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prendre, soit pour la discipline de l'armée, soit pour la gloire et pour la défense du pays!

Pour moi, je fais serment, au nom de Dieu et de la patrie, sur votre vie et sur votre vaillance, sur saint Georges qui nous regarde', du haut de ces étendards qui nous ombragent; je fais serment d'être à vous jusqu'à la fin.

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Alors les chefs, pleins de respect, baisent la croix et saluent Tudor qui les fixe, pendant que les prêtres vont dans les rangs, répandant l'eau sainte, inspirant le repentir aux coupables, à tous la foi en Tudor et en son entreprise.

Il est des volontés que rien n'arrête et qui vont droit au but cœurs d'airain, esprits inflexibles qui se forment quand s'agite la foule. Ces hommes paraissent, ils commandent et ils sont salués dictateurs.

Dans les rangs passe une grande frayeur... Un géant s'avance portant la grande image de la Vierge au bout d'une lance. A ses côtés marchent deux hommes, portant deux pals, sur chacun desquels est fixée une tête sanglante et défigurée. Au-dessous, pendent de nombreux bijoux.

:

Des hérauts marchent devant d'un pas fier et majestueux ils vont, jetant d'une voix lugubre ces mots qui sèment l'effroi dans tous les cœurs : « Voilà le châtiment réservé à tous ceux qui manquent à Tudor et à leur devoir!>>

CÉSAR BOLLIAC.

1 Sur les étendards roumains figurent l'image de saint Georges terrassant le dragon.

DE LA SÉRICICulture en grÈCE.

Tout le monde sait dans l'Europe occidentale que la Grèce, eu égard à sa petite étendue et au petit nombre de ses habitants, est un des pays les plus commerçants et les mieux pourvus d'une bonne marine marchande. On le sait et on le dit, parce que le caractère du peuple hellénique porte ombrage à une nation puissante qui prétend au monopole du commerce maritime. Mais il est un point de vue sous lequel la Grèce n'est nullement connue : on ignore les efforts que fait ce petit peuple, dont la régénération ne date que d'un quart de siècle, pour se développer du côté de l'industrie. Afin d'en donner une idée partielle, nous allons parler d'une industrie qui n'intéresse pas moins la France que la Grèce, parce qu'elle constitue entre ces deux pays une source de commerce destinée à acquérir de grands accroissements: nous voulons parler de la filature de la soie.

Le sol et le climat de la Grèce sont merveilleusement appropriés à la culture du mûrier et à l'éducation du ver à soie. Le mûrier y pousse naturellement et y atteint des proportions considérables. C'est même à son abondance que la Morée doit son nom 1. Le ver à soie y vient aussi fort bien; il y produit des cocons qui peuvent rivaliser avec ceux de la Chine et du Thibet. Mais si la soie existe en Grèce depuis des siècles, il y a vingt ans à peine qu'on a commencé à la filer par les machines modernes.

C'est à M. Balbi et surtout à MM. Durutti que revient l'honneur d'avoir établi les premières filatures de soie. Ayant obtenu, en 1837, de son gouvernement un privilége pour la filature de la soie d'après les procédés italiens et français, M. Durutti établit une filature de 44

1 Le mûrier se nomme en grec μopia, et Morée se dit Mapia. Ce nom de l'ancien Péloponèse date du cinquième siècle.

bassines à Sparte et une autre de 42 bassines à Nisi, tout près de Calamata, en Messénie. M. Balbi en fonda une autre dans l'île d'Andros. M. Durutti appela près de lui les plus habiles fileuses de l'Italie et obtint les résultats les plus satisfaisants. Les soies filées dans ses fabriques furent tellement belles qu'il put ouvrir de nouveaux débouchés à cette marchandise, envoyée jusque-là à Tunis seulement. Il les plaça sur les marchés de Lyon, de Marseille et de Londres, où elles furent vendues au même prix que celles de Fossombrone 1.

L'admirable réussite de l'entreprise de M. Durutti encouragea d'autres filateurs. Malgré le privilége qui lui avait été conféré de tous côtés, à Sparte et en Messénie, on se mit à contrefaire les machines qu'il avait importées et à embaucher ses fileurs les plus instruits. C'est ainsi que furent créés divers établissements, parmi lesquels nous citerons ceux de Lamia, du Pyrée et de Calamata. M. Durutti en a souffert longtemps, d'autant plus qu'il avait été obligé de faire de grands sacrifices avant d'arriver au succès qu'il avait ambitionné. Mais le pays en a retiré un grand profit. A partir de ce moment, le prix de la soie, filée suivant une bonne méthode, s'est trouvé doublé.

La sériciculture acquit en Grèce assez d'importance pour attirer l'attention des spéculateurs étrangers. Une société anglaise se forma et créa à Athènes une fabrique qui lui coûta 400,000 fr. environ. Placé au coin des rues du Céramique et de Sépolia, dans un quartier fort sain et comprenant un espace de 15,600 mètres carrés, cet établissement était unique dans le monde par sa grandeur. Malheureusement la compagnie anglaise n'avait pas bien calculé ses dépenses sur son actif. Elle ne put pas achever la filature et fut obligée de la faire vendre aux enchères. M. Durutti comprit combien l'achat de cet établissement

1 Cette petite ville, située dans les Etats du pape, près d'Ancône, est renommée dans le monde entier par ses filatures.

pourrait être utile, s'il avait lieu par des personnes ayant assez de capitaux pour le terminer et pour faire les sacrifices nécessaires à son exploitation. Il forma, avec quelques hommes les plus considérables d'Athènes par leur fortune et leur position, une société en commandite qui prit le nom de Société séricicole de la Grèce et la raison sociale de A. G. Durutti et Compagnie. La filature anglaise fut acquise, achevée et agrandie de 5,200 mètres carrés.

La Société fit venir de France un contre-maître et plusieurs contre-maîtresses. Elle fit commencer les travaux vers le mois de mars 1855, et, au bout de l'année, grâce au zèle infatigable de son directeur, elle put former un nombre de fileuses suffisant pour utiliser les 250 bassines que comprend cet immense établissement. La filature produit ainsi de 10 à 12,000 kilog. de soie par an, et elle peut en produire même 15,000, chiffre qu'elle atteindra probablement dans un espace de temps fort court.

La Société séricicole n'a pas eu à se repentir des déboursés qu'elle a faits. Ses soies ont été appréciées au marché de Lyon à l'égal des plus beaux produits de l'Italie, et, à l'Exposition universelle de Paris, elles ont obtenu la médaille de première classe. Ce beau succès est venu prouver au monde entier que l'industrie est loin d'être inconnue en Grèce, et qu'avec l'intelligence et la persévérance de volonté qui caractérisent les Hellènes, ils peuvent arriver à des résultats magnifiques.

Pour terminer ce qui concerne la Société séricicole de la Grèce, qui fabrique aujourd'hui une grande partie de la soie filée dans ce pays, nous ajouterons qu'elle a eu l'idée d'utiliser encore d'une autre manière la machine à vapeur qui fait mouvoir la filature. Elle a établi, vers la fin de l'année dernière, un moulin à farine à l'anglaise avec trois tournants et un moulin à huile qui sont mis en mouvement par la même machine. Il est véritablement curieux de voir la filature de soie marcher avec la fabrication de l'huile et la mouture du blé. Jusqu'alors on se servait de moulins

assez imparfaits; aussi la fabrication de l'huile laissaitelle beaucoup à désirer, malgré la belle qualité des olives. Grâce à la Société séricicole, la Grèce a une huile aussi pure et aussi fine que le sont celles de Nice et de Lucques.

La production de la soie en Grèce a pris un développement si grand, qu'elle constitue aujourd'hui, avec le raisin de Corinthe, les deux principales sources de richesse du pays. Son exportation a augmenté dans des proportions fort considérables. C'est ainsi que les tableaux publiés par le ministère des finances donnent pour cette exportation dans l'année 1851 le chiffre de 62,098 kilog. environ, d'une valeur de 990,856 fr., et, dans l'année suivante, le chiffre de 75,909 kilog. d'une valeur de 1,997,771 fr. Dans l'année 1853, ces derniers chiffres ont un peu baissé, la récolte des cocons ayant été mauvaise; mais ils ont repris leur précédente progression en 1854 et surtout en 1855, après l'établissement de la filature d'Athènes. Pourquoi faut-il que le gouvernement du roi Othon ne se soit pas donné la peine de faire tout ce qui aurait pu contribuer à l'amélioration d'une industrie si utile au pays? Tandis que les cocons ne sont assujettis à leur sortie du royaume qu'au droit minime de 60 lepta (54 cent.), par oque (1,282 grammes), les droits de la douane pour l'exportation de la soie filée s'élèvent à une drachme et demie (1 fr. 33 cent.) par oque! Il y a longtemps que les économistes de ce royaume demandent une modification intelligente des règlements de la douane. Espérons que le gouvernement grec ne tardera pas à faire droit à cette juste demande et à assurer par là à l'industrie de la soie toute la protection dont elle a besoin pour qu'elle ne soit pas arrêtée dans la voie de progrès dans laquelle elle se trouve.

N. DAMASCHINO.

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