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VI

NOTICE HISTORIQUE ET CRITIQUE

Poussin fit en 1643 le Ravissement de saint Paul, qui lui avait été demandé par M. de Chantelou, pour servir de pendant à une copie du Rêve d'Ézéchiel, peint par Raphaël. Ce tableau ne fut payé que trois cents écus au peintre. Un si grand désintéressement ne pouvait attirer la fortune, aussi vivait-il seul avec sa femme sans avoir personne à son service. Un soir, le cardinal Massimi étant venu lui rendre visite, Poussin le reconduisit une lumière à la main. Frappé de cette extrême simplicité, l'éminence ne put s'empêcher de dire : « Combien je vous plains de n'avoir pas seulement un valet ! - Et moi, monseigneur, reprit le peintre, combien je vous plains d'en avoir tant! »

Quoique Poussin ressentît quelques infirmités, il continuait à travailler, et son talent semblait s'accroître; souvent on lui demandait des copies de ses tableaux, mais il préférait faire de nouvelles compositions. C'est ainsi qu'il fit pour M. de Chantelou sa seconde suite des Sept Sacremens, gravée par Pesne et aussi par Benoît Audran. Il fit aussi un second Moïse exposé sur les eaux, pour M. Pointel; un second Frappement du rocher, pour Stella, et un second Ravissement de saint Paul, qui est plus grand que le premier, et qui se trouve au Musée de Paris. Vers le même temps, Poussin peignit le fameux tableau des Bergers d'Arcadie', Éliézer et Rebecca, la Femme adultère, la Mort de Saphire, plusieurs Saintes Familles, et ces grands paysages d'un si bel effet, qu'en les voyant on peut dire avec raison que si Annibal Carrache a créé le genre du paysage historique, Poussin l'a perfectionné. Le but que cherchait constamment ce peintre dans ses tableaux était de parler à l'ame; il se proposait d'émouvoir sans chercher à plaire : aussi dans ses compositions tout est grand, tout est noble, tout est simple. On voit de belles masses d'architecture et point d'ornemens de détail, de superbes paysages et non des jardins de plaisance, des draperies bien jetées et non de frivoles parures. Faut-il

dire qu'on lui a reproché dans cette partie d'avoir trop imité l'antique, dont on a prétendu reconnaître quelques statues dans ses tableaux. S'il a fait de tels emprunts, il se les est appropriés par une manière que personne n'a encore imitée.'

Si nous voulons considérer Poussin dans sa vie privée, nous le verrons heureux dans la famille de sa femme, vivant dans une maison sur le mont Pincio, se levant chaque jour de grand matin, se promenant auprès de sa maison, rentrant chez lui pour peindre pendant quelque temps, travaillant encore deux heures après son dîner; puis allant vers le soir faire des promenades où des artistes, des étrangers, des personnages de tout rang, venaient avec plaisir pour l'entendre parler sur son art, sur la philosophie, sur l'histoire; s'expliquant avec méthode, avec clarté, avec modestie, et répondant à celui qui lui demandait quel fruit le plus doux il avait recueilli de son expérience: Celui de savoir vivre avec tout le monde.

Dès l'année 1660, Poussin avait commencé, pour le duc de Richelieu, les tableaux des Saisons, représentant des scènes de l'Écriture sainte; en 1664, il finit le Déluge, qui fut son dernier tableau, et n'en est pas moins un chef-d'œuvre de pensée. La vieillesse de l'auteur s'y fait cependant sentir sous le rapport de l'exécution; car alors sa constitution s'affaiblissait, ses forces diminuaient. Le chagrin que lui causa la mort de sa femme vint augmenter ses infirmités; il ne pensa plus qu'au départ de ce monde, et il mourut en philosophe chrétien le 19 novembre 1665.

Ses funérailles furent faites sans pompe, ainsi qu'il l'avait ordonné; mais un grand concours de monde assista au service, qui eut lieu à Saint-Laurent in Lucina. L'épitaphe que fit Bellori se termine d'une manière remarquable par ces mots : In tabulis vivit et eloquitur, il vit et il parle dans ses tableaux.

Long-temps après sa mort, le gouvernement voulut rendre hommage au plus habile peintre français, et sa statue fut une

VIII

NOTICE HIST. ET CRIT. SUR N. POUSSIN.

des premières que fit faire le roi Louis XVI; c'est le statuaire Julien qui fut chargé de ce travail, et il s'en acquitta avec succès. M. Seroux d'Agincourt, amateur français, qui, pendant une longue résidence en Italie, n'a cessé de s'occuper des beaux-arts, a fait placer le buste de notre célèbre peintre dans le Panthéon à Rome. Il y a plus de vingt-cinq ans qu'une souscription fut ouverte à Paris pour élever un monument à la mémoire de Poussin dans le lieu même de sa naissance : quelques souscripteurs s'inscrivirent, mais le nombre n'en fut pas assez grand, et on ne put donner aucune suite à ce projet. Enfin, l'année dernière, l'ambassadeur de France, M. le vicomte de Chateaubriand, animé par de nobles sentimens pour tout ce qui est grand, a voulu qu'un monument durable fût élevé à la mémoire de Poussin dans la ville témoin de ses travaux et de sa mort; il a fait faire un buste de ce grand peintre avec un marbre tiré d'un monument antique.

Un monument d'un autre genre, et qui fait également honneur à Poussin, est un recueil de lettres publiées en 1824. Je me plais à penser que j'ai contribué à cette publication, longtemps projetée par M. Dufourny, puisque les originaux ayant été perdus veis 1790, il n'existait plus de ces lettres que des copies faites en 1760 par mon aïeul Antoine Duchesne, et qui se trouvaient alors en ma possession.

Nous n'avons pu dans cette notice parler de tous les tableaux du Poussin, qui passent le nombre de cent vingt; ils ont été gravés principalement par Jean Pesne son compatriote, Jean Dughet son beau-frère, Claudine Stella, Étienne Baudet, Rousselet, Chasteau, Gérard et Benoît Audran, ainsi que par Bartolozzi, Strange, Morghen, Folo, Blot, Laurent et M. Desnoyers. Les gravures publiées d'après Poussin passent le nombre de 900; elles se trouvent fréquemment à des orix modérés, et sont répandues dans les ateliers de tous les artistes.

HISTORICAL AND CRITICAL

NOTICE

OF NICHOLAS POUSSIN,

Such is the happy fortune of France, that she has no reason to envy other countries, in any species of glory that can be named. If Italy boasts her Raffaelle; Germany, her Albert Durer; and Flanders, her Rubens: France may well be proud of having given birth to Poussin, styled, the favourite painter of philosophers and men of genius, and whom the Italians designate as the French Raffaelle.

Nicholas Poussin was born in the Andelys, in the month of June 1594: his father, a native of Soissons, lost, in consequence of the civil wars, the slender fortune that he had acquired. Poussin, during his scholastic studies, showed a taste for drawing; and his progress was very rapid, as soon as he was allowed to devote himself wholly to it. Quentin Varin, a painter from Amiens, was the first who cultivated the germ of that talent, which afterwards acquired in his pupil, so extraordinary a growth. It was this master who taught him to paint in watercolours. An extraordinary proof, of the facility with which Poussin worked, in that branch of the arts, will be given, in the course of this notice.

At eighteen years of age, Poussin left his father's home and went to Paris, with the intention of wholly giving himself up to the study of the fine arts. He at first received some lessons from Ferdinand Elle, a flemish painter, who had made himself known by his portraits; and afterwards, he received other lesons from Lallemant, an artist of little talent, but who however

II

HISTORICAL AND CRITICAL NOTICE

produced some compositions. Poussin soon felt that he could not long remain with such masters: consequently, as soon as he had learnt the mechanical part of the art, he left them, to study Raffaelle and Giulio Romano, engravings of whose works began, at that time, to be known in France, and rather extensive collections of which, he found at one of the king's mathematicians, who lived in the Louvre.

A young nobleman of Poitou, desirous of embellishing his chateau, engaged Poussin for that purpose; but the journey was made to little purpose, as the young man's mother wished to charge our artist with the execution of works foreign to his art, and by no means suitable to him. Before his return to Paris, our young painter stopped at Blois, where, to meet his expenses, he painted two pictures, for the church of the capuchins. At the chateau of Chiverni, he painted several bacchanalian subjects; but his health obliged him to go and spend a year with his family. He afterwards returned to the capital, and twice attempted a journey in Italy, but was compelled to stop, once, at Florence, and another time, at Lyons.

While living in Paris, he was employed with Ph. de Champaigne in painting various decorations, in the apartments of the Luxembourg; under the super-intendance of Duchesne, an artist little known; but who, however, bore the title of painter to Marie de Médicis. In 1623, during the canonization of St. Ignatius and St. Francis-Xavier, Poussin was commissioned to draw six pictures in distemper : one week was sufficient to complete a work, which did him an infinite credit, and procured him the friendship of the Cavaliere Marini. In the following year, Poussin was enabled to perform his journey to Rome, and he arrived there, at the moment, when Marini, whom he had known at Paris, was setting out for Naples, where he died shortly after. The Cardinal Barberini, pope Urbain the eighth's nephew, to whom he had been recommended, was also leaving Rome, and Poussin remained in that great city, without friends

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