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Les trois patriarches, dont Aboû-Amr place la postérité après la bataille de Khazâz, sont donc :

Pour Qays-Aylân: Amir, fils de Ssassaah ;

Pour Tamim: Dârim, fils de Mâlik;

Pour Rabîat-Alfaras: Djouscham, fils de Taghlib.

Voyons à quelles époques vivaient ces trois personnages; et s'ils ne sont pas contemporains, nous supposerons que le plus ancien des trois a assisté à la bataille. Par-là, nous donnerons au jugement d'Abou - Amr la préférence qu'il mérite, tout en nous rapprochant le plus possible des temps où le « peuple des rouwâh » cherchait le généralissime de Maadd.

Voici la généalogie du premier jusqu'à Adnân, père commun des Arabes dont nous nous occupons :

AMIR fils de Ssassaah fils de Mouâwiyah fils de Bakr fils de Hawâzin fils de Mansoûr fils d'Akrimah fils de Khassafah fils de Qays-Aylân fils de Moudar fils de Nizâr fils de Maadd fils d'Adnân. (Douze générations.)

Voici la généalogie du second ;

DARIM fils de Mâlik fils de Hanzhalah fils de Mâlik fils de ZaydManáh fils de Tamîm fils de Mourr fils d'Oudd fils de Tâbikhah fils d'Ilyâs fils de Moudar fils de Nizâr fils de Maadd fils d'Adnân. (Treize générations.)

Voici celle du troisième :

DJOUSCHAM fils de Bakr fils de Habib fils d'Amr fils de Ghounm fils de Taghlib fils de Waïl fils de Qâcit fils de Hinb fils d'Afssâ fils de Doumiyy fils de Djadîlah fils d'Açad fils de Rabîah fils de Nizår fils de Maadd fils d'Adnân. (Seize générations.)

Le plus ancien des trois (en supposant les générations égales dans les trois généalogies, ce qu'on peut admettre provisoirement puisque ces trois généalogies se rapportent à des tribus vivant à peu-près sous les mêmes circonstances,)-le plus ancien de nos trois personnages est Amir, fils de Ssassaah. Or, entre Mahomet et Adnân, il y a vingt générations. Entre Amir et le même Adnân, il y en a onze. Si donc, nous retranchons douze de vingt, nous aurons le nombre de générations mecquoises comprises entre l'âge viril d'Amir et la naissance de Mahomet, qui est huit. Ce nombre 8 multiplié par 333, que je regarde comme la valeur d'une génération dans une ville quelconque, et partant à la Mecque, donne approximati

vement 267 pour le nombre d'années qui a dû s'écouler entre la bataille de Khazâz et la naissance du Prophète. Il est vrai que dans ce calcul, je suppose les générations de la ligne de Mahomet égales à celles de la ligne d'Amir au-delà du septième aïeul de Mahomet; mais cela n'est contestable que pour une petite portion des générations qui se trouvent au-delà de ce septième aïeul; car les Qourayschides ne furent confortablement établis à la Mecque que lorsque Qoussayy, quatrième aïeul de Mahomet, eut acheté d'Abou-Ghabschân les clefs de la Kabah, et l'on conçoit que plus on remonte à partir de cette date, plus on se rapproche du temps où les enfants de Maadd menaient tous le même genre de vie; et nous sommes d'autant plus fondés à faire porter la différence sur les générations voisines de Mahomet, que nous savons qu'Abdallah, son père, était ou le dixième ou le onzième enfant d'Abdalmouttalib. Si l'on ne veut point admettre de parité dans les degrés supérieurs, il faudra dire que la bataille de Khazâz est d'environ trois siècles antérieure à Mahomet.

le

Quant à Koulayb, il est effectivement impossible qu'il ait assisté à la bataille de Khazâz, quoi qu'en dise le «bonus Zawzanita, » qui prétend que la guerre entre Nizâr et le Yaman, c'est-à-dire la révolte des Banoû-Nizar contre les Yamanites, eut pour principe un soufflet donné par Labîd à sa femme, sœur de Koulayb-Wâïl. Ce Labîd, fils d'Ounouq et beau-frère de Koulayb, avait été (selon le même Zawzaniyy) préposé par roi de Ghassân au gouvernement de la tribu de Taghlib, à laquelle appartenait Koulayb-Wail; –ainsi, à en croire le commentateur des Mouallaqât, Koulayb-Wâïl, ce roi dont la fierté était proverbiale chez les Arabes, n'eût été qu'un sous-lieutenant des Ghassanides, qui n'étaient eux-mêmes que les lieutenants des Césars! Ce sous-lieutenant de la façon de Zawzaniyy, justement furieux du soufflet donné à sa sœur, assassina Labîd (and served him right), et la guerre éclata entre les Arabes ismaélites et le Yaman, sans doute parceque les rois de Ghassân, qui occupaient la frontière de Syrie, étaient d'origine yamanique!!! (Voyez le commentaire de Zawzaniyy sur le vers LXX de la Mouallaqah d'Amr-ibn-Koulthoûm.)

Je dis qu'il est impossible que Koulayb ait vu la bataille de Khazáz, et la raison en est péremptoire : c'est qu'il y a entre

Koulayb et Adnân un espace de vingt générations, en sorte que si les générations dans la ligne de Koulayb avaient la même valeur numérique que dans la ligne de Mahomet, Koulayb et Mahomet eussent été contemporains. —Voici la généalogie de Koulayb-Wâïl.

KOULAYB fils de Rabîah fils de Hârith fils de Mourrah fils de Zouhayr fils de Djouscham fils de Bakr fils de Habib fils d'Amr fils de Ghounm fils de Taghlib fils de Wâïl fils de Qâcit fils de Hinb fils d'Afssâ fils de Doumiyy fils de Djadîlah fils d'Açad fils de Rabiah fils de Nizâr fils de Maadd fils d'Adnân.

Mais, quoique ces générations n'aient pas à beaucoup près la même longueur que celles de la ligne de Mahomet considérées dans toute l'étendue de cette ligne, ou, comme on dit, l'une portant l'autre, on va voir que Koulayb-Wâïl n'a pas pu précéder le Prophète de plus d'un siècle. Or il est évident que la bataille de Khazâz dont l'époque et les principales circonstances étaient perdues à la fin du premier siècle de l'hégire, devait dater alors de plus de deux cent cinquante ans. (On compte ordinairement quarante ans entre la naissance de Mahomet et la première année de sa prédication, ou de l'islâm, et treize à quatorze ans entre le commencement de l'islâm et celui de l'hégire; il s'agit ici d'années lunaires.)

Les générations peuvent être considérées comme égales chez les tribus-sœurs de Bakr et de Taghlib qui menaient le même genre de vie dans le Désert. Or le poëte Maymôun, Abou-Nassr, surnommé Alaschâ (celui même dont M. de Sacy nous a entretenus, et qu'il nomme Aschâ, en supprimant l'article), était bakride et contemporain de Mahomet, à une génération de distance, ou un peu moins; car il nous apprend lui-même que la fornication l'avait quitté (ce n'était pas lui qui avait quitté la fornication) à une époque où Mahomet était encore dans toute sa force. Nous n'avons donc qu'à compter les aïeux d'Aschâ (en remontant) jusqu'au premier père commun de Qouraysch et de Bakr, ajouter deux à ce nombre, et diviser la somme par le nombre des personnages qui se trouvent entre Mahomet et le premier père commun en remontant (dans la ligne de Mahomet), pour avoir la valeur relative des générations du Désert et de celles de la Mecque. Nous évaluerons celles-ci à raison de trois par siècle, les habitants

de la Mecque se trouvant dans la donnée générale de l'histoire.

Voici la généalogie d'Aschâ:

MAYMOUN ABOU-NASSR, surnommé l'ASCHA, était fils de Qays fils de Djandal fils de Scharâhîl fils d'Awf fils de Sad fils de Mâlik fils de Doubayah fils de Qays fils de Thalabah fils d'Ouqâbah fils de Ssab fils d'Aly fils de Bakr fils de Wâïl fils de Qâcit fils de Hinb fils d'Afssâ fils de Doumiyy fils de Djadilah fils d'Açad fils de Rabiah fils de Nizâr fils de Maadd fils d'Adnân.

Le premier aïeul commun de Mahomet et d'Aschâ, en remontant, est Nizâr. Le nombre des aïeux d'Aschâ jusqu'à Nizâr exclusivement est vingt. Ajoutons deux pour le père d'Aschâ et pour le poëte lui-même, qui est antérieur à Mahomet d'une génération, quoiqu'il ait vécu de son temps, et nous aurons vingt-deux pour le nombre des générations bakrides comprises entre Nizâr et le fils aîné d'Aschâ que je suppose né le même jour que Mahomet. Or ces vingt-deux générations bakrides embrassent un espace de temps précisément égal à celui des dix-huit générations mecquoises qui se trouvent entre Mahomet et Nizâr, ce qui s'explique très-bien par les circonstances respectives où se trouvaient les tribus de Bakr et de Qouraysch. Les Bakrides vivaient dans le Désert et étaient perpétuellement en guerre avec leurs voisins. Ils se mariaient jeunes, à en juger par les Bédouins modernes, et un grand nombre mouraient de mort violente dans la force de l'âge. Les Qourayschides, au contraire, c'est-à-dire les ancêtres de Mahomet, occupaient la Mecque, séjour de négoce et de paix. Ils se mariaient sans doute plus tard comme tous les habitants des villes comparés à ceux des campagnes, et avaient plus de chances de parvenir à un âge avancé. Nous savons d'ailleurs qu'Abdallah, père de Mahomet, était le dixième ou onzième enfant mâle d'Abdalmouttalib, et l'on dit même qu'llyâs, un de ses ancêtres, fut ainsi appelé Ilyás, parceque son père Moudar n'espérait plus d'enfants lorsque sa mère le conçut (Alyas veut dire désespoir ou « désespérance »; devenu nom propre, il signifierait, suivant cette tradition, «l'enfant inespéré » ; mais je n'attache pas à cette étymologie plus d'importance qu'elle n'en a réellement). - D'après ces considérations, on aurait pu annoncer à priori que les générations de la ligne de Mahomet doivent repré

senter un plus grand nombre d'années que celles de la ligne d'Aschâ.

Supposons les premières de 33 ans '/3 selon le comput d'Hérodote, nous aurons depuis l'âge viril de Nizâr jusqu'à la naissance de Mahomet un laps de 600 ans (produit de la multiplication de 33, 33, etc. par 18). Maintenant, pour obtenir la valeur d'une génération dans les tribus de Bakr et de Taghlib, il n'y a qu'à diviser ce nombre par 22 (qui est celui des générations bakrides comprises dans un espace de 600 ans). Le quotient est 27 à peu de chose près. Les générations bédouines ne sont donc que de 27 ans.

Cela posé, si l'on se reporte à la généalogie de Koulayb, on verra qu'il est le onzième descendant de Wâïl, père commun des tribus de Bakr et de Taghlib, et que par conséquent il devait être contemporain de Scharâhîl, bisaïeul de l'Aschâ. Il y a donc trois générations taghlibides ou bakrides (ce qui revient au même) entre l'âge viril de Koulayb et la naissance de Mahomet. Ce nombre 3 multiplié par 27 ans donne 81 ans pour l'intervalle qui sépare ces deux époques, intervalle que l'on peut au besoin réduire à 60 ans ou étendre à un siècle, en considérant qu'il ne s'agit plus ici que de trois générations, et que la même rẻgle, infaillible pour une longue genéalogie, ne l'est plus autant à beaucoup près quand on l'applique à un petit nombre de degrés.

La bataille de Khazâz ayant eu pour résultat l'émancipation du peuple qui est, pour nous comme pour les musulmans, le peuple arabe par excellence, puisque c'est dans son dialecte que Dieu a dit son dernier mot par la bouche d'un prophète, on conçoit que le souvenir des principales circonstances de cet important événement n'aurait pas été entièrement perdu à la fin du premier siècle de l'hégire, si l'honneur de la victoire eût appartenu à un général aussi renommé et aussi voisin du temps de Mahomet que l'illustre Koulayb-Wâïl.

-

Mais, me dira-t-on peut-être, en faisant tourner contre moi l'argument dont je m'appuie, comment se peut-il que le commun des Rouwâh ait attribué à ce héros, si voisin de leur temps, une victoire qui a dû être remportée un siècle et demi avant sa naissance?

A cela je réponds par le texte d'une loi de l'esprit humain,

« FöregåendeFortsätt »