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affaires intérieures de l'État garanti, est dangereuse pour cet État (1); elle peut cependant être nécessaire dans une situation politique et sociale donnée.

La constitution polonaise de 1773 avait trois bons garants, l'Autriche, la Prusse et la Russie, lesquels se sont partagé la Pologne. La constitution de l'empire romain d'Allemagne, telle qu'elle résultait du traité de Westphalie, était garantie par la France et la Suède. La France, la Sardaigne et Berne ont garanti la constitution génevoise de 1738 et l'édit de 1782; leur intervention produisit l'effet le plus pénible. L'Autriche a fait garantir sa pragmatique sanction.

L'Angleterre s'est fait garantir que la succession à son trône n'échoira jamais à un catholique, par la France, l'Espagne, l'Autriche, dans les traités conclus avec ces États à Utrecht (1713), et par les PaysBas dans le traité de la barrière, de la mème année; des traités subséquents ont répété et confirmé cette garantie.

Les exemples de garantie réciproque sont nombreux. L'exécution du traité d'Aix-la-Chapelle, de 1748, fut garantie par toutes les puissances contractantes et intéressées, réciproquement. La France et la Russie se sont garanti réciproquement le traité de Tilsit (1807). L'Autriche et la Russie le traité de Münchengrætz (1833).

La garantie de la dynastie et celle de l'indépendance se combinent parfois avec celle de la constitution. Par traité du 7 mai 1832, la France, la Grande-Bretagne et la Russie ont garanti l'indépendance de la Grèce comme État monarchique, sous la souveraineté du prince Othon de Bavière. De même, sous le roi Georges, par la convention de Londres du 13 juillet 1863. Art. 3 : « La Grèce, sous la souveraineté du prince Guillaume de Danemark et la garantie des trois cours, formera un État monarchique, indépendant, constitutionnel. Art. 11... Il est bien entendu que les trois puissances surveilleront ensemble l'exécution de l'engagement pris par le gouvernement grec au mois de juin 1860 sur les représentations des trois cours ».

Il ne faut pas confondre avec la garantie de la constitution d'un État indépendant, par un ou plusieurs autres États, la garantie des constitutions de membres d'une confédération ou d'un État fédératif par la confédération ou par l'État fédératif. Art. 60 de l'acte de la Confédération germanique du 20 juin 1815. Art. 5 de la constitution fédérale suisse (1874) : « La Confédération garantit aux cantons leur territoire, leur souveraineté dans les limites fixées par l'art. 3, leur constitution, la liberté et les droits du peuple, les droits constitutionnels des citoyens, ainsi que les droits et les attributions que le peuple a confiées aux autorités. » En effet, la Confédération n'est pas un État étranger

(1) Comparez ci-dessus, § 31, 86, II.

à l'égard des cantons. Aussi cette garantie ne s'exerce-t-elle pas par une intervention, mais par une exécution.

L'acte de garantie oblige l'État garant à prêter son assistance à l'État vis-à-vis duquel il assume la garantie, en cas de violation du droit garanti. Cette assistance se produira d'abord par une intervention diplomatique, puis par des actes qui pourront aboutir à la guerre; d'où résulte que les États à neutralité permanente doivent s'abstenir de se porter garants (1). La garantie peut être limitée, l'aide due par le garant précisée, la procédure à suivre en cas de violation prévue plus ou moins minutieusement.

Les conditions dans lesquelles la garantie doit s'exercer, dépendent de la volonté des parties, de « id quod actum est »; volonté manifestée surtout, mais non pas exclusivement, par les termes mèmes du traité, l'esprit devant toujours l'emporter sur la lettre. Tel est le cas, en particulier, de la question de savoir si le garant doit attendre, pour agir, l'appel de l'État garanti, ou s'il peut agir spontanément. Il le pourra toutes les fois que la garantie est donnée aussi dans son propre intérêt. Quand, au contraire, la garantie offre un caractère purement accessoire, étant donnée dans l'intérêt exclusif de l'État garanti, l'État garant n'agira, sauf intention contraire, que sur réquisition de cet État, lequel peut renoncer à invoquer la garantie. Et si, par exception, la garantie était donnée uniquement dans l'intérêt du garant, celui-ci pourrait certainement renoncer à l'exercer.

Traité de Londres du 11 mai 1867, concernant la neutralisation du Luxembourg. La Belgique, qui était l'une des puissances contractantes, n'a pas participé à la garantie. Art. 2: ci-dessus, § 49, 141, I.

La garantie ne se présume pas. On ne la déduira donc ni d'une médiation, ni d'une accession, ni de l'engagement de respecter le territoire, l'indépendance ou la neutralité d'un État. Une alliance peut amener un résultat analogue à celui de la garantie, sans cepen

(1) Ci-dessus, § 7, 25; § 49, 141, I. Ci-dessous, § 68, 213, IV.

dant contenir une garantie; mais le traité de garantie contient, par le fait, une alliance éventuelle (1).

En vertu du même principe, les obligations du garant seront interprétées d'une manière plutôt restrictive. On ne lui imposera pas, dans le doute, les devoirs et la responsabilité d'une caution. La garantie de l'intégrité territoriale ne s'étend pas aux possessions postérieurement acquises. La garantie assurée envers et contre tous ne concerne pas l'insurrection, mais seulement l'ennemi du dehors. La garantie d'un traité n'implique pas celle d'un traité antérieur qui s'y trouve confirmé; elle n'a pas d'effet rétroactif (2). Mais lorsque le traité garanti, ayant été annulé par la guerre, est rétabli, la garantie renaît de plein droit (3).

M. Geffcken (4) traite en détail et avec des exemples nombreux, d'une façon très instructive, des formes de la garantie. Il ne voit pas une garantie proprement dite de l'intégrité du territoire suédois dans le traité du 21 novembre 1855, par lequel la France et la Grande-Bretagne promirent à la Suède un secours militaire suffisant dans le but de résister aux prétentions ou aux agressions de la Russie; ni dans le traité anglo-turc du 4 juin 1878. Le prince Gortchakow fit remarquer, à la conférence de Vienne, dans la séance du 19 avril 1855, que la teneur, à laquelle il consentait : « les puissances contractantes....... s'engagent mutuellement à respecter l'indépendance et l'intégrité du territoire ottoman comme formant une condition essentielle de l'équilibre général », ne contenait pas une garantie territoriale.

L'article 10 de l'acte de Berlin (1885) ne contient pas garantie de la neutralité du Congo. L'article 12 de la paix de Teschen (1779) porte que <«<les traités de Westphalie et tous les traités conclus depuis entre Leurs Majestés Impériale et Prussienne sont expressément renouvelés et confirmés par le présent traité de paix »; la Russie, garante du traité de Teschen, se prétendait à tort garante des traités de Westphalie. La paix d'Hubertsbourg (1763) rétablit le traité de Dresde de 1745, qui avait été garanti par l'empire; bien que la paix d'Hubertsbourg ne fût pas garantie par l'empire, la garantie impériale se trouva renaître.

L'Angleterre avait garanti, en 1720, à la couronne danoise le duché de Sleswig «< envers et contre tous » : elle n'a pas jugé devoir intervenir lors du soulèvement de 1848. Les puissances garantes de l'indépen

(1) Alliances, ci-dessous, § 53, 155, II; § 61, 178.

(2) Confirmation des traités, § 56,

162, I.

(3) Rétablissement, même no, II. (4) Geffcken, § 29.

dance de la Grèce, État monarchique sous la souveraineté du prince Othon de Bavière», n'ont pas protégé ce dernier contre ses sujets en 1862. La garantie donnée à l'intégrité et à l'indépendance de la Turquie n'a pas été considérée en 1876 comme mise en jeu par la guerre de Serbie, État vassal insurgé contre son suzerain.

Dans l'appréciation des questions de fait qui se présentent fréquemment à propos de la garantie, il convient de n'oublier jamais. qu'à l'impossible nul n'est tenu, et que, pour l'État garant, le devoir de sa propre conservation prime tout autre devoir. Non seulement on ne saurait exiger d'un État qu'il se sacrifie pour un autre, mais l'héroïsme du dévouement, louable, parfois peut-être sublime, chez un particulier, n'est point permis au chef d'un État au détriment de la nation dont les destinées lui sont confiées.

Toutefois il ne faut pas perdre de vue, non plus, que la fidélité aux engagements constitue un élément de force morale qu'un gouvernement soucieux de la dignité et du bon renom de son pays ne sacrifiera pas facilement aux calculs mesquins d'une politique. d'égoïsme et de lâcheté.

Beau passage de Vattel, qu'il ne faut pas prendre trop à la lettre : « Quand un État voisin est injustement attaqué par un ennemi puissant, qui menace de l'opprimer, si vous pouvez le défendre sans vous exposer un grand danger, il n'est pas douteux que vous ne deviez le faire. N'objectez pas qu'il n'est pas permis à un souverain d'exposer la vie de ses soldats pour le salut d'un étranger avec qui il n'aura contracté aucune alliance défensive. Il peut lui-même se trouver dans le cas d'avoir besoin de secours; et par conséquent, mettre en vigueur cet esprit d'assistance mutuelle, c'est travailler au salut de sa propre nation » (1). On a souvent cité un mot du grand Frédéric, qui vivait au milieu d'une foule de garanties: « Toutes les garanties de mon temps sont comme l'ouvrage de filigrane, plus propre à satisfaire les yeux qu'à être de quelque utilité » (2). Et M. Gladstone a prèté à lord Palmerston une doctrine qu'il résumait en ces termes : « It was a familiar phrase of lord Palmerston, that while a guarantee gave a right of interference, it did not constitute itself an obligation to interfere (3) ».

La garantie cesse, et le garant est délié de son obligation, lorsque l'État garanti contrevient aux devoirs qui lui incombent à raison de

(1) Vattel, II, § 4.

(2) Frédéric, Histoire de mon

temps, t. I, ch. 9.

(3) Geffcken, § 30.

la garantie ou de son objet. Par exemple, si l'État neutre sort de sa neutralité, les garants de cette neutralité ne sont évidemment plus tenus de la protéger, ni de la respecter.

Durant la guerre franco-allemande, le Luxembourg a laissé violer sa neutralité de diverses façons; par circulaire du 3 décembre 1870, M. de Bismarck a notifié aux signataires du traité de 1867 que son gouvernement ne se considérait plus dorénavant comme limité dans ses mesures militaires par les égards dus à la neutralité luxembourgeoise.

On a voulu statuer certaines obligations positives de l'État garanti envers les États garants. Les traités peuvent en établir; mais à part ces devoirs conventionnels, il n'est guère possible de lui en imposer d'une façon générale. Il est permis seulement de constater que les garants qui donnent leur garantie soit dans l'intérêt unique de l'État garanti, soit même aussi dans leur propre intérêt, rendent un service à cet État, et surtout, le cas de la garantie échéant, lui rendront service; et qu'en conséquence, tant en vertu des principes généraux et de la morale internationale, que dans son propre intérêt, il doit leur témoigner les égards qui sont dus à tous les États, et même de grands égards.

II. De la garantie collective.

La garantie est collective, conjointe, solidaire, lorsqu'elle est promise, pour un mème traité ou pour une même situation, par deux ou plusieurs États; peu importe qu'elle soit ou ne soit pas désignée par un de ces noms expressément.

Chacun des États garants est obligé, par là, à une prestation indivisible, qui est la garantie. Il a le droit, évidemment, de s'entendre avec ses cogarants en vue d'une action commune; si l'entente ne s'établit pas, il est tenu scul de la prestation entière. Si donc les garants sont d'accord, ils agiront en commun; l'un d'eux pourra être chargé d'agir au nom de tous. S'ils ne sont pas d'accord, chacun d'eux n'en est pas moins tenu individuellement et pourra, ou devra agir seul, indépendamment des autres.

L'action indépendante est voulue et prévue en termes exprès lorsque la garantie est déclarée à la fois collective et séparée. La même volonté est présumée dans tous les autres cas. Car s'il fallait unanimité et unité d'action, la garantie collective serait plus faible que la garantie simple, et souvent même, par le fait, elle serait illusoire. Si, dans un cas particulier, un État garant prétendait que

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