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Le second chef suprême auquel ont obéi toutes les tribus maaddiques, est Rabîah, fils de Hârith, fils de Mourrah, fils de Zouhayr, fils de Djouscham, fils de Bakr, fils de Habib, fils d'Amr3. Il commandait les Arabes dans l'affaire de Soullân entre les habitants du Yaman et ceux du Tihâmah.

Le troisième est Koulayb, fils de Rabiah (c'est-à-dire du précédent), celui-là même auquel se rapporte l'expression proverbiale plus altier que Koulayb-Waïl 4. Il commanda toutes les forces de la postérité de Maadd à la bataille de Khazâz 5, où il défit et tailla en pièces l'armée du Yaman. Toutes les tribus de Maadd se réunirent sous son obéissance, lui firent la part d'un roi dans le butin, lui décernèrent la couronne et tous les honneurs de la royauté, et lui restèrent soumises pendant un temps. Mais un orgueil excessif entra dans son cœur; il se mit à opprimer son peuple, et son arrogance et la sujétion des Arabes en vinrent à ce point, qu'il s'attribuait exclusivement le parcours des lieux où une pluie bienfaisante avait fait croître l'herbe, en sorte que personne ne pouvait y faire paître un chameau sans sa permission. Il protégeait ses protégés envers et contre tout, voire contre le sort, et ceux qu'il protégeait devenaient inattaquables. Quand il avait dit : « Les bêtes fauves de ce canton sont de ma clientelle, » nul n'osait les inquiéter. Les puits où s'abreuvaient ses chameaux n'étaient que pour eux, et nul n'aurait allumé un feu dans le voisinage de ses feux 7. Ce fut cette arrogance qui donna lieu à l'expression proverbiale : plus altier que Koulayb-Wâïl.

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En ce temps-là les Banoû-Djouscham et les Banoû-Schaybân vivaient en commun dans les plaines de Tihâmah, Koulayb ayant épousé Djalîlah, fille de Mourrah, fils de Dhouhl, fils de Schaybân. Djalîlah avait un frère, Djassâs-ibn-Mourrah, chez qui était descendue une femme de la tribu de Sad, fils de Zayd-Manâh, fils de Tamîm, nommée Baçoûs 9. Cette Baçoûs était venue de sa tribu chez les Schaybânides, montée sur une chamelle qui avait nom Sarâb (mirage). C'est cette femme et sa chamelle qui ont donné naissance aux expressions proverbiales: plus funeste que Baçoûs, — plus malencontreux que Sarâb.

Or la chamelle Sarâb était accroupie devant la tente de sa maîtresse, le bras lié avec le canon (la partie inférieure d'une des jambes de devant ployée et fixée au moyen d'une corde contre la

· partie supérieure de la même jambe, selon l'usage éternel du Désert), quand des chameaux appartenant à Koulayb vinrent à passer par-là. Sarâb les ayant vus, fit effort pour se dépêtrer, rompit son lien, joignit les chameaux de Koulayb, et parvint avec eux jusqu'à une citerne près de laquelle le roi était assis, portant un arc et un carquois. Koulayb aperçut la chamelle étrangère : «Ah! ah! dit-il, voici une intruse!» et il décocha un trait qui perça les mamelles. Sarâb, blessée à mort, s'enfuit en beuglant vers la tente de sa maîtresse. Celle-ci, ayant vu le sang couler des mamelles de sa monture, jeta le voile qui couvrait son visage, et cria de toute sa force : « O abjection! ô honte! ô mépris de l'hospitalité !

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MEURTRE DE KOULAYB-WAIL.

Djassâs, ému par ses cris, prit ses armes et monta son cheval de bataille, suivi d'Amr, fils de Hârith, fils de Dhouhl, fils de Schaybân, également à cheval et armé d'une lance. Ils allèrent droit à la citerne réservée où se trouvait Koulayb, et dès qu'ils l'eurent joint, Djassâs lui dit : « O Alboulmâdjidah (surnom de Koulayb)! tu as tiré une flèche sur la chamelle de ma protégée, et tu l'as blessée à mort!» Koulayb répondit : « Prétends-tu m'empêcher de défendre mes réserves? » — Djassâs indigné lui rompit les reins d'un coup de lance dans le côté : au même instant Amr, fils de Hârith, lui porta un second coup par-derrière, et lui cassa l'extrémité de l'échine. - Koulayb, étendu par terre, secouait les jarrets. << Oh! donne-moi une gorgée d'eau,» dit-il à Djassâs. Djassâs repartit : « Tu as laissé derrière toi les eaux de Schoubayth et d'Alahass; il n'y faut plus penser. »

(Les eaux de Schoubayth et d'Alahass étaient sans doute renommées pour leur douceur et leur limpidité; et, dans ce cas il est probable que Koulayb s'en était attribué la jouissance exclusive. Les renseignements que donne Maydâniyy sur ces deux noms propres sont insignifiants. Voyez son explication du proverbe arabe : « Touhssi ilayya schoubaythan wa'lahass. »)

Le mot de l'énigme se trouve dans un commentaire du poëme d'Ibn-Zaydoûn (Riçâlat-Ibn-Zaydoûn) écrit par Ibn-Noubâtah. Voici de quelle manière le commentateur raconte, la mort de Koulayb.

«Djassâs était fils de Mourrah fils de Dhouhl, et beau-frère de Koulayb, qui avait épousé sa sœur. Par suite de cette alliance, les deux sous-tribus de Djouscham et de Schaybân, auxquelles appartenaient respectivement Koulayb et Djassâs, vivaient en commun et ne formaient qu'un seul camp. Or Djassâs avait une tante maternelle nommée Albaçoûs, de la tribu de Tamîm et de la sous-tribu des Banoû-Sad, laquelle était venue avec un sien fils dans la famille de Mourrah (père de Djassâs), et était descendue chez Djassâs, son neveu. Elle avait amené avec elle une chamelle laitière des troupeaux de Sad, suivie de son poulain. Cette chamelle s'échappa un jour, et, s'étant aggrégée aux chameaux de Koulayb, paissait avec eux dans la Réserve du roi ( dans un pâturage dont il s'était réservé la jouissance exclusive). Le roi la vit, et, ne voulant point souffrir d'animal intrus dans son bétail, lui lança un trait qui lui perça les mamelles. La chamelle s'enfuit, en même temps que de ses mamelles dégouttait un sang mêlé de lait, et s'arrêta devant la tente de sa maîtresse. Baçoûs l'ayant vue en cet état se mit à crier de toute sa force: O honte! ô honte ! en portant les deux mains à sa tête (signe de grande affliction). Djassâs vint la trouver, et l'ayant calmée, il lui dit : « J'en jure par Dieu, demain sera immolé un étalon de plus haut lignage que ta chamelle. »

« Le jour même de cet événement, les deux hordes combinées décampèrent ensemble pour aller chercher de nouveaux pâtis, et s'arrêtèrent auprès d'un courant d'eau nommé Schoubayth. Koulayb en interdit l'approche aux Schaybânides, leur disant: « Vous n'en boirez pas une goutte. » On passa ensuite près d'un autre courant nommé l'Alahass, dont il les repoussa comme il les avait repoussés du premier. Parvenus à l'étape nommée Dhanâïb, ils mirent pied à terre. Là, tandis que Koulayb était debout à l'écart, près d'une flaque d'eau, reste du torrent qui coule à Dhanâïb dans la saison des pluies, Djassâs, monté sur son cheval, vint le trouver, et lui dit : « Tu as empêché nos gens de se désaltérer; peu s'en faut qu'ils ne soient morts de soif. » Koulayb répondit: «Nous ne les avons écartés des eaux qu'alors que nous les occupions nous-mêmes. » (Il est probable que les courants de Schoubayth et d'Alahass étaient réduits à quelques flaques, comme celui de Dhanâïb, et qu'après que le roi et les siens s'étaient

abreuvés, il ne restait plus assez d'eau pour le gros de la troupe.) Djassâs reprit : « Tu n'en fais pas d'autres; c'est comme ton encontre avec la chamelle de ma tante. » — Ah! nous y voilà, » repartit le roi; «< c'est là que tu voulais en venir, n'est-ce pas? Eh

"

bien, sache que si cette chamelle fût sortie d'un autre troupeau que celui de ton père ou des siens, je me serais permis de faire main-basse sur le troupeau tout entier. »

« A ces mots Djassâs poussa son cheval sur le roi, et, l'ayant frappé d'un coup de lance, le renversa blessé à mort. Koulayb à l'agonie était dévoré d'une soif ardente: « Djassâs! donne-moi à boire ! » disait-il à son meurtrier. Djassâs répondit : « Tu as passé les torrents de Schoubayth et d'Alahass *. »

Après le meurtre de Koulayb, les Schaybânides transportèrent leur camp près d'un certain puits nommé Alnihy. De son côté Mouhalhil, frère de Koulayb, se mit en devoir de leur faire la guerre **. Le nom de Mouhalhil était Adiyy fils de Rabîah, et le surnom de Mouhalhil (raffineur) lui avait été donné parcequ'il est le premier qui ait raffiné sur la versification. Il abandonna donc et les femmes et les chants érotiques, s'interdit le vin et les jeux de hasard, et, après avoir rassemblé une armée, envoya une ambassade aux Schaybânides pour leur faire des remontrances sur ce qui s'était passé, et leur demander satisfaction.

Les ambassadeurs trouvèrent Mourrah (le père du meurtrier) fils de Dhouhl, fils de Schaybân, au milieu du conseil de son peuple, et lui dirent:

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« Vous avez commis une énormité le jour où vous avez tué Koulayb pour une chamelle. Vous avez violé des droits sacrés. Vous avez brisé l'alliance (litt., « vous avez coupé la matrice, allusion au mariage de Koulayb avec une fille de la famille de Schaybân). Pour nous, une vengeance précipitée nous répugne, et avant de recourir à la force, nous voulons tenter une conciliation. Nous vous offrons donc le choix entre quatre partis, les seuls

Ce renseignement m'est parvenu à Malte. Je le dois au schaykh Mouhammad Ayyâd, qui, ayant trouvé, après mon départ, la solution du problème, s'est hâté de me communiquer dans une lettre écrite du Caire le texte d'Ibn-Noubâtah. Le manuscrit de M. Fâris Schidyaq, actuellement à Malte, m'a fourni quelques variantes précieuses.

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Suscipere tam inimicitias seu patris seu propinqui quam amicitias necesse est. C. Corn. Taciti Libell. de situ, etc. Germ. XXI.

où il y ait, pour vous, salut,

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Quels sont-ils, ces quatre partis?» demanda Mourrah.

Les ambassadeurs reprirent:

-

« Ressuscite notre Koulayb,—ou livre-nous Djassâs, son assassin, pour que nous le tuions, ou Hammâm, son frère, qui le ou bien mets-nous en possession de ta personne, car ton sang peut payer celui de Koulayb. »

vaut,

Mourrah répondit:

10.

-« Ressusciter Koulayb n'est pas au pouvoir de l'homme. — Vous livrer Djassâs m'est pareillement impossible; c'est un garçon qui a frappé son coup de lance dans un accès de colère, puis est monté à cheval, et a pris la fuite, de quel côté? je l'ignore. Quant à Hammâm, ce n'est pas un homme isolé; ses nombreux amis, tous cavaliers de renom, l'environnent comme d'une armée ; et croyez-vous que ces braves gens vont me livrer leur patron pour être immolé chez vous en expiation de l'offense d'un autre? - Pour ce qui est de moi, si vous en voulez à mes jours, donnez-nous demain une petite charge de cavalerie: je serai probablement le premier tué dans la mêlée. La mort peut venir quand elle voudra; je ne hâterai point son terme.—Mais j'ai à votre service deux compensations entre lesquelles vous pouvez choisir. Voici près de moi tous mes derniers-nés: prenez de ces enfants celui que vous voudrez, mettez-lui la corde au cou, emmenez-le dans votre camp, et puis égorgez-le comme on égorge un agneau; -autrement : acceptez mille chamelles aux yeux noirs, et, en garantie de paiement,un répondant de la tribu de Bakr-ibn-Wâïl(dont les Schaybânides faisaient partie). »

A cette proposition, les ambassadeurs indignés s'écrièrent : — « Oses-tu bien nous offrir le sang d'un enfant ou le lait de tes chamelles en échange du sang de Koulayb11? »

Et la guerre fut résolue.

Elle dura quarante ans.

Mouhalhil, frère et vengeur de Koulayb, n'abandonna point sa lyre en revêtant la cotte de mailles, mais il la monta sur un autre ton. Le Râwî auquel nous sommes redevables de la tradition que je viens de rapporter (tradition qui se retrouve avec des variantes dans plusieurs autres recueils), a droit, ainsi que le com-. pilateur, Ibn-Abd-Rabbouh; à une reconnaissance toute particu

« FöregåendeFortsätt »