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cepterons pour lui que la rançon d'un roi. » Mais Laqit ne voulut point entendre à une augmentation. «Notre père, dit-il, nous a recommandé, et c'est une de ses volontés testamentaires, de ne pas ajouter un seul chameau aux deux cents qui forment depuis long-temps le prix commun de nos rançons. » Alors Mabad dit à Laqît: «< Ne m'abandonne pas, ô Laqît; j'en jure par Dieu, si tu me laisses aujourd'hui entre leurs mains, tu ne me reverras jamais!»« Patience, mon frère,» repartit Laqît, « car si je cède, que deviendra le testament de notre père, qui nous disait: Ne vous laissez pas manger par les Arabes, et n'élevez point le taux de vos rançons au-dessus du prix courant d'un cavalier de votre peuple, de peur que les loups ravissants qui infestent le pays ne se jettent sur vous, attirés par l'appât que vous leur aurez offert? » Et Laqît s'en alla sans avoir racheté Mabad.

On dit que les vainqueurs lui interdirent l'eau, et lui firent éprouver tant de mauvais traitements qu'il mourut d'inanition. Mais, suivant un autre récit, Mabab refusa de boire et de manger, et mourut volontairement de faim et de soif. Amir, fils de Toufayl, fait allusion à ce fait dans le vers suivant :

« Nous avons assouvi nos longs ressentiments contre la tribu des Absides, et c'est chez nous que Mabad est mort d'inanition. » Le poëte Djarîr a célébré la journée de Rahrahân dans ces

vers:

« Et dans la nuit qui suivit l'affaire de Rahrahân, quelle déroute fut la vôtre, ô enfants de Tamîm! Vous ne songiez pas alors au butin. »

« Vous abandonnâtes Mabad dans les fers... Et lequel de vos frères captifs n'avez-vous pas abandonné? »

Un autre poëte a dit:

« A Rahrahân, au jour où Mabad fut fait captif, les vainqueurs épousèrent vos filles, ô enfants de Tamîm, sans avoir préalablement payé le douaire à leurs pères. »

NOTES.

'On verra plus loin ce qui avint au meurtrier de Khâlid avant son arrivée

chez Mabad, et toute la suite de son histoire jusqu'à sa mort.

2

Moudar, dix-septième aïeul de Mahomet, eut deux fils: Annâs autrement

dit Qays-Aylân, et Ilyâs. Les vainqueurs descendaient du premier de ces fils, et les vaincus du second. Il y a dans le texte : « Tu es chef d'Annàs,» ou, en prenant annâs comme nom appellatif, «Tu es chef des hommes; » mais c'est une erreur du copiste : il faut lire Ilyâs, et pour obtenir cette transformation dans l'écriture arabe, il suffit de placer deux points au-dessous du mot, au lieu d'un seul point au-dessus. Ces deux qualifications de « chef d'Ilyâs » et « chef de Moudar » sont assurément très-hyperboliques; car, non-seulement, Mabad n'est pas chef de toute la postérité de Moudar, puisque les vainqueurs en sont aussi bien que les vaincus, mais il ne l'est pas même de toute celle d'Ilyas; il est chef nominal de la tribu de Tamîm et rien de plus; -- et ce qui prouve combien son autorité est précaire dans cette tribu, c'est la défection de la majorité des Tamîmides par suite de la protection accordée à Hârith. Mais on conçoit que les vainqueurs, qui prétendent à une rançon royale pour Mabad, ont intérêt à exagérer la dignité du captif. Dans leur exagération ils sont bien près de la limite, puisqu'il n'y avait chez les Arabes ismaélites ou adnânides que deux degrés au-dessus de la dignité de chef de Moudar, nommément Nizâr et Maadd. Ce dernier nom comprenait, comme on l'a vu, tous les Arabes qui n'étaient pas d'origine yamanique (dans le système des généalogistes du Hidjâz.)— En nommant Laqît, chef d'llyas, et Mabad, chef de Moudar, les vainqueurs indiquent que le rang du captif est plus élevé que celui de son frère. Mabad était sans doute l'aîné des fils de Zourârah, dernier roi ou chef de toutes les familles de Tamîm.

-En refusant de payer pour son frère une rançon royale, Laqît n'avait-il point d'autres raisons que celle qu'il allègue? N'était-il pas bien aise de succéder à Mabad? — Je n'hésite pas à répondre que non. Pour comprendre les Bédouins, il faut croire à l'amitié fraternelle.-Et puis Laqît ne se fera-t-il pas tuer pour venger son frère?

JOURNÉE DE SCHIB-DJABALAH.

Selon Abou-Oubaydah, la journée de Schib-Djabalah, c'està-dire du ravin de Djabalah, est l'affaire la plus considérable que les Arabes aient jamais eue entre eux. Voici comment elle fut amenée.

Après le combat de Rabrahân, Laqît, fils de Zourârah, s'occupa de rassembler des forces contre les Amirides. Or il s'écoula un an entre la journée de Rahrahân et celle de Schib-Djabalah; celle-ci eut lieu quarante ans avant l'islamisme, c'est-à-dire dans l'année où naquit l'Envoyé de Dieu ( sur qui Dieu répande ses bénédictions et ses grâces!).

A cette époque, les Absides étaient unis par des serments avec les Amirides, et comme la célébre sous le nom de guerre de Dâhis 1 avait déja éclaté entre les tribus d'Abs et de Dhoubyân,

guerre

Laqît s'adressa aux Dhoubyânides pour obtenir des secours contre les enfants d'Amir. Ses demandes furent accueillies, et non-seulement les Dhoubyânides, mais encore toutes les tribus issues de Ghatafân, les Badrides exceptés, épousèrent sa querelle (il faut encore en excepter les Absides qui, comme on vient de le voir, faisaient alors cause commune avec les Banoû-Amir; mais comme ils formaient à eux seuls une tribu considérable, on ne les comprenait pas toujours, dans l'usage, sous la dénomination collective de Ghatafân. Le passage de Maydâniyy que j'ai inséré dans une des notes précédentes met cet usage en évidence; car Hârith y est nommé chef de Ghatafân, quoiqu'il n'eût assurément aucune autorité dans la tribu d'Abs que gouvernait Qays, fils de Zouhayr si l'un des deux relevait de l'autre à l'époque dont parle Maydaniyy, Hârith relevait de Qays, non Qays de Hârith). Toutes les familles de la tribu de Tamîm en firent autant, à l'exception des Banoû-Sad. Les Banoû-Açad promirent aussi d'armer pour lui, à cause d'un serment qui les unissait aux tribus issues de Ghatafân (moins les Absides). Non content de ces alliances, Laqît alla trouver Djawn le Kalbide, roi de Hadjar ( de race yamanique), et lui dit: «Serais-tu d'humeur à entrer pour ta part dans une expédition contre des brigands dont les troupeaux couvrent la terre, et à m'envoyer tes deux fils à ces conditions:

que dans le partage des bénéfices que nous aurons faits à nous trois, le butin et les prisonniers seront pour eux et le sang pour moi1?»-Djawn accepta la proposition et fixa l'entrée en campagne à un an de là. Laqît alla ensuite chez Noumân, roi de Hîrab, et lui demanda du secours, en lui offrant, comme à l'autre, l'appât d'un riche butin. Noumân agréa sa demande; car Laqît était un homme de bonne mine, et qui savait traiter avec les rois 3.

Lors donc qu'on fut au bout de l'an, à dater de l'affaire de Rahrahân, les troupes auxiliaires se rendirent auprès de Laqît. Sinân le Mourride, fils d'Abou-Hârithah, vint avec les forces de Ghatafân. Ce Sinân est le père de Harim-le-Généreux. Les BanoûAçad arrivèrent en même temps. Djawn, roi de Hadjar (Bahrayn), envoya ses deux fils Mouâwiyah et Amr. Noumân envoya son frère utérin, Hassân fils de Wabrah, de la tribu (yamanique) de Kalb. Toutes ces forces réunies marchèrent contre les Banoû-Amir.

Mais avant leur entrée en campagne, les Amirides, instruits des démarches de Laqit et de leur résultat, se préparaient à à le recevoir.

Ahwass, fils de Djafar, qui était alors le pivot sur lequel tournaient toutes les tribus issues de Hawâzin ( litt. « la meule » ou « le moulin » de Hawâzin), disait à Qays, fils de Zouhayr, chef des Absides, devenu son allié:

"

«Quel est ton avis? car tu as la prétention de trouver des ressources dans les conjonctures les plus difficiles.* »

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« Mon avis est qu'on transporte les femmes, les enfants et les troupeaux au fond du ravin de Djabalah, en sorte que nous n'ayons à nous défendre que d'un seul côté. Cependant Laqît, qui est un homme impétueux, ne manquera pas dé s'engager dans le ravin avec tout son monde, et de lancer sa cavalerie à travers les difficultés du chemin. Je vous conseille donc de laisser vos chameaux sans boire ni manger durant plusieurs jours et plusieurs nuits, accroupis dans la montagne, le bras lié avec le canon; de vous mettre derrière eux, et de mettre derrière vous les enfants et les femmes. Tu commanderas aux piétons de se tenir près des chameaux, et au moment où l'ennemi nous donnera l'assaut, de délier leurs bêtes et de les prendre par la queue (pour les diriger à droite ou à gauche par une torsion convenable de ce membre). Les chameaux, impatients de regagner le pâturage et l'abreuvoir, se précipiteront du haut de la montagne avec une force irrésistible. La cavalerie suivra les gens de pied, qui suivront les chameaux. Les chameaux renverseront, écraseront tout ce qui se trouvera sur leur passage, et lorsque nos cavaliers joindront l'ennemi, son affaire sera déja faite. » —

Ahwass, fils de Djafar, trouva l'avis de Qays excellent, et le suivit de point en point.

Or les Amirides avaient alors pour auxiliaires (outre les Absides) les Ghaniyyides combinés avec les Kilâbides (la tribu de Ghaniyy était issue de Ghatafân, et pourtant le narrateur ne l'a point exceptée plus haut des tribus ghatafânides dans l'énumé

*Qays avait une grande réputation d'habileté. C'est l'Ulysse de l'épopée d'Antar.

ration des auxiliaires de Laqît), les Bâhilides avec les Banoû-Ssab (ces derniers appartenaient à la tribu de Bakr-ibn-Wâïl). La bande de Mouaqqir-Albâriqiyy était combinée avec les BanoûNoumayr-ibn-Amir. Enfin les Amirides avaient avec eux toutes les tribus issues de Badjilah (fils d'Anmâr, fils de Nizâr, fils de Maad), moins les Qaysides.

Lorsque Laqît et les rois ses alliés arrivèrent à Djabalah avec toutes leurs forces, l'ennemi s'était déja retranché dans la montagne. Ils firent donc halte à l'entrée du ravin. Alors un homme des Banoû-Açad leur dit : « Fermez l'embouchure de cette gorge, et affamez-les dans leur fort, et de par Dieu vous les verrez bientôt descendre un à un, et tomber à vos pieds comme les crottes de chameau tombent l'une après l'autre du derrière de la bête. » Mais cet avis n'allait pas à l'impatience de Laqît, et sa cavalerie entra dans la montagne.

Cependant les Amirides tenaient leurs chameaux liés après trois « quintes de soif, » ce qui veut dire que ces animaux avaient été onze jours et douze nuits sans boire. (Dans le langage du Désert, un chameau a subi « une quinte » (khims), quand il a été privé d'eau dans un intervalle tel que celui du dimanche soir au jeudi matin. )

Lorsque la tête de la colonne ennemie fut parvenue près de leur fort, ils lâchèrent les nœuds qui retenaient leurs bêtes, et celles-ci s'élancèrent vers la plaine avec des mugissements de desir qui firent trembler la montagne. La commotion fut telle, que les assaillants se crurent au premier moment surpris par un tremblement de terre. Les chameaux, suivis et gouvernés par les gens de pied, écrasèrent tout ce qui s'opposait à leur passage. Parmi ces animaux furieux se trouvait un chameau borgne qu'un enfant gaucher tenait par la queue, et l'enfant (mis en verve par le fracas de l'avalanche dont il faisait partie) improvisait sur le métre appelé radjaz, en disant:

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L'armée de Laqît fut mise en déroute. Laqît lui-même fut tué. Hâdjib, son frère, fut fait prisonnier; celui qui le prit était

« FöregåendeFortsätt »