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III

LE SAINT.

VOYAGE À LA RÉGION DES SOURCES DU NIL.

4. Premières lettres du voyageur, d'Alexandrie, du Caire, de Suez et de Djeddah. Bulletin de la Société de Géographie, nos de mars et suiv.

Nous venons de nommer M. Le Saint; disons tout de suite quelques mots de son entreprise.

Parti de Paris dans la soirée du 8 janvier, M. Le Saint arrivait à Marseille le lendemain vers une heure, et le même jour il s'embarquait pour Alexandrie où il débarquait le 16. Après six semaines de séjour dans cette ville et au Caire, notre compatriote a gagné Suez, d'où il est parti pour Souakin sur un de nos bâtiments. Ses dernières nouvelles sont de Djeddah à la date du 13 mars. Ses premières lettres, naturellement, n'ont pas un rapport direct avec l'objet final du voyage; mais elles n'en ont pas moins un grand intérêt, en ce qu'elles mettent en relief, d'une manière remarquable, des qualités d'observateur et une touche heureuse dans les descriptions et les remarques, qui nous promettent, si l'entreprise arrive à bonne fin comme nous en avons pleine confiance, une des grandes et belles relations du siècle.

Nos lecteurs savent quel est le but de l'expédition de M. Le Saint'. Remonter jusqu'à la région des sources du Nil, et déterminer, s'il est possible, la position et le point

1. Voir le précédent volume de l'Année, p. 350.

de départ, entre les afflux nombreux dont se forme le cours supérieur, de celui que l'on peut regarder scientifiquement comme la véritable tête du grand fleuve.

Nous avons déjà, il y a quatre ans, rappelé à ce sujet quelques principes fondamentaux, et exposé des vues sur lesquelles il n'est pas inutile de revenir aujourd'hui; il est des choses, même élémentaires, que l'on semble parfois oublier trop aisément, et qu'il est nécessaire de répéter pour y ramener les esprits. Dans tout ce que l'on a dit à propos des sources du Nil, de ce côté-ci et surtout de l'autre côté du Détroit, on a trop souvent raisonné à côté et en dehors des faits.

« Cette question des sources du Nil, disions-nous en 1863, se complique de considérations dont on ne semble pas se préoccuper suffisamment. Que l'on veuille déterminer, sur la carte ou sur le terrain, la source d'un simple courant, d'une rivière peu étendue, cela ne souffre aucune difficulté ; il n'y a là ni voile mystérieux ni complications physiques. Mais il en est autrement quand on veut reconnaître l'origine de ces vastes artères fluviales qui recueillent les eaux de la moitié d'un continent. Peut-on dire avec certitude, parmi les torrents qui descendent du flanc neigeux des Alpes des Grisons, lequel est la vraie source du Rhin? Est-ce le Mittel, est-ce le Hinter, est-ce le Vorder-Rhein? A vrai dire, c'est seulement à Coire que le Rhin commence réellement. Il y a bien du hasard dans l'application qui s'est faite du nom des fleuves à leur origine, et il s'en faut bien que les applications consacrées soient toujours d'accord avec la raison physique. C'est ainsi, pour ne pas sortir de notre région alpine, que la vraie tête du Danube, c'est l'Inn, comme la vraie tête du Pô, c'est le Tessin; car le Tessin, l'Inn, le Rhin et le Rhône, c'est-à-dire les quatre fleuves les plus importants de l'Europe occidentale, rayonnent d'un même groupe de montagnes, qui est le nœud central de la chaîne des Alpes.

« Si le point initial d'un grand fleuve est un problème si compliqué et d'une solution si difficile même au cœur de l'Europe, que sera-ce donc au fond des contrées barbares et à peine connues de l'Afrique intérieure?

<< N'oublions pas ce qu'est le Nil dans la partie extrême de son bassin, où se trouvent ses origines. Ce n'est plus, comme en Nubie et en Égypte, Égypte, un canal unique contenu dans une vallée sans affluents; c'est un vaste réseau de branches convergentes, venant de l'est, du sud et du sudouest, et toutes ensemble se déployant problablement en un immense éventail qui embrasse peut-être la moitié de la largeur de l'Afrique sous l'équateur. Quelle sera, parmi ces branches supérieures, celle que l'on devra considérer comme la branche mère? là est la question. Il est de fait que l'opinion locale et nous avons sur ce point des témoignages fort anciens,— a toujours regardé notre fleuve Blanc, le Bahr el-Abyad des Arabes, comme le corps principal du fleuve; mais en admettant cette notion comme physiquement exacte, et nous la croyons telle, il reste encore à reconnaître de quelles branches supérieures se forme le Bahr el-Abyad. Alors seulement on pourra poser utilement la question du Caput Nili.

« Dans mon humble opinion, il n'y a dans cette recherche qu'un criterium décisif; c'est la raison critique. Je m'explique si incomplète que soit encore en ce moment notre connaissance des parties intérieures de l'Afrique australe, et en particulier de la zone qui s'étend presque d'une mer à l'autre, sur une longueur de plusieurs degrés, aux deux côtés de l'équateur, les explorations récentes du Dr Livingstone dans le sud, du Dr Barth au nord-ouest, de MM. Burton et Speke dans la région des grands lacs, sans parler des reconnaissances mêmes du Bahr el-Abyad et de quelques-uns de ses tributaires, suffisent déjà pour mettre en évidence ce fait très-important, que l'origine de tous les grands fleuves de l'Afrique, le Zambezi, la Binoué, le

Chari, aussi bien que le Nil, converge vers la zone équatoriale.

« Cette disposition est un trait caractéristique de la configuration africaine. Les détails nous sont encore inconnus; mais nous pouvons nous rendre compte de l'ensemble. La conséquence évidente, c'est que cette zone centrale, d'où rayonnent tous les grands cours d'eau qui vont aboutir aux trois mers environnantes, est la partie la plus élevée du continent. Il doit y avoir là un système d'Alpes africaines, dont les pics neigeux du Kenia et du Kilimandjaro audessus des plages du Zanguebar, et les groupes des montagnes élevées aperçus par le capitaine Speke à l'ouest du Nyanza, nous donnent une première idée.

« Or, c'est une loi générale des pays d'Alpes qu'il s'y trouve un nœud, un massif culminant, d'où sortent les plus grands cours d'eau dans toutes les directions.

« J'en ai cité tout à l'heure un exemple pour nos Alpes d'Europe; il est présumable qu'il doit y avoir quelque chose d'analogue en Afrique. Je ne dis pas que cela soit nécessairement; je dis que cela est présumable. C'est un beau champ d'investigations ouvert aux explorateurs.

« Une conséquence naturelle se tire de ces considérations; c'est que s'il existe un massif culminant au cœur de la zone équatoriale, celle des branches dont se forme le fleuve Blanc qui sortirait de ce massif devrait être regardée, à l'exclusion de toutes les autres, comme la vraie tête du Nil.......... »

L'ANNÉE GÉOGR. VI.

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IV

HAUTE NUBIE.

QUELQUES ÉTUDES RÉTROSPECTIVES. COURSES ET PUBLICATIONS.

5. Samuel White BAKER. Account of the discovery of the second great lake of the Nile, Albert Nyanza. Journal of the Royal Geographical society, vol. XXXVI, 1866 (Lond. 1867), p. 1-18, with Map.

6. Du même. The Nile tributaries of Abyssinia, and the swordhunters of the Hamran Arabs. Lond., 1867, petit in-8°. Maps and illustr., 21 sh. (Macmillan).

7. Dr G. SCHWEINFURT. Reise von Chartum über Berber nach Suakin (Janv.-März 1866) Zeitschrift der Gesellschaft für Erdkunde zu Berlin, t. II, no 7, juillet 1867, p. 1-42, avec carte. 8. Th. VON HEUGLIN. Ueber das Land der Beni Amer, oder Beni Aamer. Mittheilungen de Petermann, 1867, no 5, p. 169-173.

9. C. VON KROCKOW. Exploration in Fast Africa, between 14° to 16° N. lat. Journ. of the Roy. Geogr. soc., XXXVI, 198-200.

10. Du même. Reisen und Jagden in Nord-Ost Afrika,. 18641865. Berlin, 1867, 2 vol. in-8°, 15 fr. (Duncker.)

11. P.-J.-Chr. MITTERUTZNER. Die Sprache der Bari in Central Africa. Grammatik, Text und Werterbuch. Brixen, 1867, in-8°, 280 p. (Weger), 9 fr.

Le plan de M. Le Saint, après avoir terminé ses préparatifs à Khartoum, est de remonter le fleuve Blanc à l'époque convenable et de se porter directement sur la partie nord du M'voutan-Nzighé ou Albert Nyanza, ce grand réservoir du Nil signalé par Speke, et dont M. Baker n'a pu faire, en 1864, qu'une reconnaissance partielle. Placé ainsi, du premier pas, au seuil de l'inconnu et des grandes décou

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