des entreprises qui s'annonçaient autour d'elle? Jusqu'à présent on pouvait le regretter; mais une voix s'élève qui l'appelle à y prendre, elle aussi, un rôle digne d'elle et de son passé. Un troisième projet est mis en avant entre les deux autres, et c'est un marin français, M. Gustave Lambert, un homme d'action en même temps qu'un homme de science, qui en prend l'initiative (ci-dessus n° 351 et 352). Le plan de M. Lambert se présente avec un caractère et des chances qui lui sont propres. M. Lambert connaît, pour les avoir pratiquées, les parties boréales du Grand Océan et la région du détroit de Béring; c'est là qu'il voudrait porter sa tentative. Cette tentative que la science appelle, M. Lambert voudrait la réaliser par une souscription générale; il réclame le concours éclairé du pays, pour une entreprise qui doit honorer le pays. L'appel de M. Lambert a été entendu. La Société de géographie n'a pas hésité à prendre le projet sous son patronage, et de toutes parts sont arrivées des adhésions nombreuses, éclatantes, profondément sympathiques, apportant avec elles plus qu'un encouragement stérile. L'Empereur, qui comprend si bien tout ce qui est grand et utile, a voulu se placer à la tête de la souscription, et il s'y est inscrit personnellement pour une somme de 50 000 francs. M. Lambert estime que 600 000 francs sont nécessaires pour couvrir les frais de l'expédition et la rendre tout à fait indépendante de toute sujétion industrielle; si les inscriptions n'avaient pas atteint ce chiffre à la date du 1er juillet 1868, les souscriptions versées seraient remboursées intégralement. Nous espérons fermement que le chiffre, si élevé qu'il soit, sera aisément atteint; il est digne d'un pays comme la France de montrer qu'il aura su comprendre ce que la réalisation complète d'une des grandes entreprises de notre siècle a de glorieux pour la nation. Ce sont moins, d'ailleurs, de grosses souscriptions que l'on demande, qu'un concours général : cinq ou six cent mille souscripteurs à L'ANNÉE GÉOGR. VI. 27 1 franc donneraient à cette démonstration intelligente un caractère d'autant plus national 1. Parmi les adhésions qui sont arrivées dès la première heure, il en est une si exceptionnellement honorable et pour celui qui la donne et pour l'entreprise qui la reçoit, qu'il faut la reproduire ici tout entière : c'est la lettre écrite par le Dr Augustus Petermann de Gotha au président de la Société de géographie de Paris, à l'occasion de la souscription ouverte pour l'expédition Lambert. Nous transcrivons, sans y rien changer, la lettre que l'honorable directeur des Mittheilungen a écrite dans notre langue. Monsieur, je m'empresse de venir vous exprimer la joie vraiment grande avec laquelle j'apprends par les journaux que la France, répondant aux efforts de M. Gustave Lambert, mon honorable ami, veut faire de l'expédition au pôle nord une entreprise nationale, et qu'un appel a été adressé à vos compatriotes pour recueillir la somme de 600 000 francs. Désirant contribuer autant qu'il m'est possible à l'exécution de cette noble entreprise, je vous prie de vouloir bien accepter ma modeste offrande de 100 francs, que je regrette de ne pouvoir vous envoyer mille fois plus grande. En ma qualité d'Allemand, j'aurais été heureux que l'Allema 1. Une souscription publique est ouverte : Dans les bureaux de la Société de géographie, rue Christine, 3. Au siége de la Société générale pour favoriser le développement du commerce et de l'industrie, rue de Provence, 67, et chez les divers agents et correspondants de cette Société; Au Comptoir d'escompte, rue Bergère, 14, et dans les diverses succursales. Dès que la souscription aura atteint le chiffre de 600 000 francs, minimum jugé nécessaire pour une expédition d'un caractère exclusivement scientifique, il sera procédé à l'armement spécial d'un navire par les soins de M. Gustave Lambert, chef de l'expédition, sous le contrôle du comité de surveillance, et avec le concours technique d'un armateur qui sera désigné par le comité. En sus du personnel maritime, des savants spéciaux seront attachés à l'expédition. gne, qui s'est vouée à l'étude des sciences géographiques avec une prédilection toute particulière, et qui prend aussi à cette entreprise un intérêt des plus vifs, eût contribué pour quelque chose à la solution de ce grand problème; mais je me réjouis néanmoins sincèrement, comme serviteur impartial de la science géographique, de voir qu'enfin un peuple, peu importe lequel, fait d'énergiques efforts pour arriver à cette solution si intéressante pour l'humanité, et que c'est du moins une nation européenne qui se charge de cette glorieuse tâche. Je suis en outre particulièrement satisfait que ce soit la France qui parvienne à réaliser ce que l'Angleterre et l'Allemagne ont tenté, vu que votre pays possède en abondance les moyens intellectuels et matériels indispensables pour l'exécution d'un si grand projet. Il est triste que de nos jours les gouvernements des nations les plus civilisées, qui possèdent en grande quantité les vaisseaux, les hommes et l'argent nécessaires pour les expéditions maritimes de ce genre, n'emploient toutes ces richesses que comme machines de guerre et moyens de destruction, et refusent leur participation à ces grandes œuvres de paix et de civilisation. C'est une honte pour notre génération si active, et -comparée avec celle des époques antérieures si riche au point de vue matériel, que nous connaissions si peu la terre que nous habitons, et qu'une carte de notre globe soit beaucoup moins complète et moins exacte qu'une carte de la lune. Avec les millions prodigués pour un seul des énormes vaisseaux de guerre que l'on construit à présent, on pourrait certes faire les préparatifs les plus complets pour une douzaine de voyages de découvertes. Pendant près d'un siècle, c'est-à-dire de 1766 à 1840, la France surpassa toutes les autres nations par une longue suite d'importants voyages maritimes entrepris à la recherche de pays inconnus, sous la conduité de Bougainville, Kerguelen de Trémarec, La Pérouse, Pagès, Marchand, Labillardière, d'Entrecasteaux, Freycinet, Duperrey, Vaillant, Dupetit-Thouars, Laplace, Tréhouart, Dumont d'Urville, tous noms qui occupent la première place dans l'histoire de la géographie; mais depuis 1840, c'est-à-dire depuis un quart de siècle, la France avait renoncé à ces glorieuses expéditions. Tous les voyages de cette illustre époque étaient, de plus, entrepris « par ordre du roi. » L'expédition préparée en ce moment par la nation elle-même est donc le commencement d'une ère nouvelle dans la part prise par votre pays à l'étude de notre terre. Ce sera pour la nation françaisé un honneur des plus grands que de mener à bonne fin cette expédition au pôle nord, qui n'a pu être réalisée jusqu'ici ni par l'Allemagne ni par l'Angleterre, mais qui ne peut manquer de réussir cette fois, grâce aux profondes connaissances, à la ferme volonté et à l'admirable courage de M. Gustave Lambert. En parcourant la longue liste des membres de votre comité, je vois avec une vive satisfaction que les savants français se vouent avec une louable unanimité à l'exécution de cette noble entreprise, et mon ami Gerard Rohlf venant de m'écrire de Paris que S. M. l'empereur Napoléon s'est mis à la tête de la souscription nationale, en y contribuant lui-même pour la somme de 50 000 francs, je suis certain que votre nation ne s'arrêtera pas dans ses nobles efforts avant d'avoir glorieusement accompli la tâche qu'elle s'est imposée. En souhaitant à la France, et à M. Gustave Lambert en particulier, le plus brillant succès, j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très-respectueux et très-dévoué serviteur. Augustus PETERMANN. On lisait dans un des derniers numéros de l'Athenæum de Londres : Que nos héros arctiques veillent sur leurs lauriers! Un généreux mouvement s'organise à Paris pour diriger une expédition sur la région boréale. Le promoteur de l'entreprise est M. Gustave Lambert, ancien élève de l'École polytechnique, et actuellement attaché au département hydrographique français. Sur la liste du comité figurent cinquante noms éminents de la science, parmi lesquels ceux de MM. Guizot, A. Maury, de Quatrefages, Milne Edwards, Élie de Beaumont, Michel Chevallier, etc. De libérales souscriptions viennent soutenir l'entreprise, et il est convenu que l'expédition s'organisera immédiatement après qu'on aura réalisé la somme de 600 000 francs. L'empereur, qui prend grand intérêt à cette question, a souscrit personnellement pour 50 000 francs. EUROPE. GÉNÉRALITÉS. 353. Aug. PETERMANN. Karte von Europa und dem Mittelländischen Meere. 4 Bl. Neue (5te) Auflage. Gotha, Perthes. 2 thlr. Cette belle carte est au 6 000 000. Le n° 11 (1867), des Mittheilungen, p. 435, en donne une courte notice. 354. Carte de la partie orientale de la Méditerranée. Paris, 1866, Dépôt de la Marine. 1 feuille, no 2243. 2 fr. (Voir notre précédent volume, p. 387, no 345.) La Société de géographie, sur notre proposition, a mis au concours le sujet de prix suivant, dont nous avons été chargé de rédiger le programme : « Retracer l'histoire géographique de la Méditerranée. En donner la description historique et hydrographique. Étudier les contrées qui en forment le bassin, au point de vue historique et économique. Nulle partie du globe n'occupe une place aussi grande que notre Méditerranée dans l'histoire de la géographie. La plus vieille société policée des temps antiques est née sur les rives du Nil; et la civilisation phénicienne, fille ou sœur de la civilisation de l'Égypte, appartient aussi à la Méditerranée. C'est par cette route ouverte aux établissements phéniciens que les pre |