retourner dans l'état de société d'où ils avaient été arrachés.

Ceux qui observent le mécanisme de l'organisation sociale, agissant continuellement sur l'enfance, même parmi les peuplades sauvages, se convaincront de ces vérités qui détruisent le système du Monde des Emiles, sans parler de l'extrême difficulté de le mettre à exécution. Cependant, un ouvrage comme celui-ci appelle la méditation sur la condition misérable de l'enfance li ́vrée à elle-même, et ne fait que mieux ressortir les avantages de l'éducation, qu'on a singulièrement perfectionnée de nos jours par diverses méthodes. La vieille et cruelle routine tombe de jour en jour; l'étude est rendue aimable et douce. On se rapproche du dessein de Montaigne, qui peint en termes énergiques le changement qu'il faudrait faire dans l'instruction des enfans: << Combien, dit-il, leurs classes seraient plus décemment jonchées de fleurs et de feuillées, que de tronchons d'osier sanglans. J'y ferai pourtraire la joye, l'alegresse,`et Flora et les grâces. »

A. MÉTRAL.

155. (*) - L'Art d'enseigner à parler aux sourds-muets de naissance, par M. l'abbé de l'ÉPÉE, augmenté de Notes explicatives et d'un Avant-propos, par M. l'abbé Sicard; précédé de l'Eloge historique de M. l'abbé de l'Epée, par M. BÉBIAN, censeur des études de l'Institution royale des sourds-muets. Paris, 1820, 1 vol. in-8a

de 8 feuilles. Dentu, Palais-Royal, galerie de bois, n。 265, Prix,

2 fr. 50 c. 156.

- Introduction à l'étude philosophique du droit, précédée d'un Discours sur les causes de la stagnation de la science du droit en France, par A.-J. Lherbette, docteur en droit. Paris, 1819. Warée oncle, palais de Justice; mademoiselle Leloir, place du Panthéon; Delaunay, Palais-Royal. Prix, 4 fr. 50 c.

Avant d'exposer ses idées sur le fondement du droit, M. Lherbette a cru devoir se livrer à l'examen de l'état de cette science, qui, selon lui, est tombée dans une décadence complète, etc.

Nous conviendrons que, pendant le cours de la révolution française, le droit a pu être négligé, comme plusieurs autres sciences; mais, depuis le rétablissement des écoles, plusieurs chaires ont été occupées avec autant de distinction que de succès par d'anciens professeurs : de jeunes docteurs, élevés sous leurs auspices, marchent sur leurs traces, les atteignent déjà, et les surpasseront peut-être.

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Tandis que M. Toullier arrive à la troisième édition de son Cours de droit civil, M. Duranton a vu s'écouler, en moins de six mois, mille exemplaires de son Traité des obligations. Un recueil purement scientifique a paru sous le titre de Thémis ou Biblio thèque du jurisconsulte; à peine six livraisons de cet ouvrage périodique ont-elles été publiées, que le succès en paraît as-i suré.

M. Lherbette a déjà comparu devant cette même Thémis, tribu→ › nal estimé par l'impartialité de ses jugemens. Le compte rendu par M. Renouard de l'ouvrage de M. Lherbette (Thémis, 3o livraison) est rempli d'aperçus pleins de finesse, présentés dans un style riche de couleurs et de pensées; aux éloges les mieux méri-‹ tés, M. Renouard joint une critique sévère de certaines opinions. Il me semble cependant qu'il a confondu les deux significations que l'auteur donne au mot naturel; il lui a reproché dans les idées une inconséquence, dont il faut chercher la cause toute end tière dans l'usage impropre du même terme pour désigner des choses différentes,,,

La question est une des plus graves qu'on puisse agiter; elle est ainsi posée: Le droit est-il originairement naturel ou conventionnel?

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M. Renouard reproche à l'auteur d'avoir avancé que l'état de société était l'état NATUREL de l'homme; d'ajouter plus loin que l'état de société établit seul un droit : et ailleurs, que le droit est conventionnel et un pacte naturel. Or, dit-il, si le droit dérive d'un état naturel, il est donc naturel, il n'est donc pas conventionnel.

M. Lherbette pourrait répondre que le mot naturel, appliqué à l'état de société, a été pris par lui pour désigner uniquement un fait physique; que; sous ce point de vue, l'état de société est moins un état existant par le fait que par le droit; moins une association, qu'un aggrégat d'êtres de même espèce.

dl me semble que, par le secours de cette explication des mots employds, M. Lherbette échapperait du moins au reproche d'inconséquence, que lui adresse M. Renouard; et, s'il a prêté le flanc à la critique, ce n'est plus pour avoir associé deux idées contradictoires, mais pour s'être servi d'expressions qu'il n'avait pas préalablement définies.

Au reste, M. Lherbette traite dans son livre, avec autant de profondeur que de logique, les plus hautes questions de métaphysique et de morale; il résumé les systèmes anciens, critique les uns, approuve les autres, et finit par exposer le sien. Objet du droit, morale individuelle, morale de rapport, dévouemens, récompenses et peines, religion, M. Lherbette n'a rien omis de ce qui se rattache à son sujet : son style est généralement précis et même énergiquero

Nous ne pourrions) sans affaiblir les idées de l'auteur, donner l'analyse du nouveau système qu'il livre à la dispute des hommes. Nousurenvoyons nos lecteurs à l'ouvrage même; mais nous ne terminerons pas cet article; sans féliciter M. Lherbette de cet heureux début, qui doit lui assigner un rang honorable daus le monde scientifiquel pot obvotnos s li’› PETROSAN, Avocat. €9157b- Abrégé du Cours élémentaire du droit de la nature et des gens par demundès et par réponses, par M:COTELLE, professesir de ce cours pour la première section de la Faculté de Droit de Paris. Paris, 1820. Un vol. in-8o. Mademoiselle Gobelet et Janet roligs arq me up 297sig anky

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-158.0 *→→ Lettres à MyMalthus, sur différens sujets d'Economie politique, notamment sur les causes de la stagnation générale du'

commerce; par Jean-Baptiste SAX, membre de plusieurs Académies, auteur du Traité d'Economie politique. Paris, 1829. I vol. in-8° de 184 pag. Bossange, père et fils, rue de Tournon, no 6 bis; et à Londres, chez Martin Bossange et compagnie, 14 great Marlborough street.

M. Malthus, célèbre professeur d'économie politique au collége de la compagnie des Indes, auteur d'un Essai sur la population, qui a été traduit dans presque toutes les langues de l'Europe, vient de faire paraître à Londres, il y a peu de mois, un nouvel ouvrage intitulé: Principes d'Economie politique, considérés par rapport à leurs applications pratiques. Cet ouvrage, dont la traduction, par M. Ricardo, sera publiée très prochainement (1), a provoqué ces Lettres à M. Malthus, dans lesquelles M. Say combat des opinions opposées aux siennes. Il établit que y les produits ne s'achètent que par le moyen d'autres produits, et que les hommes ne sauraient produire par-delà leurs moyens de consommer; il fait voir ensuite pourquoi beaucoup de marchandises reviennent maintenant plus cher que le prix auquel on peut les vendre; puis, il examine quels avantages la société retire de l'emploi des machines, et en général des moyens expéditifs. Il termine par l'exposition de quelques principes sur la vraie nature des richesses. Une discussion de ce genre, entre deux hommes d'un mérite reconnu, est digne de fixer l'attention publique, et ne peut que tourner au profit de la science.

159. Difficultés qui peuvent encore s'élever relativement aux propriétés d'origine nationale, et projet d'une nouvelle loi, pour prévenir ces difficultés; par A.-J. LHERBETTE, docteur en droit. Paris, 1820. In-8°. Brochure de 72 pag. Baudouin frères.

L'auteur, jeune encore, est déjà un très habile jurisconsulte. Il s'est fait connaître par une Introduction à l'étude du droit, où, parmi des doctrines qu'on ne peut approuver toutes, if se trouve des observations exactes et qui annoncent une rare sagacité.

Dans ce nouvel écrit, s'il accumule savamment toutes les difficultés imaginables qui pourraient appuyer un système funeste de réaction, et servir à inquiéter en particulier chaque propriétaire de biens d'origine nationale, pour vices de forme, tout en pa

(1) Chez P. Aillaud, libraire, quaí Voltaire, no 41.

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