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que l'erreur ou la mauvaise foi, qui sont deux si grands fléaux pour la société.

Ainsi, j'avais lieu de croire que mes idées seraient examinées soigneusement, si toutefois je les présentais appuyées d'un résultat utile. Il ne me fallait plus que les mettre moi-même à exécution; c'est ce que j'ai fait avec d'autant plus d'espoir de succès, que j'avais sous les yeux un exemple encourageant: je veux parler de la révolution opérée en chimie de nos jours. Ne sait-on pas qu'elle est due à l'exacte application des mêmes principes? Qu'on lise la belle préface de Lavoisier, à la tête de ses Elémens de chimie, on y verra signalées les grandes idées de Condillac et de Bacon comme étant le fil d'Ariadne qui doit nous tirer en tous temps du labyrinthe des erreurs.

Je déduisis donc promptement de mon système ses conséquences pratiques; je disposai mes moyens, je les mis autour de moi en action. Le succès a répondu complètement à mon attente; et mes concitoyens ont vu avec étonnement les effets que je vais décrire.

De jeunes enfans de sept à neuf ans ont pu chanter au bout de huit mois, à livre ouvert, une classe étendue de morceaux de musique dans tous les tons, tous les modes, et à toutes les clefs; un autre élève de l'âge de douze ans, dont, par conséquent, l'intelligence est plus affermie, a pu faire les mêmes choses au cinquième mois, et si une pièce de musique renferme de vraies difficultés ; trois ou quatre lectures consécutives les mettent

tous en état de les vaincre d'eux-mêmes, et de la chanter couramment. Si je leur délivre, la veille, des parties qui leur soient inconnues d'un morceau d'ensemble, ils peuvent le lendemain exécuter cet ensemble avec pureté et correction; ils savent donc étudier seuls, sans instrument et sans maître, une musique proposée. Dans ce cas, ils ne manquent point d'en faire l'analyse, et de remarquer à la lecture les changemens de ton et de mode qui se succèdent dans le cours du morceau: mettre des paroles à un air ne leur est pas plus difficile. On conçoit, en effet, qu'ils doivent le faire aussi couramment, aussi vîte qu'ils peuvent en lire les notes; enfin, ils prennent sous la dictée, avec mesure et volubilité, toutes les notes des airs qu'on leur chante, et chaque jour ils m'apportent par écrit des airs qu'ils ont notés d'eux-mêmes, les sachant par cœur, ou qu'ils ont saisis, phrase par phrase, à ces orgues dits de Barbarie, qui parcourent la ville.

Les personnes qui ont vu particulièrement naître et se multiplier ces résultats, n'en étaient pas moins frappées à l'origine qu'elles l'ont été à la fin. Les progrès étaient si rapides, qu'on les mesurait distinctement d'une semaine à l'autre. Pour moi, je ne trouvais d'étonnant en tout ceci que l'étonnement même des spectateurs. Je ne réfléchissais pas que chacun ne pouvait juger ce qu'il voyait qu'avec ses propres idées, et par comparaison à ce qu'il avait vu jusqu'alors; que moi-même j'avais amené cet étonnement des esprits en cachant

mes moyens à tous les yeux, quoique ce ne fût que pour me ménager l'agrément d'opérer avec tranquillité, à l'abri des critiques prématurées.

Pendant que je travaillais à Bordeaux à produire ces effets, j'adressai à Paris, à la société d'instruction élémentaire, le manuscrit contenant l'exposition de ma méthode. Je proposais à la Société de l'introduire dans ses écoles, comme étant un moyen très-économique et presqu'infaillible de rendre populaire en France la connaissance de la musique. J'accompagnais ma proposition de quelques considérations morales que je crus propres à l'appuyer. La Société répondit à mon hommage par des lettres flatteuses, où j'appris qu'elle s'était interdit jusqu'à nouvel ordre d'ajouter aucune autre branche d'étude à celles qui occupent aujourd'hui exclusivement les élèves de ses écoles. Dans le même temps, j'envoyai un Mémoire pareil au Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences.

Au surplus, il ne faut regarder l'ouvrage que publie aujourd'hui que comme une exposition rapide de mes idées, qui manque peut-être de détails suffisans en quelques points; mais je ne pouvais pas y en mettre davantage, sans changer tout-àfait de plan. Cependant j'espère en avoir assez dit pour être entendu de ceux qui voudront bien me lire avec réflexion. C'est dans le Traité élémentaire dont j'ai parlé, et dont je m'occuperai désormais plus sérieusement que je n'ai fait jusqu'ici, qu'on

pourra trouver un corps complet de doctrine musicale. (1)

Maintenant je vais exposer avec détail les considérations particulières et les réflexions générales qui m'ont conduit insensiblement à la découverte de ma méthode, ainsi que les rapprochemens, les comparaisons que j'ai faites de la musique aux autres sciences; prévenu de cette idée, que l'esprit n'a qu'une manière de raisonner, qu'une manière de se conduire dans la recherche de la vérité, quel que soit le sujet sur lequel il s'exerce. Parmi ces considérations, il en est plusieurs, sans doute que le lecteur aura faites aussi bien que moi; mais il est nécessaire que je les lui remette sous les yeux, pour qu'il parvienne à connaître le véritable esprit de ma méthode; car elle se compose de deux parties distinctes, dont l'une renferme les moyens matériels, et l'autre les moyens intellectuels or, l'on sent que la première ne serait rien sans la seconde.

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Il faut s'attendre aussi que je parlerai quelquefois de mes idées en opposition avec d'autres qui sont

(1) Galin avait terminé, avant sa mort, la partie de son travail qui concernait les durées. Je lui demandais un jour pourquoi il n'avait pas commencé par rédiger ce qui s'applique à l'intonation. « Eh! mon ami, me dit-il, si je laisse » incomplète cette portion, ils ne la feront pas. » De qui voulait-il parler ?...." Quoiqu'il en soit, ses manuscrits n'ont pas été publiés, et ces précieux matériaux dorment enfouis chez un possesseur qui, sans doute, n'en connaît pas. toute l'importance. (A. P. )

généralement répandues sur le sujet que je traite; car comment pourrais-je en parler autrement? On doit présumer que si je présente une méthode nouvelle, c'est parce que je la crois meilleure que celle dont on se sert: je dois donc tâcher de faire sentir les avantages de l'une et les défauts de de l'autre. Après cela, c'est au lecteur à se tenir sur ses gardes, s'il me soupçonne d'erreur ou de mauvaise foi et pourvu que la modération règne dans mes critiques, je ne suis plus comptable des impressions qu'elles peuvent produire.

Considérations Générales.

Uue chose qui étonne tous les jours les observateurs, c'est de voir que, dans le grand nombre de ceux qui ont appris la musique, il s'en trouve si peu qui sachent la lire de vive voix. La plupart ont besoin d'interroger leur violon, leur piano, leur flûte, pour déchiffrer la romance nouvelle ; et c'est en effet l'instrument qui la lit pour eux. C'est comme si l'on se servait, pour lire toutes sortes de livres, de quelques machines propres à cet effet, dont on apprendrait à jouer en négligeant moyen si expéditif de la parole.

le

Voilà des idées qui font un singulier trajet : la vue des signes écrits fait agiter les doigts, les doigts excitent l'instrument, et l'instrument prononce la pensée, Mais pourquoi la vue des signes

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