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légitime maître, le tzar Pierre III, qu'on dit être caché dans

ces montagnes.

Les étrangers avaient cessé de parler depuis quelque temps que les Klephtes écoutaient encore. Ils se regardaient les uns les autres avec de grands yeux et la bouche béante, tant était grande la surprise que leur causait ce langage. Enfin leur vaillant capitaine, hochant la tête, leur répondit : « Braves étrangers, je souhaite que vous réussissiez à le trouver, mais j'en doute. Il n'y a pas un recoin du Monténégro que je n'aie fouillé ; je sais où l'aigle cache ses aiglons; je sais où la louve a sa tanière et où le torrent a sa source; mais ni sur la crète des rochers, ni dans les eaux des ravins, je n'ai aperçu les traces de votre maître fugitif, l'empereur de toutes les Russies...

« Le voici! » crie Stéphano d'une voix tonnante. Aussitôt il rejette son habit de moine et il apparaît dans le costume brillant d'un prince et d'un guerrier. Des étoiles d'or décoraient sa poitrine; son chiffre se lisait en diamants sur les bordures de ses épaulettes et sur le pommeau de saphir de son épée. En un clin-d'œil son manteau était changé; sa tête, ordinairement penchée vers la terre, s'était relevée et semblait commander l'obéissance. Sa main, habituée à porter le chapelet et le crucifix, pressait la garde de l'épée avec impatience. >>

Les Turcs, instruits des mouvements des Klephtes, envoient des troupes pour les attaquer. Zebros et Pierre III font des prodiges de valeur; mais ils sont vaincus et contraints de fuir. Le belle Irène ne s'éloigne jamais de son amant; elle est sa consolatrice, son soutien et sa providence.

Au cinquième chant, le poète décrit la cour de Catherine II. Parmi les favoris de cette impératrice, il en est un dont on ignore l'origine et qu'on appelle Stephanoff. Ce favori inconnu c'est le moine du Monténégro. Il jouit d'une influence égale à sa faveur, et son bonheur serait sans nuage si sa conscience était tranquille. Irène trahie a juré de se venger;

elle pénètre jusqu'à Stephanoffet se poignarde sous ses yeux.

Ce poëme remarquable trouvera un traducteur. Le style en est magnifique; l'intrigue en est dramatique et intéres

sante.

Nous avons dit que les deux volumes de M. Rizo se terminent par des essais en français et en allemand; les derniers sont de beaucoup les meilleurs. Cependant quelques vers français sont d'une facture si correcte et d'un sentiment si vrai, que nous les consignerons ici comme une curiosité littéraire.

A madame la princesse C. G. sur un volume de poésies.

Je t'avais rencontrée à l'heure enchanteresse

Où la vie en riant prend son premier essor.

Depuis, les maux et l'âge ont flétri ma jeunesse ;
Mais mon cœur fatigué, mon cœur est jeune encor.
Quand j'aurai terminé mon errante existence,
Jette parfois les yeux sur ces feuilles, et pense
Que le cœur d'un ami repose sous ces fleurs.
Pense aux jeux innocents de notre heureuse enfance,
Aux roses sans l'épine, aux plaisirs sans les pleurs.

Les vers allemands sont des traductions de poëmes d'Alexandre Soutzo, le rival et l'ami de Rizo Rangavi. N'est-ce pas un fait touchant et bien rare dans les fastes de la littérature que deux poètes du même pays se vouant une amitié et une admiration sincère?

Une littérature qui compte déjà de tels hommes mériterait d'être connue, et l'on s'étonne qu'il n'y ait pas à Paris une chaire où elle soit enseignée.

LOUIS DELATRE.

Lettre de M. RIZO RANGAVI, ministre des affaires étrangères de S. M. le Roi de Grèce, à M. LOUIS DELATRE, sur les poètes grecs modernes'.

Athènes le 8 (20) septembre 1856.

Monsieur, mille fois merci pour votre article et pour l'attention que vous avez bien voulu avoir de me l'envoyer. Je n'espérais pas que le faible murmure de notre Castalie, réduite à un filet bien pauvre, pût arriver jusqu'à vous; je n'espérais pas surtout que mes essais poétiques pussent avoir l'honneur d'une si intéressante dissertation. C'est un puissant encouragement pour la littérature naissante de la Grèce, que de sentir qu'elle ne passe pas tout à fait inaperçue et qu'il y a des amateurs courageux qui vont la chercher dans son obscurité, comme ces astronomes instruits qui découvrent les planètes du dernier ordre, imperceptibles au commun des hommes.

Je vous remercie aussi de me traiter d'érudit. Je sais à quoi oblige cette épithète; mais qui peut respirer à l'ombre des colonnes du Parthénon sans s'occuper d'art, de science et de poésie?

Vous parlez des mètres que j'emploie et de ceux que je voudrais voir adopter. Je regrette à ce sujet de ne plus posséder une petite comédie que j'ai composée sous le titre de Mariage de Coutrouli (tot Koutpoún ó yάμos) et dans laquelle j'ai essayé d'appliquer mes idées sur la métrique moderne. L'édition de ce petit ouvrage est épuisée, car vous auriez vu que ce sont les vers rongeurs, calembourg à part, qui y sont surtout employés. Si je réussis à mettre jamais la main sur un exemplaire, je vous l'adresserai comme une marque de ma bien sincère reconnaissance.

Avez-vous connu un auteur qui ait jamais été pleinement satisfait de la critique dont il est l'objet, aussi in

1 Nous nous empressons de publier cette lettre de S. E. M. R. Rangavi à notre collaborateur; notre impartialité nous y oblige. Au reste le lecteur verra avec plaisir que si la politique arrache quelquefois un savant et un poète à ses études favorites, du moins elle ne lui ôte pas son esprit. (Note de la Rédaction.)

dulgente, aussi flatteuse qu'elle puisse être? Assurément non, car un auteur a toujours quelque objection à faire, tant petite soit-elle; eh bien! je vous demande d'autant plus la permission d'user sous ce rapport de mes droits d'auteur que je crois ne pas vous être désagréable en vous aidant à mieux connaître certains recoins de ces ténèbres poétiques au milieu desquelles vous avez bien voulu vous engager. D'abord, un des ressorts de la pièce intitulée Phrosyne, qui n'est peut-être pas assez relevé dans l'analyse, c'est qu'Eminé avait élevé elle-même Phrosyne comme sa fille :

« Une vierge obscure, etc. » (voy. p. 139), ne se rapporte pas à l'amour d'Aly pour Phrosyne, ces vers rappellent le premier choix que le pacha avait fait d'Eminé elle-même.-P. 143: « Comment ils pourront rompre, etc. >> Il faut lire « Dis-moi comment ils ont rompu, etc. »> P. 145: « Voilà les espérances que tu me donnes. » Il faut plutôt lire: «< Sont-ce là les espérances que j'avais conçues? »

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Pour que je relève de pareilles misères, vous voyez combien le sentiment de la paternité est chatouilleux chez un auteur; et cependant cette progéniture plus ou moins poétique est aujourd'hui bien loin de moi. D'autres soins me réclament! Aussi je soupire ardemment après un moment de repos sur les bords de l'Hippocrène, quand même son cours ne ferait tourner que la roue d'un modeste moulin; mais il en a été décidé autrement par la Providence, et il faut que je reste moi-même encore attaché à la meule!

Agréez, etc.

R. RANGAVI,

Ministre de la maison de S. M. le roi de Grèce et des relations extérieures, correspondant de l'Institut

de France.

SIAM ET LES SIAMOIS.

Le nom de Siam (chez les indigènes Sayam), par lequel l'on désigne aujourd'hui l'un des royaumes les plus importants de l'Inde au-delà du Gange, était primitivement celui d'une race d'hommes au teint brun et à l'aspect mongole qui s'était établie sur les bords du fleuve Më-nam (la Mère des eaux), et dans les pays avoisinants. Aujourd'hui les Siamois se désignent eux-mêmes sous le nom de « Thaï », c'est-à-dire « hommes libres, » probablement en commémoration de leur affranchissement du joug de Camboge, sous le règne de P'ra-Ruang (vers l'an 650 de notre ère).

Le royaume de Siam, depuis l'établissement des Européens sur ses côtes, a resserré les limites de son territoire, dont plusieurs portions importantes sont passées au pouvoir du gouvernement britannique. Cependant, dans l'état actuel, il ne laisse pas de présenter encore une vaste superficie comprise entre les 96 et 103° degrés de longitude orientale du méridien de Paris, et les 5 et 22° degrés de latitude boréale.

Deux rois gouvernent le royaume de Siam : P'ra-BoromInthara-Maha-Mongkut, qui est actuellement le premier, et celui entre les mains duquel se trouve, en réalité, le pouvoir, est d'un caractère très-libéral et ami du progrès. Il accueille avec bienveillance les étrangers qui abordent dans son royaume ; il y tolère les religions nouvelles et les protége lorsqu'elles ont pris une certaine importance. Les sciences européennes excitent vivement son intérêt, et il en suit le développement avec plaisir et sollicitude, par la lecture des ouvrages européens qui parviennent jusqu'à lui. Il comprend parfaitement la langue anglaise qu'il a même l'habitude d'écrire correctement. Grâce aux progrès réalisés chez les Siamois sous le règne de ce grand souverain, le royaume de Siam est, peut-être plutôt qu'aucun autre Etat de l'Asie, prêt à s'allier à la grande famille des nations occidentales, où il sera sans doute respecté autant qu'il le

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