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considérées par lui comme les provinces d'un vaste et même empire; enfin, il avait constamment déployé, dans sa carrière législative et politique, depuis l'Assembléc constituante (en 1789) jusqu'à la Chambre des pairs (en 1820), le caractère noble et fermie d'un vrai citoyen, éclairé sur les intérêts de sa patrie, incapable de les trahir,

Les auteurs de la Revue Encyclopédique doivent un hommage particulier d'estime et de reconnaissance à la mémoire de cet homine respectable, qui honorait l'humanité: car, il a pris dès l'origine un vif intérêt à nos travaux ; il est venu de lui-même s'y associer, à une époque où notre entreprise naissante n'avait pas encore inspiré assez de confiance à quelques hommes d'une réputation européenne, pour qu'ils voulussent y concourir. Il a saisi, comme par inspiration, le but philosophique d'un recueil destiné à présenter peu à peu des Annales de la civilisation comparée, et à rendre ainsi à la science sociale, prise dans sa plus haute acception, des services analogues à ceux qu'un de nos savans les plus distingués a rendus aux sciences naturelles, par ses importans travaux sur l'Anatomie comparée. Ainsi, l'esprit philosophique et l'ame élevée de M. de Volney, lui avaient fait éprouver le besoin d'appliquer toutes ses recherches à des objets qui pussent, en favorisant les communications entre les hommes et entre les peuples, servir à les rapprocher, à établir entre eux des moyens de comparaison et d'émulation, à les améliorer les uns par les autres. L'homme isolé ne peut rien; il est écrasé par le sentiment de sa faiblesse : les hommes bien combinés centuplent leur puissance ou leurs moyens d'action sur la nature. Les prodiges opérés par l'enseignement

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mutuel, nous révèlent, dans les rapides succès de l'enfance, les prodiges d'un autre genre que pourrait enfanter, au profit de la civilisation, l'instruction mutuelle des sociétés humaines, rapprochées et comparées de manière à ce qu'elles pussent, par des relations intimes et rapportées à un but d'utilité, exercer les unes sur les autres une influence plus active et plus générale.

Nous ne pouvons mieux faire connaître et apprécier M. de Volney, qu'en reproduisant ici en entier le discours consacré, dans la Chambre des pairs, à exprimer les regrets que sa perte a fait naître : le noble pair qui a prononcé ce discours, a bien voulu nous le commu→ niquer et nous autoriser à l'insérer dans ce recueil.

M. A. JULLIEN, de Paris.

DISCOURS prononcé à la Chambre des Pairs, dans la séance du 14 juin 1820, par M. le Comte DARu, à l'occasion de la mort de M. le Comte DE VOLNEY (1).

Je viens rendre un hommage à la mémoire d'un collègue dont nous avons à regretter la perte, et qui ne s'est pas moins honoré dans la carrière des lettres que par sa vie politique.

M. Constantin-François Chassebeuf DE VOLNEY était né en 1757 à Craon, dans cette condition mitoyenne, la plus heureuse de toutes, puisqu'elle n'est déshé

(1) M. de Volney, en instituant M. le comte Daru son exécuteur testamentaire, lui avait légué sa riche bibliothèque, en signe d'une amitié dont la mort seule pouvait rompre les nœuds. Le digue légataire a prié, dit-on, madame la comtesse de Volney de permettre qu'il se bornât à accepter un seul ouvrage, où se trouveraient quelques notes de la main de son illustre ami; mais, au lieu d'un, la respectable veuve a voulu qu'il en agréât une vingtaine, et des plus beaux. (N. D. R.)

ritée que des faveurs trop périlleuses de la fortune, que les avantages sociaux et intellectuels y sont accessibles à une ambition raisonnable.

et

Dès sa première jeunesse, il se voua à la recherche de la vérité, sans se laisser effrayer par les études sérieuses, qui seules peuvent initier à son culte. A peine âgé de vingt ans, mais déjà muni de la connaissance des langues anciennes, des sciences naturelles et de l'histoire, déjà accueilli parmi les hommes qui tenaient alors un rang distingué dans les lettres, il soumit au jugement d'une illustre Académie la solution de l'un des problèmes les plus difficiles que nous ait laissés à résoudre l'histoire de l'antiquité. Cet essai ne fut point encouragé par les savans qui en étaient les juges : l'auteur n'appela de ce jugement qu'à son courage et à ses efforts.

Bientôt après, une succession lui étant échue, l'embarras fut de la dépenser (ce sont ses propres expressions). Il résolut de l'employer à acquérir, dans un grand voyage, un fonds de connaissances nouvelles, et se décida à parcourir l'Égypte et la Syrie. Mais, pour visiter ces contrées avec fruit, il fallait en connaître la langue. Cette difficulté ne rebuta point le jeune voyageur; au lieu d'apprendre l'arabe en Europe, il alla s'enfermer dans un couvent de Cophtes, jusqu'à ce qu'il fût en état de parler cet idiome commun à tant de peuples de l'Orient. Cette résolution prouvait déjà une de ces ames fortes qu'on peut s'attendre à trouver inébranlables dans les épreuves de la vie.

Quoique le voyageur eût eu à nous entretenir, comme un autre, de ses peines et de quelques périls surmontés par son courage, il sut se mettre au-dessus de la faiblesse qui, le plus souvent, porte ses pareils à nous

entretenir de leurs aventures personnelles autant que de leurs observations. Dans son récit, il s'éloigne des sentiers battus; il ne vous dit point par où il a passé, ce qui lui est arrivé, quelles impressious il a éprouvées. Il évite avec soin de se mettre en scène; c'est un ha→ bitant des lieux, qui les a long-tems et bien obser vés, qui vous en décrit l'état physique, politique et moral. L'illusion serait complète, si l'on pouvait sup poser dans un vieil Arabe toutes les connaissances, toute la philosophie des Européens, qui se trouvent réunies à la maturité dans un voyageur de vingt-cinq

áns.

Mais, quoiqu'il possède tous les artifices par lesquels on répand de l'intérêt dans le discours, vous ne reconnaissez point le jeune homme à la pompe de ses descriptions ambitieuses; quoiqu'il soit doué d'une imagination vive et brillante, vous ne le surprenez jamais expliquant par des systèmes hasardés les phénomènes physiques ou moraux qu'il vous décrit. C'est un sagė qui observe avec les yeux d'un savant. A ce double titré, il ne juge qu'avec circonspection, et sait avouer quelquefois qu'il ignore les causes des effets qu'il vient d'exposer.

Aussi son récit a-t-il tous les caractères qui persuadent, l'exactitude et la bonne foi ; et lorsque, dix ans après, une grande entreprise militaire portà quarante mille voyageurs sur cette terre antiqué, qu'il avait parcourue sans compagnon, sans armes, sans appui, tous reconnurent un guide sûr, un observateur éclairé dans l'écrivain qui ne semblait les avoir devancés que pour leur aplanir ou leur signaler une partie des difficultés de la route. Ce fut un témoignage unanime qui s'éleva de toutes parts, pour attester l'exactitude de

ses récits, la justesse de ses observations; et le Voyage d'Égypte et de Syrie fut recommandé par tous les suffrages à la reconnaissance et à la confiance publiquè.

Avant d'être soumis à cette épreuve, cet ouvrage, avait obtenu dans le monde savant un succès si rapide et si général, qu'il était parvenu jusqu'en Russie. L'impératrice qui régnait alors sur cet empire (c'était en 1787) envoya à l'auteur une médaille, qu'il reçut avec respect, comme une marque d'estime pour ses talens, et avec reconnaissance, comme un témoignage d'approbation donné à ses principes. Mais, lorsque l'impératrice se déclara l'ennemie de la France, M. de Volney renvoya cet honorable présent, en disant: Sije l'obtins de son estime, je le lui rends pour la conserver.

Cette révolution de 1789, qui venait d'attirer sur la France les menaces de Catherine, avait appelé M. de Volney sur la scène politique. Député à l'assemblée des états-généraux, les premières paroles qu'il y prononça furent pour la publicité des délibérations. Il provoqua l'organisation des gardes nationales et celle des communes et des départemens. A l'époque où l'on s'occupait de la vente des biens du domaine (en 1799), il publia un petit écrit, où il pose ces principes : « Lá puissance d'un Etat est en raison de sa population; la population est en raison de l'abondance; l'abondance est en raison de l'activité de la culture, et celle-ci en raison de l'intérêt personnel et direct, c'est-à-dire, de l'esprit de propriété. D'où il suit que, plus le cultivateur se rapproche de l'état passif de mercenaire, moins il a d'industrie et d'activité; au contraire, plus il est près de la condition de propriétaire libre et plénier, plus il développe ses forces et les produits de sa terre, et la richesse générale de l'État.

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