Sidor som bilder
PDF
ePub

l'exercice entraîna, par un enchaînement fatal d'imprudences, beaucoup des victimes à ce fatal dénoûment. Je crois être en mesure d'affirmer que les cages, les miroirs, les brochettes, etc., savent seuls le nombre des mânes qui errèrent depuis ces tristes jours sur leurs bords avares! Il en arriva ce qu'il put au rendez-vous suprême de l'unité, et ce fut en poussant des cris de joie et d'espérance délirante, que les heureux croyants qui étaient encore en bon nombre, s'abattirent dans la merveilleuse vallée. Là ils virent un palais enchanté qui portait à son front radieux le mot d'ordre qu'on leur avait donné au départ, avec un cadran qui leur annonçait péniblement que, là aussi, la fortune est à l'heure ; ils n'eurent pas le temps de voir s'il retardait, et se précipitèrent dans l'enceinte du temple vénéré en criant Unifions-nous! combinons-nous! abîmons-nous! remplumons-nous ! en toi Dieu promis! Dieu fécond! Dieu sonnant! Dieu pompons! rosaces! fleurons!

rent-ils!....

Mais, introduits dans le sanctuaire, que vi

Ce sanctuaire du Dieu mystique était un grand atelier où on plumait tous les oiseaux nouveaux débarqués. C'était une activité extraordinaire de ces lévites qui, en répétant des mots d'une sonorité formidable, plumaient, plumaient, et jetaient les plumes en l'air de façon à aveugler les yeux les plus perçants. Ils commençaient par les aigrettes, puis les grandes plumes des ailes, puis arrivaient jusqu'à l'intime duvet; de temps en temps même ils flambaient les oiseaux tous vivants. Je remarquai que quelques-uns seulement, qui avaient bec et ongle, s'unissaient à une certaine force invisible et devenaient, en effet, pompons, rosaces, frisons, etc.... Mais ils étaient bientôt assaillis par les victimes qui, à leur tour, les plumaient, ramassaient les pompons, se les ajustaient, les reperdaient.... Si bien, qu'en sortant de là, ces croyants fidèles, prêchés par la huppe, n'étaient plus qu'un peuple d'oiseaux dénudés

comme des lézards et qui s'arrachaient encore quelques lambeaux de la tunique du décevant Simorg, voulant sans doute éviter par cet hommage à la pudeur, de donner la chair de poule au soleil qui allait les revoir dans cet état. L'étrangeté de la scène les frappant, malgré tout, par son côté ridicule, oiseaux légers qu'ils sont! ils n'ont pu se regarder sérieusement en ce singulier équipage, et le tout a fini par un immense éclat de rire.

Un rire formidable a répondu du fond du grand atelier de plumasserie!!! Les oiseaux superstitieux ont fait tourner la table. Elle a dit que c'était Simorg qui riait.

En voyant l'insuffisance de ces notes, je me sens enentraînée à vous dire, Monsieur, toute la vérité. J'échapperai ainsi à la responsabilité, que je n'ai pas le droit d'appeler toute sur moi, et devant laquelle je m'intimide. Je n'aurais vraiment pu vous livrer certains menus détails qui m'ont échappé si le hasard ne m'avait fait rencontrer la bergeronnette, qui, comme celle d'orient, avait suivi le mouvement, malgré sa faiblesse. Elle était revenue avec les déplumés de Simorg, et quand je l'aperçus, elle taillait la seule plume qui lui fût restée pour écrire ses mémoires. J'obéis au devoir sévère de la désabuser sur cette dernière illusion de se faire bergeronnette de lettres. Elle avait sauvé assez de bon sens de la bagarre pour apprécier mes conseils, et elle s'est d'autant plus volontiers décidée à me livrer ses documents que je lui ai promis de vous les communiquer.

Je me permets encore une réflexion en vous quittant, Monsieur; si cette histoire était arrivée à la connaissance de votre auteur Attar, n'aurait-il pas pu s'écrier que toute sagesse de sofis était désorientée en occident.

Quant à nous, rien en cela ne peut nous surprendre. L'homond ne nous a-t-il pas fait péniblement répéter, quand nous avions à peine éloigné nos lèvres du biberon, à propos des capricieux adverbes : Quot aves tot sententiæ ?

BL. DE S.

MONNAIES A LÉGENDES ARABES

FRAPPÉES PAR LES PRINCES CROISÉS ET PAR LES PRINCES CHRÉTIENS EN OCCIDENT.

En 1853, je fis l'acquisition à Smyrne d'une monnaie d'or à légendes arabes qui, au premier abord, me parut devoir être un dinar des khalifs Fatimites, dont cette monnaie reproduisait exactement le type et le module; mais, après un examen plus attentif, je reconnus dans les trois cercles concentriques de l'inscription des formules religieuses chrétiennes précédées d'une croix à chaque membre de phrase; malheureusement le mauvais état de la pièce ne me permit pas d'avancer bien loin dans ma lecture, car le juif des mains duquel je la tenais avait déjà prélevé un premier bénéfice sur les rognures de la médaille dont il avait limé les bords. Malgré cette défectuosité, qui laissait la pièce muette dans les parties les plus importantes de ses légendes, il était évident pour moi que j'avais sous les yeux une reproduction, une imitation de la monnaie musulmane faite par quelque prince des dynasties chrétiennes de l'Asie, et qu'il fallait dès lors ouvrir une nouvelle et curieuse série dans la numismatique des croisades, celle des espèces frappées en caractères arabes et au type arabe par les croisés de la Palestine et de la Syrie; mes conjectures, faute de preuves plus explicites, devaient se borner là pour le moment, mais je pouvais espérer que plus tard des monuments nouveaux viendraient en aide au premier en le complétant, et porteraient la lumière sur cette question importante que ma découverte venait plutôt de soulever que de résoudre. En effet, quelques mois après, en étudiant à Constantinople la riche collection qu'Ismaïl-Pacha mit à ma disposition avec une obligeance dont je me plais à le remercier ici, je rencontrai deux monnaies analogues à celle que je possédais, et je pus dès lors déterminer la lec

ture de ma pièce, sinon dans son intégrité, du moins dans les parties nécessaires à son explication. Voici la description de ce précieux dinar, classé maintenant dans les cartons du cabinet de France :

Au centre, une croix dans un cercle;

2e cercle:

3 cercle

R. 2 cercle

1er cercle
3 cercle

la résurrection nous a délivrés et nous a purifiés.

la croix... le reste est illisible. + le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Dieu unique.

(ce dinar) a été frappé à Acco l'an 1143 de l'incarnation du Messie.

Je ne dirai rien des légendes du droit, d'ailleurs fort incomplètes; quant à la légende pieuse du revers, elle est en usage chez tous les chrétiens arabes et se rencontre fréquemment dans leurs livres; on la trouve également sur les marabotins d'Alphonse VIII, et sur les drachmes géorgiennes de Dimitri 1. Ce dogme de l'unité de Dieu en trois personnes, énoncé sur la monnaie chrétienne, semble être une protestation directe contre les paroles du Koran que les Arabes inscrivaient aussi sur la leur, et qui qualifiaient les chrétiens d'associants, el moschrekoun, en accusant leur foi de polythéisme. La formule de l'incarnation du Messie, par laquelle la date est déterminée, se montre ici pour la première fois en numismatique, mais elle est trop connue en diplomatique et se reproduit trop souvent dans les cartulaires de France et d'Italie, et surtout dans les chartes des princes latins d'Orient, où elle est constamment employée, pour qu'il soit nécessaire de nous y arrêter.

En 1143, Acco, ou Saint-Jean d'Acre, faisait partie depuis trente-neuf ans de la seigneurie de Jérusalem. Notre dinar a donc été frappé par Foulques d'Anjou pendant la

1 Numismatique de la Géorgie, par M. Victor Langlois (Revue archéologigue, 1851-1852.)

dernière année de son règne, et, par une circonstance assez singulière, cette monnaie arabe se trouve être la plus ancienne pièce que nous possédions des rois latins de la cité sainte, dont le monnayage ne nous est conuu qu'à partir de Baudouin le Lépreux, à la date de 1173. Malgré l'absence des monuments, nous sommes pourtant fondés à croire que les premiers rois de la Judée doivent avoir battu monnaie au siége même de leur seigneurie, et dans les principales villes de leur domaine; ils furent aussi sans doute imités en cela par les baronnies et les principautés qui relevaient d'eux directement, telles que celles de Jaffa, d'Ascalon et de Galilée, auxquelles avaient été concédés les droits de cour, de haute justice et de coin, mais dont les monuments monétaires ne nous sont pas encore parvenus; d'ailleurs, la numismatique grecque et latine des princes d'Antioche, des comtes d'Edesse et de Tripoli, prouve assez l'établissement de nombreux ateliers sur tous les points du pays conquis. Dès lors, le fait de l'émission d'une monnaie chrétienne au type arabe et chargée d'inscriptions arabes, au moment même où la monnaie latine se frappe régulièrement et circule de toutes parts, paraît singulier au premier abord, mais il trouve son explication naturelle si l'on songe à ce que devait être la situation des colonies chrétiennes en Orient.

Etait-ce un pays conquis que celui qui coûtait à garder plus d'efforts et de sacrifices qu'il n'en avait coûté à prendre? Etait-ce une conquête assurée que celle qu'il fallait défendre le lendemain de la victoire contre l'ennemi vaincu la veille? Etait-ce enfin véritablement un royaume que ce royaume de Judée, qui s'enorgueillissait, il est vrai, de nommer Jérusalem pour sa capitale, mais qui comptait à peine une vingtaine de villes et de bourgs du voisinage, possessions mouvantes arrachées tantôt aux Sarrasins par les croisés, tantôt aux croisés par les Sarrasins? Les armées du Christ, maîtres ses des postes militaires ne s'étaient pas pour cela emparées du pays; les commu

[ocr errors]
« FöregåendeFortsätt »