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le joindre, et Taabbata-scharran se mit à crier: Gens de Badjîla, « vous avez admiré la course d'Ebn-Barrak, je vais courir encore « mieux, et de manière à vous faire oublier sa course. Alors ils << s'enfuirent tous trois et échappèrent. Taabbata-scharran dit à «< ce sujet : >>

(Ici finit ma citation. - Dans le premier des vers suivants, je suis porté à croire qu'il faut lire madâ (carrière), nom de lieu du verbe adâ, yadoû (courir), ou nom d'action de l'espèce nommée par les grammairiens massdar mimiyy, au lieu de Maadi, nom propre.-Dans le second vers, je considère dhi schatthin watoubbâqî comme désignation d'un lieu quelconque où croissent les arbres de l'espèce schatth et de l'espèce toubbâq, et où la gazelle ne peut pas déployer toute sa vitesse. Cette circonstance me paraît une entrave ajoutée à la première. Enfin je ne doute pas que la véritable leçon du troisième vers ne soit celle de mon manuscrit : Lå schaya asraou minni ghayrou dhi oudharin, aw dhi djanáhin bidjanbi 'rraydi khaffâqi. Le sens des trois vers de Taabbatascharran serait donc :)

« Je me rappelle une nuit où ils excitaient à grands cris les plus agiles d'entre eux à me poursuivre, non loin d'Aykatayn*, aux lieux où le fils de Barrâq venait d'exécuter ses courses. »

« On eût dit qu'ils voulaient faire partir un oiseau dépourvu de pennes, ou une gazelle qui vient de mettre bas dans un bois de schatth et de toubbâq.

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Il n'y a que le cheval à la crinière flottante, ou l'oiseau prenant son vol du flanc de la montagne, qui puissent jouter de

vitesse avec moi. >>

Outre les vers que j'ai traduits dans la notice extraite de l'Aghâniyy, le rédacteur de cette immense compilation, Abou'lfarage d'Ispahan, nous en a transmis environ soixante autres, dont Schanfarâ est l'auteur, et qui formeront, conjointement avec les

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Taabbata-scharran a-t-il fait allusion à cet évènement en rappelant la journée d'Aykatayn dans l'oraison funèbre de Schanfarâ? Il est à-peu-près certain qu'il a voulu parler d'une délivrance opérée par ce héros dans une circonstance extrêmement critique; mais 1° le mot cœur est au pluriel dans le texte: atafta waqad massa 'lqouloúba 'lhanâdjiroú. 2o Le vers suivant indique une bataille; en sorte qu'il faudrait le transposer et le rapporter à la journée de Habâ, pour pouvoir identifier la journée d'Aykatayn avec l'évènement dont parle Maydâniyy.

diverses traditions relatives à la capture et à la délivrance de Taabbata-scharran, l'objet d'une publication prochaine. Pour le moment, je n'ai plus qu'un renseignement à ajouter à tous ceux qui précédent. Schanfarâ est rangé par Ibn-Alarâbiyy dans la catégorie des corbeaux (poëtes de sang mêlé), qui sont nés (ou ont fleuri) au commencement de l'islamisme, et que l'on nomme pour cette raison islâmiyyoûn par opposition aux djâhiliyyoûn qui ont fleuri (ou sont morts) dans le paganisme, et aux moukhadramoûn, qui ont vu la fin de l'un et le commencement de l'autre (Scharh alqâmous, art. ghayn-râ-bâ). Ainsi Schanfarâ était contemporain de Mahomet, et plus jeune que lui d'une génération; mais il est clair qu'il est demeuré complétement étranger au mouvement religieux de cette époque.

Maintenant, c'est avec un véritable désappointement que je me vois réduit à déclarer que je n'ai encore rien trouvé qui puisse servir d'introduction spéciale au chef-d'œuvre de Schanfarâ, et jeter un jour bien clair sur les circonstances dans lesquelles il fut improvisé.

Suivant la première tradition rapportée par Abou❜lfarage, Schanfarâ fut enlevé fort jeune de sa tribu, et n'y rentra plus; du moins on ne dit pas qu'il y soit rentré. Les partisans de la seconde version ne parlent pas non plus de ce retour. Suivant la troisième, au contraire, Schanfarâ revint dans sa tribu avec la fille de Mâlik le Salâmânide, et bientôt après commença ses courses contre les Banoû-Salâmân. Il faut admettre ce retour de Schanfarâ pour comprendre son allocution aux enfants de sa mère.— Il est extrêmement probable que les frères de notre héros, c'est-à-dire les hommes de sa tribu ou de sa famille (les Awcides, les Iwâcides, ou les Banoû-Hârith-ibn-Rabîah, comme on voudra les appeler), fatigués de l'état d'hostilité croissante où Schanfarâ les plaçait vis-à-vis des Banoû-Salâmân (les uns et les autres étaient de la tige d'Azd), lui déclarèrent enfin, ainsi qu'aux Salâmânides, qu'ils séparaient leur cause de la sienne, et ne chercheraient point à venger sa mort dans le cas où il serait tué. Cet abandon est évidemment la matière d'un des reproches qu'il adresse dans son poëme à ses amis naturels. Pourtant ils ne le chassèrent point du sein de leur tribu; ce fut Schanfarâ qui les quitta. On peut même supposer qu'ils cherchèrent à le retenir;

mais, dégoûté d'une parenté stérile, Schanfarâ leur dit adieu une belle nuit au moment où ils étaient prêts à transporter leur camp d'un point à un autre. C'est ici que le poëme commence.

NOTE.

'D'après un commentaire du Lâmiyyat alarab, dont l'auteur m'est inconnu, le père de Schanfarâ se nommait Mâlik fils d'Adram. Mais peutêtre que son beau-père se nommait aussi Mâlik. Duquel des deux veut-il parler? L'auteur de ce commentaire dit positivement que la mère de Schanfarâ était une esclave.

NOUVELLE TRADUCTION DU POËME DE SCHANFARA, INTITULÉ LAMIYYAT ALARAB,

D'APRÈS LE COMMENTAIRE DE ZAMAKHSCHARIYY ET LES GLOSES DE MOUBARRID.

Partez, enfants de ma mère, et ne m'attendez pas. Il me faut un autre peuple que vous, une autre famille que la vôtre. Tout est prêt pour votre marche, la lune brille dans le ciel, vos chameaux sont sanglés; partez donc, et ne m'attendez pas.

Il

y a sur terre une retraite où l'homme de cœur est à l'abri du chagrin, et un asile pour celui qui redoute la malveillance. J'en jure par vos vies, celui-là ne se trouvera jamais à l'étroit sur la terre qui a du jugement et sait marcher la nuit, poursuivant ce qu'il desire ou fuyant ce qu'il déteste.— A défaut de vous, j'ai làbas toute une famille : le loup, coureur infatigable, la panthère au poil ras et lisse, l'hyène au poil hérissé. Voilà mon monde *. Avec ces gens-là un secret confié n'est point divulgué, et celui qui a tué n'est point abandonné à la vengeance des parents du mort. Tous ils repoussent l'insulte, tous sont braves, — moins braves que moi cependant, quand il faut soutenir le choc des premiers chevaux de l'ennemi; mais je leur cède le pas quand il s'agit d'attaquer les vivres, alors que le plus glouton est le plus

*Il est vraisemblable que Schanfarâ, en quittant sa tribu, alla rejoindre, non le loup et l'hyène, qui n'auraient pas apprécié son génie poétique, mais les Fahmides, chez lesquels il avait passé une partie de son enfance, et s'était lié d'une étroite amitié avec Taabbata-scharran, fils comme lui d'une esclave, comme lui poëte et coureur.

diligent. Tout cela n'est que l'effet d'une générosité par laquelle je prétends m'élever au-dessus d'eux; et ici le prétendant est en effet le plus digne.— Trois fidèles amis me tiendront lieu de ces hommes qui ne savent pas rendre le bien pour le bien, et dont le voisinage n'offre aucune ressource, pas même celle d'un passetemps. Ces trois amis sont: un cœur intrépide, un sabre étincelant, et un arc de nab, long, retentissant, au bois jaune, fort et poli, garni d'anneaux où s'attache un baudrier. Quand la flèche part de son centre, il gémit longuement comme une mère éplorée qui vient de perdre son petit.

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Je ne suis pas de ces pasteurs sujets à la soif, qui, n'osant s'écarter des puits, font paître au soir leurs troupeaux dans des lieux sans cesse parcourus et dépouillés de verdure; les petits de leurs chameaux font pitié à voir, quoique les mères ne portent point d'entraves aux mamelles. Je ne suis point de ces lâches et stupides époux qui, toujours auprès de leurs femmes, les tiennent au courant de tout, et les consultent sur tout ce qu'ils ont à faire; -ni de ces cœurs d'autruche qui montent et baissent comme portés sur les ailes d'un petit oiseau;— ni de ces casaniers, rebut de leurs familles, qui ne sont bons qu'à singer l'amour, qui se parfument soir et matin, et se peignent les paupières en noir * ; - ni de ces hommes inertes, qui cachent toujours un mal derrière un bien, qui ne savent ni se battre à la guerre ni régaler un hôte en temps de paix, qui ne portent point d'armes et s'épouvantent d'une menace.-Je ne suis pas non plus de ces voyageurs pusillanimes, que les ténèbres saisissent d'effroi quand, une fois égarés dans le Désert, ils n'ont devant eux qu'une vaste plaine, sans route frayée, sans points de repaire.

Lorsque la plante calleuse de mes pieds frappe une terre dure, semée de cailloux, elle en tire des étincelles et les fait voler en éclats.

Je réponds aux exigences de la faim par des délais successifs;

*L'usage de se noircir les paupières avec la poudre métallique nommée kohl, n'était point particulier aux femmes chez les anciens Égyptiens. Tous les Pharaons mettaient du kohl, et, pour avoir de beaux grands yeux, prolongeaient jusqu'aux tempes la ligne de jonction des deux paupières au moyen d'une belle raie noire. Le pot au kohl et le poinçon qui servait à l'étendre se retrouvent dans une multitude de caves sépulcrales. La poudre y est encore, et il ne tient qu'à nos chimistes d'en faire l'analyse.

je l'abuse et la promène jusqu'à ce qu'enfin je la tue. J'en détourne ma pensée et finis par l'oublier. Au besoin j'avale une motte de terre plutôt que de subir l'hospitalité d'un homme arrogant, qui croirait m'avoir battu parcequ'il m'aurait donné à manger*. N'était l'horreur du blâme qui s'attache à toutes mes entreprises, c'est chez moi que l'on viendrait manger. On ne trouverait que chez moi tout ce qui se boit et tout ce qui se mange; mais l'âme fière qui réside en mon sein ne peut tenir contre le blâme qu'autant que je mène une vie vagabonde. Je replie donc mes entrailles sur la faim, comme un fileur tord ses fils et les enroule sur le fuseau.

Je me mets en course le matin, n'ayant pris qu'une bouchée, comme un loup aux fesses maigres et au poil gris, qu'une solitude conduit à une autre. Il part au point du jour, entortillant la faim dans les replis de ses entrailles, trottant contre le vent, s'élançant au fond des ravins, et trottant de plus belle. Mais, après une quête vaine, quand le besoin l'a chassé de tous les lieux où le besoin l'avait poussé, il appelle. A sa voix répondent des loups efflanqués comme lui, et dont la face est blanchie par l'âge; à voir leurs mouvements précipités, on dirait des flèches qui s'entrechoquent dans les mains du joueur, alors qu'il les mêle pour en tirer une au hasard ** ; ou des abeilles expulsées de leur de

Cette traduction est peut-être un peu vive. J'avais mis dans ma première édition « qui me croirait son débiteur; » mais un Arabe exerçant l'hospitalité ne s'imagine pas qu'il endette son hôte; il croit remplir un devoir, ou tout au plus se faire honneur. Pourtant il y a dans le texte arabe deux prépositions, dont l'une s'applique également bien aux vainqueurs et aux créanciers, l'autre aux vaincus et aux débiteurs ; en sorte que le lecteur arabe envisage nécessairement la phrase sous ce double point de vue. M. de Sacy a rendu ainsi la pensée de Schanfarâ: 1: « Je dévore la poussière de la terre sèche et sans aucune humidité, de peur que quelque bienfaiteur orgueilleux ne s'imagine, en venant à mon secours, avoir le droit de s'élever au-dessus de moi. >>

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Voyez sur cette manière de consulter le sort le Specimen hist. arab. de Pocoke, p. 324-329, et rapprochez sa description de ce passage de Tacite : Auspicia sortesque, ut qui maxime, observant. Sortium consuetudo simplex: virgam, frugiferæ arbori decisam, in surculos amputant, eosque NOTIS QUIBUSDAM DISCRETOS, etc. Le mot tataqalqalou de Schanfarà est précisément la seconde forme du verbe qilgal, dont sesert Ézéchiel au chap. xx1, v. 26 (ou 21), pour exprimer l'opération dont la seconde forme taqalqal représente l'effet au passif. Stetit enim rex Babylonis in bivio, in capite duarum viarum, divinationem quærens, commiscens sagittas; interrogavit idola, exta consuluit. La Bible

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