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DE L'ALPHABET.

II y a lieu de croire que tous les systèmes d'écriture ont eu pour base, à leur origine, une représentation plus ou moins exacte de l'objet dénommé. Plus tard, on imagina le système phonétique où chaque signe ne compte que pour une lettre qui est la première du mot dont ce signe exprime la chose. C'est la méthode généralement suivie par les Egyptiens; c'est le principe qui a présidé à la composition de l'alphabet phénicien que les Grecs adoptèrent avec de légères modifications et qui, des Grecs, passa aux Latins, auxquels nous l'avons emprunté à notre tour.

Les Phéniciens choisirent pour leur alphabet les objets qui s'offraient le plus souvent à la vue et qui pouvaient être le plus facilement reconnus de tout le monde. Ce fut d'abord le bœuf (ou taureau), puis la maison, le chameau, la porte, etc.

L'origine phénicienne des caractères grecs est démontrée d'abord par la forme de ces caractères, qui est la même en phénicien, en hébreu, en grec, en latin et en français, sauf de légères variantes, et ensuite par les noms que ces caractères portent en grec. Ces noms sont tous des mots sémitiques qui avaient un sens pour les Phéniciens et pour les Hébreux, mais qui n'en avaient aucun pour les Hellènes.

Voici la liste de ces noms en phénicien et en grec avec leur traduction.

1° ALEPH (pa), bœuf, A, A, a, a.
2o BETH (BT), maison, B, 3, b, b.
3o GUIMEL (ά), chameau, G, r, g, 9.
4° DALETH (To), porte, 4, 5, D, d, d.

5° HE (è yóv)...?? E, e, e.

E

6° VAV (ó), clou, Y, V, v, v, U, u.
7° ZAÏN, flèche.

8° CHETH (T), haie, enclos, H, n,
9° THETH (9), serpent, e, 9, 0.
10° IOD (ira), main, I, ‹, i, i.

h. h.

41° CAPH (***), creux de la main, K, x, C, c, c. 12° LAMED (άμ), aiguillon pour piquer les bœufs, A. λ. L, 1, 1.

13° MEM (u), eaux, vagues, M, r, m, m.

14° NUN (), poisson, N, », n, n.

15° SAMECH (x), appui (lit?), z, e, s, S, s, s.

16° AÏN (μexpó), œil, 0, 0, 0.

17° PÉ (7), bouche, п, -,, Р, р, p.

p,

18° TSAD (α), flanc, Z, 5, z, z.

19° QOPH (×óллα), le trou de la hache ou la hache, Q, q, 9. 20° RESCH (p), P, R, p, r, r.

21° SSÉ et 22° SCHIN, dent.

23° TAV (T), croix (ou clef?), T, г, t, t.

Ainsi l'alphahet phénicien offrait l'image des choses les plus utiles à l'homme et des principales parties de son corps. Chacun de ces signes avait la valeur de la première lettre du nom de l'objet qu'il représentait. Le bœuf (Aleph) valait à; la maison (Beth) valait в, et ainsi de suite.

Les Grecs supprimèrent quelques signes et en ajoutèrent quelques autres; ils les retournèrent presque tous de gauche à droite ou les renversèrent sens dessus dessous. Les Latins qui adoptèrent cet alphabet ainsi modifié lui firent subir, à leur tour, quelques nouvelles altérations qui l'éloignèrent encore plus de son modèle. Ainsi, malgré toutes ses révolutions, l'alphabet grec-latin dont nous nous servons présente encore tant d'analogie avec l'alphabet phénicien, et les signes qui le composent offrent encore si bien l'image des objets dont ils sont la reproduction, qu'on peut l'appeler aujourd'hui même un alphabet hiéroglyphique. Nous passons aux preuves.

1° La première lettre de notre liste représentait dans l'alphahet phénicien une tête de bœuf armée de ses cornes. Les Phéniciens la dessinaient ainsi y. Les Grecs la renver

sèrent: A. Les Latins l'écrivirent A. Mais dans l'écriture dite italique, les cornes sont encore très-reconnaissables:

a. a.

2o Dans l'origine le B était couché; on l'écrivait ainsi . Son nom phénicien (BETH) signifie maison; les deux ronds sont deux portes.

3o La troisième lettre représente un chameau. La forme de cet animal est encore reconnaissable dans la majuscule G et même dans là minuscule g, g; le rond supérieur de ce dernier figure la tête de l'animal; le crochet qui est à droite représente l'une des oreilles.

4o Le DALETH ou la porte est reconnaissable dans le a grec et dans le D latin, mais ce dernier doit être couché ; très-vraisemblablement, les Phéniciens faisaient leurs portes et leurs lettres D de deux manières; les Grecs s'approprièrent les deux formes dont une seulement passa dans l'alphabet latin.

5o Le sens de la lettre нÉ est inconnu. Les Grecs en ont fait leur E d'où l'E, e, e latin.

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6o Le VAV ou CLOU a fourni aux Grecs l'Y, dont les latins firent un V par la suppression du jambage inférieur qui représentait le corps et la pointe du clou. Du petit y que les Grecs figuraient v, les latins figuraient l'u, u, U. Ceci explique pourquoi dans l'origine l'u et le v n'étaient qu'une seule et même lettre. On n'a commencé à les séparer que vers le seizième siècle.

7° Le ZAIN ou flèche n'existe ni dans l'alphabet grec ni dans le latin.

8° Le CHETH Ou haie est devenu un H en grec et en latin' Dans l'alphabet phénicien cette lettre est fermée par une barre en haut et én bas, ce qui donne toute l'apparence d'un enclos ou parc pour les bestiaux.

9o Le serpent ou THET a encore la forme d'un reptile dans le des Grecs. La majuscule représente un serpent enroulé, le point médial est la tête de l'animal.

10° L'alphabet gréco-latin n'a conservé du IoD ou main

qu'un doigt, peut-être l'index, que représente très-bien l'I, i, i.

11o Le creux de la main (CAPH) est encore reconnaissable dans notre C, c, c. Le K grec est la même lettre; la barre verticale exprime la main; les deux appendices figurent l'index et le pouce.

12° Le LAMED ou aiguillon s'est maintenu dans le à grec d'où est venu I, l latin.

13°. L'м a encore la forme des vagues de lames dont il porte le nom en phénicien et en hébreu.

14° La lettre phénicienne (NUN) a tout à fait la forme d'un poisson. Mais cette forme a complétement disparu dans les signes gréco-latins N,, n, n.

15° Le profil d'un appui ou d'un lit se trouve encore dans les signes (M) et S ().

16° Nous écrivons encore le AïN (oil) exactement comme les Phéniciens: O, o, o. Seulement dans l'origine on plaçait au milieu du rond un point qui marquait la prunelle et que l'on supprima plus tard.

17°. Il n'y a que le grec qui rappelle la forme de la bouche, mais pour cela il faut le remettre debout . Lesautres formes, Р, p, p, n'ont plus qu'un faible rapport avec l'original phénicien.

18° Le TSAD ou flanc nous a fourni notre Z que nous appelons zed comme les Phéniciens. La minuscule grecque a toute la forme d'un flanc ; la ligne courbe est la hanche, le petit appendice est le bras.

49° Le CоPH ou hache est notre Q. Le minuscule q rappelle très-bien la forme de cet instrument.

20° Le R des Latins et le P des Grecs représente encore très-bien une tête sur son cou (RESCH, tête). L'appendice que les Romains y ont ajouté figure la barbe.

21° et 22° Ces deux signes manquent à l'alphabet grécolatin.

23° Ce signe, qui signifie croix (ou clef?) nous est parvenu intact et notre T, t, t, est toujours une croix. La clef

du Nil qu'on voit dans la main de certaines divinités égyptiennes a exactement la forme de cette lettre, d'où on peut conclure que le mot tav a pu signifier une clef.

Il serait curieux de chercher la raison qui fait placer les caractères phéniciens dans l'ordre où nous les voyons, ordre qui fut observé machinalement par les Grecs qui faisaient usage des lettres phéniciennes sans en comprendre la valeur. Cet ordre, qui avait une raison pour les inventeurs de l'alphabet et qui n'en a plus pour nous, a été l'un des plus grands obstacles aux progrès des lumières, parce que l'alphabet est la première chose que l'on apprend, et que cette chose s'offrant à l'esprit sous l'aspect d'une grossière absurdité, le premier pas que nous faisons dans le monde de la science se trouve être un faux pas.

Le véritable ordre alphabétique pour nous autres néolatins, c'est celui de l'alphabet naturel où les lettres sont divisées en sons et en articulations. En français on compte sept sons, savoir : quatre forts, A, O, OU, U, et trois faibles, savoir: E, I, EU.

Les articulations sont au nombre de cinq, savoir:

Labiales: P, B, M, V, F.

Dentales et sifflantes: T, D, S, Z.
Palatales: CH, J.

Gutturales: K ou C, G (Gu), H (aspiré.)
Liquides: R, L, N.

Voilà le seul ordre alphabétique raisonnable dans l'état actuel de nos connaissances; tout autre arrangement de lettre est un désordre affreux qui doit faire horreur aux honnêtes gens.

LOUIS DELATRE.

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