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que tout sentiment critique disparaît devant le plaiser de comprendre. On ne souhaite pas même changer leurs manies, leurs tics, leurs défauts de langage. On ne voit dans leurs faiblesses que la rançon nécessaire de leurs vertus.

Ces Anglais, par exemple, je viens de les discuter parce que le jeu dialectique m'y forçait, mais la vérité est que je les aime bien et que je les ai acceptés depuis longtemps. Entre eux et les Français la grande différence c'est que l'armature de la personne est différente, cela pour des raisons historiques. L'Angleterre a été un peuple heureux. Avec l'aide de Dieu et de la Marine, elle n'a jamais été envahie. La petite révolution qui détrôna les Stuarts est un incident négligeable si on la compare à la nôtre. Son système féodal ouvert lui a évité pendant longtemps la haine de classes. Ainsi s'est formé en elle au cours des siècles un optimisme invincible tandis que se construisait en France une austérité réaliste.

Sollicité par les directions diverses de son histoire, le jeune Français doit réfléchir et choisir. Il a besoin de s'affirmer; dans la vanité qu'on lui reproche il y a bien de la modestie. Ses idées sont des forces actives et dangereuses qu'il doit manier avec prudence. Pour l'Anglais la construction intellectuelle demeure un jeu. Comme une vapeur superficielle, elle flotte au-dessus d'une vie végétative profonde qui est homogène dans la nation audelà des individus. L'Anglais n'a pas besoin de dire: Nous sommes forts.' Cela se voit, et il le sait. Il vit bien au-dessous des régions du langage. La raison compte si peu pour lui qu'il prend un plaiser vif, et qui nous paraît coupable, à jongler avec elle et à l'humilier. Le 'nonsense' qui l'amuse nous ennuie, nous choque. Nos enfants s'écartent d'Alice avec inquiétude et mépris.

C'est ce qui explique que les autres peuples voient parfois de l'hypocrisie dans l'idéalisme anglo-saxon. L'idéalisme anglosaxon n'est pas hypocrite; il est sincère. Il l'est d'autant plus qu'il est en l'air, c'est une chanson. Leur réel, c'est une vie instinctive et forte, profondément cachée, jalousement défendue. Ce qui en donnerait le mieux l'idée, ce serait une image musicale. Pensez au prélude de' L'Or du Rhin': une basse sourde, monotone et comme ondulatoire, richement nourrie par tout l'orchestre, sur laquelle l'esprit se sent flotter avec une reposante et douce sécurité; une basse qui donne le sentiment de l'éternel, de cet invincible écoulement du temps, à la fois mélancolique et rassurant. Làdessus l'intelligence, instrument grêle, isolé, brode des motifs légers, rapides, rarement repris par l'orchestre, et toujours la basse sourde roule son fleuve de sons. Nous ne comprendrons jamais les Anglais tant que nous ne saurons pas que l'essentiel se passe dans cette basse monotone, que les jeux, d'ailleurs charmants et

ingénieux, de leur pensée, ne sont pour eux que des jeux. Une doctrine ne commence à devenir motif d'action que lorsqu'elle a lentement pénétré toute la masse des eaux comme une goutte de certains colorants puissants, diluée jusqu'à l'infini, peut colorer une rivière.

Un autre trait important à saisir, c'est que l'Anglais a toujours besoin de réaliser le Paradis Terrestre. Peut-être parce que ses passions sont violentes, il désire que l'âme humaine apparaisse comme épurée. C'est là le sens profond du sport. Le sport est une lutte, mais dégagée de toute méchanceté. Il joue dans la vie d'un peuple exactement le même rôle que l'art. Il apporte des possibilités d'évasion. Esthète et athlète, c'est le même homme. L'esthète crée un univers irréel où se composent suivant des lois harmonieuses des vases chinois, des cretonnes, des fleurs. L'athlète crée un univers irréel où se composent avec même harmonie des directs du droit, des crochets du gauche, des passes de rugby, des sets de tennis.

C'est le peuple le plus sentimental du monde. Ce sentimentalisme s'étend à la politique, où les partis aiment à penser qu'ils se traitent mutuellement suivant les règles du sport. Même dans les relations internationales, en théorie, l'Anglais désirerait sincèrement croire que tout est réglé par des soucis moraux. Il sait au fond que cela n'est pas, mais il ne désire pas le savoir, et une conspiration nationale entretient cette consolante et agréable fiction.

Quand le réel s'impose avec trop de vigueur, le mécanisme auquel l'esprit anglais recourt pour exprimer la vérité sans souffrir, c'est de la transporter sur un plan éloigné du possible où elle cesse d'être offensante parce qu'elle devient invraisemblable. C'est l'humour. Le mécanisme fonctionne automatiquement pour détruire tout réel gênant. Pendant la guerre l'enfer où vivaient les combattants ne pouvait être peint comme paradisiaque, mais ils le dissociaient, ils l'annulaient en en parlant avec une plaisante légèreté. Bairnsfather et son 'better hole,' Heath Robinson et sa machine à nettoyer les genoux des Highlanders, Bateman et ses incroyables généraux, n'auraient pas été tolérés en France au même moment. Aux Anglais ils rendaient le service d'écarter d'eux l'horreur véritable.

Une autre raison pour leur goût du paradoxe et de l'humour c'est qu'ils sont le peuple le plus conformiste du monde (cela s'applique aussi aux non-conformistes qui sont des conformistes à rebours). Ils sont timides; ils ont peur de choquer. Or seul le ton plaisant ne choque jamais.

En outre l'humour leur sert de défense pour interdire l'accès de ces régions profondes où se passe leur vie véritable et qu'ils souhaitent tenir secrètes. Si l'on classe les races diverses par ordre de pudeur croissante, l'échelle commencera par le Russe et

se terminera par l'Anglais. Le Russe confesse sa vie intime à l'homme qui vient s'asseoir à côté de lui sur un banc de gare et prend plaisir à s'humilier. L'Allemand se confesse encore, mais tire aussitôt de sa confession une métaphysique dont il est glorieux, d'autant plus que l'homme du banc ne la comprend pas. Le Français ne raconte rien, mais vit sur la place publique en feignant le cynisme parce qu'il craint le ridicule. L'Anglais cache sa vie intime, qui est semblable à celle des trois autres, fait de la morale au Français, à l'Allemand et au Russe, et écrit un roman freudien pour libérer ses refoulements.

Mais parce que les peuples sont différents est-il nécessaire d'établir entre eux des classements? Chacun n'est-il pas parfaitement ce qu'il est ? Peut-on concevoir un Français possédant les vertus anglaises, un Anglais muni des vertus françaises? Je crois que l'important est plutôt de chercher à les comprendre, l'un et l'autre, et que c'est aussi le plus agréable. Il y a des jours où j'aime les Anglais; il y a des jours (plus rares) où je n'aime pas les Anglais. Mais les Anglais sont toujours les Anglais, et ce n'est pas moi qui les changerai.

ANDRÉ MAUROIS.

1925

THE NEW OUTLOOK IN COSMOGONY

ASTRONOMY has always stood aloof from the other sciences; her field of research is apart, her methods are entirely her own, and, most significant of all, her results have different values from those of other sciences. While these reward mankind by utilitarian gifts, new methods for the production of wealth, the increase of pleasure or the avoidance of pain, astronomy has so far given us only food for intellectual contemplation. This is pre-eminently true of cosmogony, the branch of astronomy which is concerned with the problem of how the astronomical bodies come to be where they are and as they are.

From the practical standpoint, the outstanding difference between astronomy and the other sciences is the difference of scale. Most sciences progress by pursuing Nature into the realms of the infinitely small, but for astronomy and cosmogony progress lies in the direction of the infinitely great, or, to be more exact, of the unthinkably great. For we now know with fair certainty that there is no infinitely great. A number of considerations combine to show that the universe is finite, and it is just because we know this, and are beginning to discover the actual limits to the size of the universe, and to its duration in time, that the present position in astronomy and cosmogony is of quite unusual interest. These sciences stand to-day somewhat in the position in which geography found itself when the world had been circumnavigated and the limits of what remained unexplored first begun to be known.

It was not until 1838 that the distance of a star was measured, and the scale of structure of the universe revealed. In that year three astronomers, Bessel, Henderson and Struve, independently measured the distances of three different stars. In each case the method employed was the 'parallactic' method : the motion of the earth in its orbit causes the near stars to appear to move against the background formed by the remote stars, and from observations of the amount of this apparent motion the distances of the near stars can be deduced. But it has long been clear that the majority of stars are much too far away for their distance to be measured in this manner, and in no event could

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the method tell us the distances of the most remote stars in the universe, for it cannot succeed unless the star under observation is seen against a background of even more distant stars. It is only quite recently that other methods have provided a measure for sounding the furthest depths of the universe.

The most fruitful of these methods depends on the special properties of a certain class of stars called 'Cepheid variables,' after their prototype, the star & Cephei. These stars do not shine with a steady light; at intervals which are always perfectly regular, but may range for different stars from a few hours to several days, they flash out to two or three times their original brightness. Just as the mariner recognises a lighthouse from amongst a crowd of other lights by the regular succession of its flashes and the nature of these flashes when they come, so the astronomer recognises a Cepheid variable by the regularity, period, and nature of its light variations. In 1912 Miss Leavitt, of Harvard Observatory, discovered a simple relation between the periods and the luminosities of the Cepheids which occur in the Smaller Magellanic Cloud; the slower the light variation of the Cepheid the more luminous it is broadly speaking, its luminosity varies inversely as a definite power of its period. More recently Dr. Shapley, the present Director of Harvard Observatory, has shown that this relation, now generally known as the 'period-luminosity law,' is true of Cepheid variables in general. Whenever the astronomer detects a Cepheid variable and can measure the length of its period, he can deduce the amount of light it emits. By comparing this with its apparent brightness, as observed through a terrestrial telescope, it is easy to determine its distance from us. The method is simply that of a mariner who estimates his distance from land by identifying a lighthouse, looking up its candle-power in a book of reference, and noticing its apparent brightness at the spot where he happens to be. The analogy to the parallactic method would of course be if the mariner, knowing the speed of his ship, should try to estimate his distance from land by noticing the rate at which a church spire or chimney on the coast appeared to move against a background of distant hills. This method does not demand the existence of a lighthouse of known candle-power, but would obviously be useless for a mariner far out at sea, and, as we have already noticed, it could in no case give the distance of the most remote objects visible.

The discovery of the 'period-luminosity' law opened up a new world as regards exact survey of astronomical distances. It was first used by Dr. Shapley himself to determine the distances of the remarkable objects known as 'globular star-clusters.' These, as their name implies, are closely-packed groups of stars of approximately globular shape; seen through a powerful telescope,

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