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ÉCOLES COMPLÉMENTAIRES DES LANGUES ORIENTALES.

NÉCESSITÉ POUR LA FRANCE DE ROUVRIR celles qu'elle POSSÉDAIT DANS LE LEVANT, AFIN D'Y FORMER DES ÉLÈVES-INTERPRÈTES.

Sous Louis XIV on fonda à Paris une école orientale; mais son but n'était pas d'enseigner aux Européens les langues de l'Orient. Elle avait au contraire uniquement pour mission d'apprendre le français aux jeunes Arméniens catholiques qu'on faisait venir du Levant. Les Maronites. du Mont-Liban allaient étudier à Rome au collége créé à leur intention par les papes. Ils y apprenaient le latin et l'italien; leurs études achevées, ils revenaient dans leur patrie et y entraient généralement dans les ordres, mais ils étaient libres de rester dans l'état civil. On savait, en France, que nos missionnaires, dans le Liban, enseignaient le français et que les jeunes Maronites, après avoir fait toutes leurs classes sous leur direction, entraient au service des consulats et des établissements de commerce de la Syrie comme interprètes, commis, commis-voyageurs, farrafs, gardes-magasins, etc. Leur principal collége était situé à Antoura; il eut d'abord pour professeurs des jésuites et passa ensuite dans les mains des lazaristes.

Les Arméniens, ayant fait leurs études à Paris, étaient, à leur retour, employés dans le nord de la Turquie et dans le midi jusqu'à Smyrne. Depuis Smyrne jusqu'en Egypte, à l'exception des îles de l'Archipel, où on ne parle que grec, il fallait, en outre, des hommes sachant l'arabe: on eut recours aux Maronites. En Egypte on prit des Cophtes, qui sont également catholiques. Beaucoup possédaient le français ou au moins l'italien, car les missions d'Egypte n'étaient occupées que par des Italiens, et ils ne pouvaient enseigner d'autre langue aux catholiques du pays. Ce n'est que dernièrement que les lazaristes se sont établis dans cette province, et chez eux on apprend aujourd'hui le français.

Mais les interprètes du pays jouaient un rôle beaucoup trop secondaire auprès des autorités locales qui les considéraient toujours comme rayas. Les consuls firent à cet

égard des représentations au gouvernement français qui prit les déterminations suivantes :

1° Plus d'Arméniens dans le collége de Paris;

2o Leur remplacement par des Français admis à étudier le turc et l'arabe;

3o Envoi de meilleurs sujets à Constantinople pour y aller achever leurs études sous la direction des pères capucins. L'école de Constantinople forma de bons élèves dans la langue turque; mais il n'en fut pas de même pour l'arabe. Nous lui devons, du reste, de remarquables interprètes, parmi lesquels on cite avec éloge les Détaria, les Roboli, les Ruffin, les Deval, les Dantan, les Bianchi et autres.

La révolution de 1793 amena la suppression de l'école de Constantinople, et je crois même la suspension momentanée de celle de Paris. La première fut réouverte sous le consulat de Bonaparte, lors de la paix entre la France et la Turquie. Comme il n'y avait plus alors de capucins en France, un directeur fut envoyé de Paris pour surveiller les élèves et les professeurs du pays chargés de leur instruction.

L'institution suivit la même marche sous la Restauration, avec cette différence toutefois que les élèves, au lieu d'apprendre l'arabe à Constantinople, allèrent se perfectionner dans cette langue à Ain-Wuarka dans le Liban.

De ce collége du Liban sont sortis, à ne parler que de nous, des interprètes très-versés dans l'arabe. Nous mentionnerons, entre autres, MM. Desgranges frères, Caussin de Perceval, Dantan frères, Derché, Jousse, Geofroy frères. Plus tard, par esprit d'économie, car je ne saurais alléguer d'autres raisons, on ne donna plus cette direction aux élèves, et les étrangers, nos imitateurs, rappelèrent ceux qu'ils y envoyaient.

Le gouvernement de Louis-Philippe, encore plus parcimonieux, ne conserva que le collége de Paris. Les élèves en sortent pour être répartis dans les Echelles du Levant. Ils Ꭹ arrivent pouvant en savoir beaucoup en théorie, mais nuls dans la pratique, au moins pour quelque temps. Ce temps

serait beaucoup mieux employé pour eux et pour le service, si, dans l'Orient même, ils passaient d'un tollége à un autre, afin d'y achever leurs études, sous des maîtres en état de leur apprendre la prononciation. Ainsi ils pourraient immédiatement entrer en exercice et augmenter le nombre des interprètes qui se sont distingués dans cette carrière.

De tout ce qui précède résulte, à notre avis, l'urgente nécessité de rétablir les écoles de Turquie, car celle de Paris ne saurait être considérée comme un établissement préparatoire. Nous envoyons bien des élèves à Rome pour s'y perfectionner dans la statuaire, la peinture, la composition musicale; nous en envoyons bien à Athènes pour qu'ils y deviennent d'habiles architectes et de bons hellénistes. Pourquoi ne pas en envoyer aussi dans l'empire ottoman s'y former dans les langues turque et arabe ?

Remarquons, en passant, que les Autrichiens, au lieu d'avoir leur collége oriental à Vienne ou à Constantinople, l'ont établi à Andrinople. Ils soutiennent que leurs élèves, ne voyant dans cette ville que des Turcs et ne pouvant converser avec d'autres, y acquièrent plus facilement la langue et y apprennent à la bien prononcer, ce qui est indispensable si l'on ne veut pas devenir la risée des autorités locales peu indulgentes généralement envers ceux qui prononcent mal, défaut qu'elles n'excusent point, surtout chez des personnes revêtues du caractère d'interprète.

Nous ne demandons pas qu'on place notre collége français à Andrinople, qu'il reste à Constantinople comme par le passé, mais que les études y soient l'objet d'une surveillance continuelle. Puis, quand les élèves auront appris le turc, qu'on les envoie à Ain - Wuarka se fortifier dans l'arabe. Il va nous falloir dans peu de temps bien des interprètes possédant cette langue pour en pourvoir le canal de Suez et les rives de la mer Rouge. Je voudrais aussi qu'on leur donnât la mission d'aller répandre et populariser le bon arabe en Barbarie. Ce serait rendre un grand service que de détruire sur place le jargon qu'on y parle.

Ma plus grande difficulté, quand j'étudiais l'arabe à Alep, était de prononcer le khè. Un jour, mon maître me dit : « Faites comme si vous vouliez cracher et vous articulerez distinctement cette lettre. » L'épreuve fut concluante. Je m'étonne toujours de l'entendre prononcer encore si mal quand il est si facile de la rendre au naturel. Volmy ne s'est pas avisé de la direction à donner au gosier pour reproduire cette septième lettre de l'alphabet, qui est aussi simple à articuler que les autres.

Les écoles françaises que l'association de Paris se propose d'établir dans le Levant ne peuvent manquer d'y répandre notre langue. Je l'engage aussi à s'occuper d'une manière sérieuse du Liban, où je ne vois plus d'autre institution française de ce genre que le collége des lazaristes. Le canal de Suez va demander des interprètes pour le commerce et pour la navigation. Il faut donc se hâter de former des élèves afin de pourvoir aux besoins des nouvelles colonies d'Européens qui s'établiront sur les rives du canal et dans la mer Rouge, ainsi que pour les bâtiments qui, dans leur trajet à travers l'isthme, auront à faire plusieurs escales.

Avant de terminer, je dois dire que le collége d'AinWuarka est bien entretenu, qu'il est situé dans un climat tempéré, qu'il possède une source d'eau très-bonne et trèsabondante. Un évêque en est directeur. On y enseigne le syriaque, le latin, l'arabe et l'italien. C'est le plus bel établissement scolaire du Liban. Les élèves ne paient que la nourriture, et comme elle est frugale, les frais ne sont pas considérables. Tout près est le bourg d'Angusta, où ils vont faire parfois de meilleurs repas. La prononciation de l'arabe en Syrie peut être préférée à celle de l'Egypte, qui est très-gracieuse. L'arabe de la Syrie est parlé avec ce même accent jusqu'à Bagdad. La prononciation des Arabes de l'Arabie est plus douce, il est vrai, mais on ne peut aller apprendre la langue chez eux. Il vaut donc mieux étudier en Syrie, puisque, au sortir de là, on peut se faire com

prendre dans tout l'est et que l'arabe qu'on y parle se rapproche beaucoup de l'arabe littéraire.

CH. ED. GUYS,

Ancien consul de France en Orient.

LES ÉCOLES LES PLUS UTILES A L'ALGÉRIE.

Un rapport adressé, il y a quelques mois, à S. Ex. le ministre de la guerre par un inspecteur général de l'instruction publique, a constaté, de nouveau, l'aptitude des populations arabes à la lecture et à l'écriture: il y a là évidemment une preuve incontestable des services que l'enseignement primaire peut être appelé à rendre à l'administration civile. Mais, parce que M. l'inspecteur général, pensant que l'armée est insuffisante à entraîner les Arabes dans le courant de la civilisation, souhaite leur initiation prochaine à notre langue, à nos connaissances, à nos idées, à nos habitudes, daus un collége arabe-français, quelques esprits, s'inspirant plus de leur propre intérêt que de celui de l'avenir de la colonie, qui est cependant si intimement lié à la civilisation du peuple conquis, ne se sont-ils pas avisés de chercher à démontrer la nécessité de créer pour la population arabe et française une école de médecine à Alger! Tout homme néanmoins qui connaît notre belle colonie, non pas comme touriste, ni pour avoir habité la rue de la Kasbah, mais pour avoir parcouru le pays et l'avoir étudié dans ses éléments divers, doit regretter de voir se propager de semblables conseils. A ces imprudents, qu'il nous soit permis de résumer notre pensée sur ce point, en peu de mots, persuadé qu'elle trouvera de l'écho chez tous les administrateurs sérieux et dans la classe laborieuse qui féconde de ses sueurs le sol algérien.

Vous voulez, dites-vous, faire de notre possession africaine une succursale utile à la France? Rien de mieux; mais alors soyez conséquent avec ce principe, et choisissez vos moyens parmi ceux qui sont de nature à conduire promplement et sûrement la colonie à ce but. Croyez-vous être réellement dans cette voie en créant, à grands frais, en Algérie, des médecins civils et des médecins arabes? Mais vous oubliez, ou peut-être ne voulez-vous pas voir, que la métropole regorge d'hommes voués à l'art de guérir, et qu'elle n'a jamais (que nous sachions du moins) manqué de docteurs pour assurer le service de santé de tous vos centres de colonisation! Regardez, au contraire, à vos pieds: ce sol que vous fou

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