Sidor som bilder
PDF
ePub

laquelle j'écris à la craie les airs que je veux faire chanter (1). Cela donne à ma classe un aspect

eût demandé une, il n'aurait probablement pas compris la question. Rousseau a fait un projet de nouveaux signes pour la musique; ces signes, qu'il a proposés pour remplacer les anciens, sont des chiffres; mais ces chiffres perdent dès-lors leur qualité numérique pour en prendre une musicale: ce ne sont plus des un, des trois, des cing, ce sont des ut, des mi, des sol. Ceci est tellement vrai, que j'ai parmi mes élèves des enfans qui n'ont connu un 4 sous le nom de quatre, qu'après l'avoir longtemps connu sous le nom de fa. Quoiqu'il en soit, ces chiffres furent mal accueillis des musiciens de son temps, et ce fut sans doute ce qui l'empêcha de donner à la suite de son projet une méthode d'enseignement qu'il s'était proposé de faire, [basée sur l'adoption de sa nouvelle écriture. Au lieu d'une méthode, il écrivit force épigrammes contre ces Messieurs, qui achevèrent de les aveugler sur le mérite de son système.

Je ferai voir plus loin quelles sont les modifications nécessaires que j'ai dû apporter à l'écriture de J. J. pour la rendre usuelle; et l'on se convaincra que son adoption dépendait essentiellement d'un nouveau système d'idées, d'un nouveau mode d'enseignement, bien loin d'en pouvoir être la base.

(1) Galin ne se doutait pas, en adoptant ce mode de transmission pour ses idées, qu'il préparait un argument de plus aux champions de ce qui est, contre l'établissement de ce qui devrait être. Pour faire connaître la puissance de ses théories, il venait de faire chanter ses jeunes élèves, dans une séance publique, à Bordeaux des objections sans nombre lui furent adressées, et il répondit à toutes par la preuve de fait et par le raisonnement, avec une

nouveau d'où l'élève attend de nouvelles jouissances, comme il arrive toujours d'un changement de scène. D'ailleurs, j'ai constamment observé qu'un commençant mesure l'importance des objets à la grandeur des signes : c'est pourquoi il ne faut pas épargner les dimensions si l'on veut frapper ses sens, comme il est indispensable de le faire, puisque c'est par cette porte que les idées lui doivent entrer dans l'esprit.

Quand je dis que pour lui faire lire un air je n'ai qu'à le lui mettre sous les yeux, je ne disconviens pas qu'il faut auparavant que je lui enseigne comment on représente par écrit, outre les mouvemens de la baguette, les durées des coups qu'elle frappe. Mais cela n'est pas si difficile qu'on le pense, puisqu'il me suffit de deux ou trois leçons pour le mettre au fait de ce point. Ce qui rend la mesure difficile pour les élèves ordinaires, c'est premièrement qu'ils l'étudient sans savoir l'intonation, et qu'alors ils sont occupés de deux choses à la fois; en second lieu, c'est que les signes par lesquels

clarté d'expression et une force de logique qui réduisirent au silence ses adversaires, moins un seul qui ne pût s'empêcher de lui dire : << Mais, Monsieur, comment ne voyez

[ocr errors]

vous pas que vous avez préparé un grand embarras à » vos élèves, et qu'après avoir vu chez vous de la musique » écrite en blanc sur du noir, ils ne pourront se reconnaître » dans les livres de musique ordinaire, où ils la verront » représentée en noir sur du blanc?» A cela, Galin m'a dit qu'il n'avait pas trouvé de réponse. (A. P. )

on la leur enseigne sont choisis à contre-sens des idées qu'on veut qu'ils expriment. Mais pour ne pas interrompre le récit des exercices de l'échelle, je renvoie à la fin ce qui concerne la mesure.

Dès que l'élève commence à lire, je lui donne chaque jour un air écrit qu'il emporte chez lui pour l'apprendre par coeur, et le marquer luimême à la baguette. C'est un grand désespoir quand, par manque de sagesse, il n'en peut obtenir un, ou s'il n'en obtient que la moitié! Il ne s'exposera de long-temps à cette terrible punition: Voilà les nouvelles jouissances qu'il s'était promises: lire un air sur un morceau de papier! avoir dans sa poche la romance nouvelle que joue l'orgue par les rues! et celle-là encore qu'une dame chantait l'autre jour, et qu'on lui chantera ce soir!..... Qu'il est vrai ce plaisir, et qu'il est vif pour l'enfance de sentir naître en soi quelque chose de commun avec ce qui l'environne!

Je passe au quatrième, cinquième et sixième mois (1). Je prépare d'abord mes élèves aux changemens de ton et de mode, en leur faisant chanter à la baguette des airs qui participent de deux tons différens, comme ne contenant pas la note sensible ou la sous-dominante. L'air de Malborough (fig. 14), par exemple, est de la première espèce; on peut l'écrire en sol sans qu'il y paraisse de dièses; d'autres pourront s'écrire en fa sans qu'il y entre de bémols (fig. 15). Les élèves remar

(1) Voyez la note de la page 47.

queront cette singulière circonstance, qu'un même air puisse être exprimé par deux différens systèmes de notes; ils seront étonnés que le sol sonne à leur oreille comme s'il était un ut, le la comme un rẻ, et ainsi à proportion (fig. 14); ou bien que ce soit l'ut qui sonne sous la propriété de sol, le ré sous celle de la, le mi sous celle de si, et ainsi des autres (fig. 15). C'est qu'ils chantent en sol dans le premier cas, et en fa dans le second; mais ils ne savent point ce langage: ils croient bonnement de s'être trompés; ils refont l'expérience, et. pourtant ils sont jetés sur la même conclusion. Pour les tirer d'embarras, je leur dis leur dis que la chose est singulière en effet, que j'en suis surpris comme eux, mais qu'elle est véritable; et que tant qu'un air ne contient que les six cordes ut ré mi fa sol la, il peut s'écrire sur les six cordes sol la si ut ré mi, et réciproquement; que seulement il sera dans un ton plus bas à l'un de ces systèmes qu'à l'autre, mais qu'ils savent de leur propre expérience que nous pouvons prendre l'ut tonique, tantôt plus bas, tantôt plus haut, à notre volonté.

S De la comparaison des intervalles par superposition.

Pour les confirmer dans cette idée, je leur fais chanter une phrase arbitraire au ton de sol sur l'hexacorde sol la si ut ré mi (fig. 16); ils la répètent deux ou trois fois pour la bien retenir; puis, à un certain mouvement convenu de la

baguette, ils appellent ut le son qu'ils appelaient sol le moment d'avant; el, comme je refrappe les mêmes barreaux dans le même ordre que la première fois, ils s'entendent chanter la même phrase sous des noms différens (fig. 17). Quelle surprise !...... Je marque une autre phrase au ton de fa sur l'hexacorde ut ré mi fa sol la (fig. 18). Ils la remarquent bien; je fais changer le nom de fa en celui d'ut, et tout d'un coup la même phrase se répète en ut dans l'hexacorde sol la si ut rẻ mi, qui est venu occuper les mêmes barreaux de l'échelle (fig. 19). Quelle singulière métamorphose! Comment le nom d'ut perd-il à notre insu sa propriété de tonique? Comment cette propriété que nous y avions si bien attachée se porte-t-elle sur le nom de sol, qui perd alors sa propriété de dominante, ou sur celui de fa, qui perd la sienne de sous-dominante ?... Questions que je n'entreprends pas de résoudre, mais qui sont dignes des méditations des philosophes (1).

(1) Je ne puis me refuser au plaisir de raconter ici la naïveté de l'un de ces enfans qui me faisait toutes ces questions à sa manière. Mais si je ne veux pas, me dit-il, que l'ut perde sa propriété de tonique, il ne la perdra pas ?

Tout de même, lui dis-je, parce que c'est moi qui la lui fais perdre. Et pourtant c'est moi qui chante.... Oh! si je voulais, ajouta-t-il finement, il la garderait bien. Tenez, faites encore, vous allez voir, parce que je vais bien faire attention. Ce P auvre enfant soupçonna que je lui escaniotais sa tonique, c'était bien l'équivalent ;.

« FöregåendeFortsätt »