Sidor som bilder
PDF
ePub

« D'un héros plus fier, d'un protecteur plus sûr, d'un guerrier plus terrible au milieu de la poussière des combats. >>>

NOTES.

[ocr errors]

'Le narrateur, Abou-Oubaydah, fait allusion au trait historique suivant : « Les Banoû-Tamîm étant en proie à la famine, par suite d'une imprécation lancée contre eux par le prophète Mahomet, Hâdjib, fils de Zourârah, fut délégué vers Kisra Anouschirwân (Chosroès Ier, roi de Perse*), pour lui demander, au nom de sa tribu, la permission de descendre dans les plaines de l'Iraq. Le roi de Perse dit à l'envoyé : « Qui me répondra de la bonne conduite de tes Arabes ? » — « « Moi,» dit Hâdjib. « Et qui me répondra de toi? -- « Mon arc, que je te laisse en gage.» Un immense éclat de rire accueillit l'offre du Bédouin; mais quelqu'un osa admirer ce qui excitait la risée générale, eț dit au roi, lorsqu'il put se faire entendre: «Seigneur, celui qui vous fait cette proposition est un Arabe du Désert; les Arabes du Désert ne trahissent point la foi jurée. » Sur cette observation, le monarque qui était bon prince (Mahomet ne l'appelle pas autrement que le roi juste) accepta le gage du Bédouin, et permit à sa tribu de venir brouter dans la Chaldée. »

"

"

[ocr errors]

Long-temps après, lorsque la verdure, fille des pluies, eut de nouveau déroulé ses tapis dans les déserts de Tamîm, un jeune Bédouin, nommé Outârid (nom païen s'il en fut; c'est celui de la planète de Mercure), se présenta devant le roi de Perse, et réclama son arc. -« ̈Qui es-tu,» lui dit le roi, «'et << de quel arc veux-tu parler? tu ne m'as rien donné en gage. » « Je suis, répondit Outârid, « le fils et l'héritier de Hâdjib. Nous t'avons tenu parole: "nous n'avons point dérobé, nous n'avons commis aucun dégât, aucune violence, sur les bords de l'Euphrate: rends-moi donc l'arc de mon père; «rends-moi cet arc sans lequel je ne puis pas reparaître dans ma tribu. « Chosroès le lui fit remettre, et avec l'arc une blouse d'honneur. » L'arc de Hadjib est une des gloires de la tribu de Tamîm; et, comme le nom propre de Hadjib est, dans l'origine, un nom appellatif qui signifie * « sourcil,» les poëtes des siècles postérieurs n'ont pas manqué de tirer de « l'arc du sourcil » l'immense parti qu'on tire en Orient d'un bon calembour, depuis cette époque de décadence que les rhéteurs arabes s'obstinent à considérer comme l'âge d'or de leur littérature. Car le calembour, si décrié à Paris, est une des figures de rhétorique les plus estimées en pays musulman. Les concetti auxquels celui-ci a donné lieu n'étaient pas encore épuisés au commencement de ce siècle. Par exemple, le shaykh Abbas le Yamanite, qui mourut au Caire dans la peste de 1824, voulait dire, après mille autres, quelque temps avant sa mort, que

«Sa belle tirait vanité de l'arc de son sourcil » (premier hémistiche),

« Comme la tribu de Tamîm tirait vanité de l'arc de son Hâdjib» (second hémistiche);

* Anachronisme. Ou Mahomet n'est pour rien dans cette famine, ou le Chosroès dont il s'agit est Khosrou Parwiz.

mais il voulait le dire d'une manière neuve, et renchérir sur ses prédécesseurs. Or il parvint (admirez les progrès du goût et le « march of intellect » chez les poëtes arabes), il parvint à rendre ses deux hémistiches parfaitement égaux, et s'acquit par-là une gloire immortelle. Le procédé au moyen duquel il obtint ce brillant résultat est assurément fort simple; mais il n'y a que les hommes de génie pour trouver les choses simples; - il donna à sa belle le nom de la tribu; il l'appela Tamîm, et dit :

-

Tihou Tamîmin biqawsi hâdjibihâ (premier hémistiche )=

= Tihou Tamimin biqawsi Hâdjibihâ ( second hémistiche),

ce qui a l'air d'un truisme, et forme dans la réalité un sens très-rationnel. Si vous montrez ce vers à un géomètre, il vous dira que c'est une identité. Ne le croyez pas : c'est une belle et bonne équation à deux inconnues, dont voici les

racines :

x= tamîm

Tamime =Tamimida;

y=hâdjib supercilium — Hâdjibus ;

=

les deux premières valeurs de x et de y s'appliquent au premier hémistiche, — je veux dire, au premier membre de l'équation; et les deux dernières au second. Les quantités connues sont :

Tihou=

gloriatio; biqawsi = in arcu : hâ=suî;

La terminaison in dans Tamîmin, et le second i de hâdjibihâ, sont les marques du génitif. Voyez maintenant si l'équation n'est pas satisfaite par la substitution de toutes ces valeurs : n'aurez-vous pas

[ocr errors]

Gloriatio Tamîmes in arcu supercilii sui= (sicut)

Gloriatio Tamîmidarum in arcu Hâdjibi sui?

Après le schaykh Abbâs, il faut tirer l'échelle. »

Outre la gloire qu'il cherchait, il en a rencontré une autre qu'il ne cherchait pas: il a formulé dans un vers-équation, et probablement sans le savoir, une vérité qui jusqu'à présent n'avait trouvé accès en Europe que près d'un petit nombre d'esprits supérieurs, lesquels encore n'osaient l'avouer publiquement. Cette grande vérité, c'est que la poésie et les mathématiques sont sœurs. Les Grecs ne se sont point mépris en formant des Muses un chœur indissoluble, - et, à défaut de la formule du schaykh Abbâs, n'avions-nous l'histoire pas des sciences et de la littérature arabes, d'où jaillissent ces deux faits (et remarquez bien que je deviens sérieux):

Premier fait. Les Arabes sont les plus grands poëtes du monde après Isaïe et David.

Second fait. Les Arabes sont les inventeurs de l'algèbre, ou du moins les premiers qui l'aient importée de l'Inde.

Quand je dis que les Arabes sont les plus grands poëtes du monde après les poëtes sacrés, j'entends les Arabes du paganisme ou du premier siècle de l'hégire; car, pour ceux des âges suivants, ils ont à mes yeux un défaut énorme : - – ils ont beaucoup trop d'esprit. La poésie ne peut faire de l'esprit qu'aux dépens de sa dignité; c'est une ressource qui la dégrade, et qu'elle doit abandonner à la vile prose. Je reconnaîtrai même qu'à l'époque où l'algèbre fut inventée, où l'alchimie fit son apparition, où le premier alcool fut distillé dans le premier alambic en un jour le plus néfaste, sans doute, du premier almanach, j'avouerai qu'à cette époque la poésie commençait à décliner; mais cela n'infirme en aucune manière ma proposition, vu que c'est le même

organisme physique et intellectuel qui a produit d'abord les beaux poëmes du Désert, et ensuite les belles découvertes des collèges scientifiques de l'islâm.

sân

2 Les Ghassanides étaient les lieutenants des Césars sur la lisière septentrionale ou syrienne du Désert, comme les rois de Hirah des Chosroès sur la lisière orientale ou chaldéenne. Les uns et les autres étaient d'origine yamanique. Je ne trouve point le nom du roi Yazîd dans la liste des rois de Ghasque Pococke a donnée, et je n'hésiterais pas à en conclure que cette liste est incomplète, n'était que les Arabes d'autrefois donnaient le titre de malik, non-seulement aux rois ou vice-rois, mais aux frères et aux fils de rois. Exemple: Aswad, frère du roi Noumân-ibn-Almoundhir, lequel frère n'a point régné, et porte cependant le titre de malik (roi) dans les vieilles traditions. Le proverbe « si ce n'est toi, c'est donc ton frère, » est en Orient d'une application perpétuelle.

3 On voit par cet exemple que la loi qui interdisait le meurtre dans les mois sacrés n'était pas toujours respectée. Dans le cas dont il s'agit, l'impunité de Qays s'explique jusqu'à certain point par l'élévation de son rang. Il était du nombre de ces chefs puissants que les Arabes appelaient rois (mouloúk; sing. malik).

PREMIÈRE JOURNÉE DE HAWRAH.

Une querelle avait éclaté à Oukâzh entre Mouâwiyah, fils d'Amr, fils de Scharîd, de la tribu de Soulaym, et Hâschim, fils de Harmalah, de la tribu des Mourrah-Ghatafân. C'était pendant les mois sacrés; il fallait alors s'en tenir aux injures. Une portion du dialogue amer des deux héros a été conservée par le Râwi:

« Par Dieu, disait Mouâwiyah, j'aurais bien du plaisir à entendre ton éloge de la bouche des pleureuses. »

- Pas plus que je n'en aurais, repartit Hâschim, à oindre de boue cette humide chevelure. »

(Il y a dans le texte «< cette humide; » et le narrateur nous apprend que Hâschim entendait par cette désignation la longue et belle chevelure de Mouâwiyah, parcequ'elle ruisselait toujours d'eaux et d'huiles odoriférantes.)

Après l'expiration de la période sacrée, Mouâwiyah se mit en devoir de faire la guerre à Hâschim, et déclara sa résolution à son frère Sakhr, qui tâcha de l'en détourner. — « J'ai un pressentiment funeste, disait-il à Mouâwiyah; si tu t'obstines à marcher contre les Mourrides, quelque chose me dit que tes longs cheveux s'accrocheront aux épines de l'ourfout (espèce de gommier). >> Mouawiyah ne l'écouta point, et partit à la tête de ses

cavaliers. La rencontre des Soulaymides et des Mourrides eut lieu à Hawrah.

Au moment où les deux armées allaient en venir aux coups, l'œil de Hâschim, fils de Harmalah, distingua Mouâwiyah parmi les ennemis, avant que Mouâwiyah n'eût reconnu Hâschim. Ce dernier avait été malade depuis la foire d'Oukâzh, et se trouvait actuellement en convalescence; il dit donc à son frère Dourayd: « Si Mouâwiyah m'aperçoit, j'aurai un rude choc à soutenir pour un homme qui relève de maladie; c'est à toi de te montrer, et de l'attirer, de manière à le placer entre nous deux. — « Bien, » dit Dourayd; et il fit une pointe sur Mouâwiyah, qui y répondit aussitôt en le chargeant tout de bon; Dourayd ne l'attendit point, et battit en retraite, poursuivi par le Soulaymide *. Hâschim profita de cet instant pour fondre sur son ennemi et l'attaquer párderrière. Celui-ci fit volte-face, et les deux auteurs de la guerre échangèrent simultanément deux coups de lance, dont l'un perça Mouawiyah près de l'épaule, et l'autre désarçonna Hâschim et le jeta par terre. Hâschim perdit en tombant les rênes de sa jument Schammâ, qui détala. Mais Dourayd revint alors à la charge, et après avoir démonté Mouâwiyah d'un coup de lance, lui fendit la tête avec son sabre.

Sur ces entrefaites, un autre engagement avait eu lieu avec un succès inverse, entre Khoufâf, fils d'Amr, de l'armée soulaymide, et Mâlik, fils de Hârith, de la famille de Fazârah. Le premier avait chargé et tué le second.

Or Schammâ, jument de Hâschim, ayant détalé comme il a été dit, entra dans l'armée des Soulaymides, qui s'en emparèrent, et ne doutèrent point que ce ne fût la cavale du Fazâride que Khoufâf avait tué. Ensuite, les deux armées mirent fin au combat, et les Soulaymides revinrent trouver leur chef Sakhr, frère de Mouâ wiyah.

En l'abordant, les cavaliers lui souhaitèrent le bonjour. « Je vous rends souhait pour souhait, répondit Sakhr; qu'a fait Mouâwiyah? »

« Il s'est fait tuer. »>

- « Et d'où vient cette jument? » (montrant Schammâ.)

Cedere loco (arabicè farr) dummodo rursus instes (arabicè karr) consilii quàm formidinis arbitrantur. VI.

— « Nous avons tué celui qui la montait. »

[ocr errors]

« En ce cas vous êtes vengés; c'est la jument de Hâschim, fils de Harmalah. »

Lorsqu'on fut entré dans le mois de Radjab (mois sacré, et le plus inviolable de tous dans l'opinion des Arabes), Sakhr, fils d'Amr, alla rendre visite aux Banoû-Mourrah, monté sur la jument Schammâ. Du plus loin qu'il le vit, Hâschim dit aux siens : « Voici venir Sakhr; saluez-le, et accueillez-le avec de bonnes paroles. » Or Hâschim souffrait encore des suites du coup de lance qui l'avait démonté.

Étonné de voir au milieu des vivants celui qu'il croyait mort depuis l'affaire de Hawrah,- « Qui donc a tué mon frère? » leur dit Sakhr. Point de réponse.. — « A qui appartenait la jument que je monte?»-Point de réponse... Enfin Hâschim rompit le silence :

[ocr errors]

Viens, Abou-Hassân (c'était le surnom de Sakhr), viens près d'un homme qui va te donner les renseignements que tu desires. »

[ocr errors]

Sakhr dit encore une fois : « Quel est celui qui a tué mon frère?»

Hâschim lui répondit : « Quand tu auras atteint d'un bon coup de lance ou moi ou Dourayd, tu seras vengé.

« Et l'avez-vous enseveli? »

[ocr errors]

- « Oui, sans doute, répondit Hâschim, et dans un double linceul du prix de cinquante jeunes chamelles.

- « Montrez-moi sa tombe. »>

On l'y mena.

[ocr errors]

Quand Sakhr fut auprès du tombeau de son frère, il perdit contenance et se mit à pleurer. Remarquant aussitôt sur les visages environnants des signes non équivoques d'étonnement et de mépris, — « Vous avez l'air de condamner mes larmes, s'écriat-il; mais si l'on vous disait que depuis que j'ai l'âge de raison, je n'ai pas passé une nuit autrement qu'en vendette active ou passive, avec ou sans possibilité de satisfaction... Si l'on vous disait que depuis la mort de Mouâwiyah, je n'ai pas goûté une heure de sommeil... que penseriez-vous de moi?-Eh bien, j'en jure par Dieu; c'est la vérité. »

« FöregåendeFortsätt »