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Si la nuit à mes yeux fait briller l'espérance,

Ils sont mouillés de pleurs quand je les rouvre au jour...

Dans cette vie au moins embellissez mes songes,

Et ne m'enviez pas les erreurs du sommeil :

Si vous m'apparaissez avec ces doux mensonges,
Ne suis-je pas assez puni par le réveil 1 ?

Guttinguer traduit pour l'Emma de ses Mélodies la pièce dédiée à l'Emma des Hours of Idleness:

Tu l'emportes, Emma, garde ton innocence.
Adieu, fuis; je triomphe enfin de mon amour.
Fuis mais en gémissant du malheur de l'absence,
Emma, souviens-toi de ce jour 2!

Gérard de Nerval compose toute une élégie sur une Pensée de Byron :

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Brisons la coupe de la vie,

Sa liqueur n'est que du poison;
Elle plaisait à ma folie,
Mais elle enivrait ma raison.

Trop longtemps épris d'un vain songe,
Gloire! amour! vous eûtes mon cœur:
O gloire ! tu n'es qu'un mensonge,
Amour! tu n'es point le bonheur !

et

Les poètes mondains condamnent après Byron, Werther, la valse amoureuse et voluptueuse. Rességuier attend au coin du feu une jeune femme, épouse ou amante, le bal retient loin de lui. Il la suit par la pensée; il jouit de ses triomphes; mais une vague tristesse s'empare de

que

son cœur :

1. Ballades, Mélodies et Poésies diverses, Paris, 1829: A Marie, p. 125 (When I roved, a young highlander...); Mes Rêves, p. 135 (When I dream that you love me...

...).

2. Mélanges poétiques, Paris, 20 éd., 1825. Elégie VIII, imitée de lord Byron, p. 169.

3. Poésies complètes, Paris, 1877, p. 97.

Je m'enivrais comme elle et j'avais oublié
Que la parure est tout, qu'en public une amante
Aime tous les regards qui la trouvent charmante,
Que la danse sur elle a des droits absolus,

Et qu'une femme au bal ne nous appartient plus '.

C'est en voyant valser sa maîtresse avec son rival Belmon, que l'Arthur de Guttinguer se sent mordu au cœur par la jalousie; il payera de sa vie cet injuste soupçon 2. Turquety se rappelle un bal auquel il a assisté dans son enfance. Il avait neuf ans, et, déjà moraliste, il pensait, tout en suivant des yeux une jeune inconnue mêlée aux couples joyeux :

Que n'est-elle ma sœur?... Je lui dirais tout bas :
Ma sœur, écoutez-moi; ma sœur, ne valsez pas ;
Ne valsez pas : songez à ce qu'ont dit nos pères.
Pourquoi préférez-vous ces danses trop légères ?...

1. Tableaux poétiques, 1828, le Bal, pp. 53-57. M. Baldensperger fait remarquer (Gœthe en France, pp 78-79) que le motif de la satire de Byron contre la valse se trouve dans Werther. Il signale plusieurs reprises du thème dans l'Elie Mariaker de Boulay-Paty, dans la Confession d'un enfant du siècle, dans le roman d'A. Karr, Sous les Tilleuls, ch. LXV. On peut à cette liste ajouter une allusion de Victor Hugo (Feuilles d'automne, XXIII) :

Si vous n'avez jamais vu d'un œil de colère
La valse impure, au vol lascif et circulaire,
Effeuiller en courant les femmes et les fleurs...

Et il faut remarquer que Musset n'a pas toujours dit du mal de la valse. « Un soir que dans je ne sais quel bal le cotillon avait été mal conduit, Alfred saisit l'occasion de faire un éloge de la valse qu'il méditait depuis le jour où il avait lu dans les poésies de lord Byron une critique amère de cette danse. (Paul de Musset, Biographie d'Alfred de Musset, éd. Lemerre, p. 188 ) On trouvera cet éloge à la fin de la pièce intitulée : A la Mi-Carême :

La valse d'un coup d'aile a détrôné la danse.

Si quelqu'un s'en est plaint, certes, ce n'est pas moi.

Je voudrais seulement, puisqu'elle est notre hôtesse,
Qu'on sût mieux honorer cette jeune déesse.

Je voudrais qu'à sa voix on pût régler nos pas,

Ne pas voir profaner une si douce ivresse,
Froisser d'un si beau sein les contours délicats,
Et le premier venu l'emporter dans ses bras.

2. Guttinguer, le Bal, poème moderne, Paris, 1824.

Vos regards sont si purs et si touchants! Le bruit
Attire les regards et la valse éblouit.

Oh I quittez cette foule et l'enceinte embaumée,
Et vous serez plus belle et même plus aimée 1.

Si le poète veut chanter la solitude et la nature, la montagne et la mer, les vents et l'orage, Byron est encore là, avec son inépuisable Childe Harold. M. de Lourdoueix célèbre la tempête en strophes qui ne rappellent que de loin, il faut l'avouer, les brillantes descriptions qu'elles prétendent reproduire :

Au sein de la forêt déserte,
Mugissez, orageux autans ;
Arrachez la couronne verte
De ces pins, superbes Titans ;
Du chêne altier brisez le faîte ;
Confondez la terre et les cieux;
Le désordre plaît à mes yeux :
Je suis l'ami de la tempête 2.

Delavigne, partant pour l'Italie, contemple avec la fière assurance d'un Harold les vagues qui vont le porter :

Je les brave, tes flots, je ris de leur courroux ;
J'aime à sentir dans l'air leur mordante amertume;
Ils viennent, et de loin soulevant leur écume,
A la proue élancés ils bondissent vers nous.
Mais, tels que des lions dont la fureur avide
Sous une main connue expire en rugissant,
Je les vois caresser le voile blanchissant

De la Madone qui nous guide,

Lorsque son bras doré, sur leur dos s'abaissant,

Joue avec leur crinière humide 3.

La douce Elisa Mercœur s'élance sur les flots à la suite de Byron :

1. Esquisses poétiques, Paris, 1829: Un souvenir d'enfance, p. 17. 2. L'Ami de la tempête, imitation de lord Byron, lue en 1821 dans une séance de la Société des Bonnes-Lettres, reproduite dans les Annales romantiques, 1826, pp. 133-134.

3. Messéniennes, livre III: le Départ; Œuvres, 1846, t. V,

p. 126.

Bondis, ô mon vaisseau, noble coursier des mers!
Le natal horizon dans le lointain s'efface;

Je n'ai plus, voyageur des mobiles déserts,
Que l'Océan et toi, ma pensée et l'espace.

Bondis, ô mon vaisseau, noble coursier des mers 1{

Drouineau, en face de l'Océan, se répand en apostrophes admiratives dont il n'est pas difficile de retrouver la source :

Me voici de retour, Océan : que je t'aime !
Que de fois j'ai bravé les vents, l'orage même,
La pluie à flots aigus inondant mes cheveux,
Pour m'enivrer de toi, de tes terribles jeux !...
... Qu'elle est belle, Océan, ta majesté sauvage !
Quelquefois dédaigneux, tu laisses un rivage
Où, comme un jeune amant par l'obstacle irrité,
Tu courtises d'un roc la hautaine âpreté ;
Et, posant à ses flancs l'algue qui le décore,
Tu caresses, flatteur, mais ton amour dévore.
... Devant ton mouvement et ton immensité,
Océan, je crois mieux à notre éternité,

Et lorsque l'infini les rejette insensées,

Ton horizon sans borne accueille mes pensées 2.

Cet admirable finale du quatrième chant de Childe Harold, que Lamartine déclarait « un des plus magnifiques morceaux de poésie que les temps modernes aient produits 3 », fournit le thème d'une Marine d'Emile Deschamps :

Sombre Océan, soit quand tes eaux bondissent,
Soit quand tu dors comme un champ moissonné,
De ta grandeur nos pensers s'agrandissent,

L'Infini parle à notre esprit borné.
Oui, devant toi, quel athée en démence
Nierait tout haut le Dieu de l'univers !

Oui, l'Éternel s'explique par l'Immense;

Dans ton miroir j'ai vu les cieux ouverts ...

1. Poésies, 1827: Childe Harold, imitation de lord Byron. Je cite sur

les Euvres complètes, Paris, 1843, t. I, p. 181.

2. A l'Océan. (Annales romantiques, 1832, p. 207.)

3. Note deuxième au Dernier chant du pèlerinage d'Harold.

4. Etudes françaises et étrangères, 4o éd., corrigée et augmentée de huit pièces nouvelles, Paris, 1829, pp 261-263.

Il trouvera encore un écho lointain dans les apostrophes grandiloquentes d'un Delatre ou d'un Turquety1.

Il y a, dans l'Océan, un point vers lequel, à ce moment, se tournent invinciblement les pensées des hommes: c'est l'îlot lointain où est venue finir la destinée la plus étonnante peut-être que le monde ait connue. Byron avait été le premier à entourer le nom de Napoléon d'une auréole poétique. S'il a salué dans sa double chute le double triomphe de la liberté, s'il a humilié aux pieds de Washington la gloire du despote-conquérant, il a exalté son génie incomparable et sa volonté surhumaine; il a fixé quelques-unes des attitudes où la légende le campera le plus volontiers; il a trouvé, pour marquer les phases de sa destinée, trois ou quatre images que les poètes se sont passées de main en main. Lorsque Victor Hugo montre le héros « attelant des rois au char de ses victoires », ou prenant « les trônes pour marchepieds »; lorsqu'il ressuscite, pour lui former cortège, <«<les quarante siècles géants » ; lorsqu'il précipite le grand aigle du haut de l'empire céleste; lorsqu'il peint le captif de Sainte-Hélène

Manquant d'air dans la cage où l'exposent les rois',

1. Louis Delatre, A l'Océan, cité dans Ed. Fournier, Souvenirs poéti· ques de l'Ecole romantique, Paris, 1880, pp. 79-80;

et Foi, Paris, 1833 : l'Océan, pp. 25 et suiv.:

Océan, Océan, te voilà! mes pensées

Turquety, Amour

Redemandaient partout tes plages hérissées :
Mon âme aurait voulu t'atteindre à chaque élan ;
Te voilà donc. Frappé de ta grandeur farouche,
Je tremble... Est-ce bien toi, vieux lion, que je touche,
Océan, terrible Océan !

Océan, Océan, le parfum de ta côte

Fait germer la pensée; elle jaillit plus haute

Et s'épure à ton air comme le bronze au feu.

Océan, c'est de là, c'est du rocher qui tremble

Que d'un bond plus hardi doivent monter ensemble

La muse au ciel, l'âme à son Dieu.

2. Voyez Odes et Ballades ; A mon père; les Orientales; Lui; et comparez avec les passages suivants de Byron: « Ce héros moderne qui, sans

BYRON

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