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de), était le huitième mais non le dernier. C'est donc un volume dépareillé qui constitue aujourd'hui mon trésor. Le recueil entier est intitulé Aliqd (le Collier); du moins tel est le titre général inscrit au frontispice du volume en question, et conformément aux règles de la figure de rhétorique appelée ici tarschíh ( je ne sais vraiment pas si elle a sa rubrique dans les Tropes de Dumarsais), chacune de ses divisions principales porte le nom d'une pierre précieuse. Les deux chapitres contenus dans le volume que je posséde ont pour titre, le premier: Kitâbou 'lyatimati' tthâniyati fî akhbâri ziyâdin walhaddjddji wattâlibiyyîna walbarâmikah; et le second Kitâbou 'ddourrati 'tthâniyati fi ayyâmi 'larabi wawaqâïïhim. Les noms et surnoms de l'auteur se trouvent également sur la première page dans l'ordre suivant : Abou - Oumar Ahmad fils de Mouhammad Ibn Abd - rabbih Aloundoulouciyy (l'Andalous).

Voici ce qu'en dit M. le baron de Sacy, dans sa Chrestomathie arabe, tome I, p. 398:

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« Ebn-Abd-rabbihi, ou, comme on prononce vulgairement, EbnAbd-rabbou, est un philologue et un poëte célébre de Cordoue. « Ses noms et surnoms sont: Abou-Omar Ahmed Kortoubi, fils de « Mohammed; mais il est connu sous le nom d'Ebn-Abd-rabbihi: « Ebn-Khallikân ** qui a donné sa vie, et Aboulféda (Annal. « Moslem. tom. II, p. 411), placent sa mort sous l'année 328; « il était né en 246. Casiri en dit un mot dans la Bibl. or. hisp. « Escur. tom. II, p. 134, et le nom de ce poëte s'y trouve aussi, « tom. I., p. 157. Ebn-Abd-rabbihi est auteur d'un recueil inti«tulé Alikd (le Collier), livre qui, suivant Ebn-Khallikân, «< contient des mélanges de toute nature: il est divisé, selon Hadji-Khalfa , en trente parties qui portent chacune le nom « d'une pierre précieuse. La première a pour titre Alloulou (li

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***

J'ai été assez heureux pour trouver l'ouvrage entier quelques mois avant mon départ. Voyez le post-scriptum.

** Telle est l'orthographe adoptée en dernier lieu par M. de Sacy. Au Caire tout le monde prononce Khillikân, à l'exception du schaykh Mouhammad Schihâb-addîn, qui prétend qu'on doit prononcer Khallakân.

*** Ici tout le monde nomme cet auteur Hagg-Khalifah, et avec l'article: Alhagg-Khalifah ou Khalifèh; mais les Turcs disent hadgi dans le sens de hâddj. La voyelle de ce dernier mot qui est suivie d'un alif quiescent, et par

«sez Alloulouah) fi 'ssoultân. Ebn-Abd-rabbihi a aussi laissé, « suivant Gasiri, un diwan, ou recueil de poésies, en vingt livres, <«<et une histoire de Cordoue; mais peut-être ce diwan n'est-il « autre chose que le recueil intitulé Alikd. »

Cet auteur est cité par Ibn-Khaldoûn, et c'est dans son « Collier » qu'il a cherché les causes réelles de la disgrâce des Barmécides.

Les sources auxquelles Ibn-Abd-rabbouh a puisé sont assurément très-antiques et très-pures; mais quoiqu'il nous offre dans son kitâb addourrat atthâniyah ( la seconde Perle ) des détails extrêmement attachants sur une époque qui coïncide avec le siècle de notre Brunéħilde, il s'en faut de beaucoup que les traditions qu'il nous a conservées puissent former ce que nous appellerions en français une Histoire des Arabes ismaélites au sixième siècle de l'ère chrétienne. Je n'ai pas dit assez : il s'en faut de beaucoup qu'Ibn-Abd-rabbouh ait consigné dans sa « Seconde Perle >> toutes les journées dont le souvenir subsistait encore de son temps. Il est évident qu'il a fait un choix : la nature de son recueil l'exigeait. Un grand nombre de questions resteront donc pour le moment sans réponse. Toutefois il est permis d'espérer que le même hasard qui m'a procuré la susdite Perle d'une manière tout-à-fait inattendue, ne me sera pas moins favorable lorsque je ferai des recherches suivies pour compléter l'histoire du siècle qui a précédé et préparé Mahomet. Que de trésors ignorés depuis Fez et l'Escurial jusqu'à Boukhâra, et depuis Oxford jusqu'au fond du Yaman! Que de richesses ensevelies dans cette ville même qui se dit toujours la métropole des études arabes, quoique la philologie antique n'y jette plus aujourd'hui qu'une mourante clarté! — Mais alors même qu'il faudrait désespérer de refaire d'une manière complète l'histoire de ce siècle poétique, qui, en expirant, enfanta l'islamisme, - un recueil de traditions. authentiques, qui remontent à cette époque, aura toujours son prix, et par lui-même comme tableau de mœurs, et relativement aux poëmes classiques de l'Arabie, qui, je le répéte, ne sauraient se passer de commentaire.

Il me reste à parler de la manière dont je traduis, c'est-à

conséquent longue, se prononce comme une brève dans le langage vulgaire, à moins que le mot ne se trouve à la fin d'une phrase.

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dire de moi, et je vous avertis que je serai très prolixe sur ce chapitre. Si donc vous n'êtes pas d'humeur lisante au reçu de ma lettre, gardez-en la fin pour un autre mood, et passez tout de suite aux Journées, qui sont beaucoup plus amusantes que les détails dans lesquels je vais entrer.

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Je commence enfin à comprendre un peu ce qu'on appelle en France l'arabe littéral, cet arabe que le seul Mahomet (dit la tradition) a possédé en entier. Mais, quoique tous mes efforts, depuis quatre ans de séjour en Orient, aient été dirigés vers l'acquisition de cet idiome désespérant, qu'un seigneur anglais caractérise assez bien en le nommant « the impossible arabic, j'avoue qu'il me serait effectivement impossible, en cette année de grâce 1836, d'arriver à l'intelligence parfaite du texte que j'ai sous les yeux, n'était le secours quotidien du schaykh Mouhammad Ayyâd de Tantah (que Dieu l'exalte ! ), l'un des philologues les plus distingués du plus illustre des collèges musulmans, la mosquée Alazhar. Pour concevoir les difficultés que présente le déchiffrement de notre manuscrit, il faut se rappeler,

1° Que la langue dont il offre un specimen est une langue tombée en désuétude, partout ailleurs qu'en Arabie, peu de temps après la promulgation de l'Alcoran, et que les enfants des premiers conquérants arabes ont dû étudier systématiquement, comme nous étudions le grec et le latin, afin de comprendre et les poëmes du paganisme et le livre même qui enterra le paganisme. Cette langue se conserva dans son berceau plus long-temps qu'ailleurs : mais les lettrés, mais ceux qui nous en ont transmis une portion, étaient en dehors de l'Arabie, dans les contrées nouvellement conquises;

2° Que les sujets dont notre livre traite sont totalement étrangers à l'islamisme;

3° Que le système d'écriture des Arabes est une sténographie, et quelle sténographie?— une sténographie dans laquelle beaucoup de lettres ne diffèrent que par le nombre et la position des points qui les accompagnent;

4° Que ces points sont très-souvent omis dans notre manuscrit, ce qui du reste est le cas pour la plupart des manuscrits fort anciens;

5° Que l'exemplaire unique sur lequel nous nous exerçons, offre ça et là, des fautes à corriger, des lacunes à remplir.

Quand toutes ces difficultés sont vaincues, quand toutes les idées du Râwî se sont réfléchies sur le miroir de ma pensée telles qu'il les reçut lui-même de son schaykh, vous allez croire que je suis au bout de mes peines?-Oh! que nous sommes loin de compte, mon cher Duprat ! Le plus difficile reste encore à faire. La pensée arabe une fois saisie, il faut l'habiller à la française sans la défigurer. C'est là précisément qu'est le labeur. Il ne s'agit plus, j'en conviens, de l'habit à la française proprement dit, mais si ce n'est l'habit de cour, c'en est un autre qui ne sied guère mieux à mes Bédouins : il me faut toujours parler le langage de ceux qui doivent me lire et que je veux attacher; que ce soit le français du dix-huitième siècle ou celui de l'année 1836, c'est toujours une langue dont le génie n'a rien de commun avec le génie arabe. Et quand mes lecteurs seraient assez prévenus en ma faveur pour me donner carte blanche et me passer tous les barbarismes imaginables, je n'aurais pas le courage de me prévaloir de leur indulgence, parceque je sais qu'ils n'y gagneraient rien ni moi non plus. Je cherche par tous les moyens possibles à atteindre le degré de fidélité que comporte l'état actuel de notre langue; mais je ne saurais le dépasser.

Jusque-là, me dira-t-on, tout est bien; vous subissez la commune loi, et pourvu que votre individu s'efface complètement devant l'individu arabe, on ne vous reprochera point d'avoir mis des paroles françaises dans la bouche de ce dernier. L'important est que vos idées, à vous, ne se jettent point à travers les siennes. Avez-vous évité cet écueil?

– Nullement. Je n'ai pas même cherché à l'éviter. Ce que Vous appelez un écueil n'en est un que pour celui qui ne comprend pas ce qu'il traduit.—M'effacer. — Tel serait en effet mon devoir si j'étais un auteur dramatique, peignant les hommes de mon pays et de mon temps. Mais celui qui, comme moi, introduit dans vos salons des personnages que Dieu en avait placés à douze cents lieues et douze cents ans de distance, ne peut pas les quitter un instant sans les exposer à mille désagréments dont il ressentirait le contre-coup d'une manière cruelle, et dont le moindre serait de n'être pas compris du tout. Car il y en a un

bien plus terrible: c'est d'être mal compris. Toutes les fois que je puis les traduire littéralement, je le fais de grand cœur; hors de là je les paraphrase. Bien fou qui se fierait aux protestations de tolérance universelle qui pleuvent depuis dix ans !... Je m'efforce, ai-je dit, d'atteindre le degré de fidélité que comporte l'état actuel de notre langue ; c'est à-peu-près comme si j'avais dit: l'état actuel de nos mœurs. Je crois que cette vérité n'a pas besoin de développement. -M'effacer. Mon interlocuteur pense-t-il qu'en me faisant traducteur, je doive abdiquer mon individualité, ma spontanéité? Je ne le dois ni ne le veux ni ne le peux. Je cherche bien depuis quatre ans à m'identifier avec les Bédouins de Mahomet, mais sans vouloir pour cela cesser d'être moi. J'ajoute une nature à ma nature, je n'en change pas (autrement je deviendrais moi-même inintelligible et aurais besoin d'être traduit); or ces deux natures ont le droit de se manifester côte à côte dans tout ce que j'écris, et la seule chose véritablement importante, chose à laquelle je tiens plus que personne, c'est qu'on ne puisse jamais, en me lisant, mettre sur le compte de l'une ce qui est du ressort de l'autre. Je n'ai point étudié l'arabe pour me rapetisser, ains pour m'agrandir;―et non content de mettre dans mes notes tout ce qui me paraît propre à éclairer mon sujet, j'intercale souvent dans ma traduction (mais généralement entre parenthèses) des phrases entières qui ne se trouvent point dans le texte ; et avec tout cela j'ai la prétention d'être fidéle, et le suis effectivement, en tant que je refléte la PENSÉE du narrateur. Quelques personnes blâmeront, je n'en doute point, ce système de traduction; mais j'aurai, pour me consoler, les suffrages de ceux qui savent apprécier la ressemblance d'un portrait sans avoir vu l'original, et qui, tout étrangers qu'ils sont à mon Orient, prendront confiance, dès la première page, en mes études, en ma critique, en mon amour de l'antiquité et du vrai. Lisez HadgiBaba, ce tableau parlant de moeurs de la Perse, ce modèle achevé des livres à faire sur l'Orient. Le bon sens et l'esprit européen dominent tout dans cette composition; et en effet ils doivent tout dominer sur la terre, parcequ'il est de leur essence de s'approprier toutes choses sans rien dénaturer. Là est le triomphe; en deçà est le labeur. Et qu'on ne me dise pas que l'auteur de Hadgi-Baba a voulu faire du roman, tandis

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