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A voir dans les jardins de la Cuba ou de la Ziza ces rois normands de Sicile, vêtus d'habits orientaux, entourés d'une cour dont les femmes empruntaient leurs modes aux modes des femmes sarrasines, et suivis d'une garde musulmane, n'aurait-on pas pris ces riches palais plutôt pour le sérail de quelque émir que pour la résidence d'une royauté chrétienne? Plus d'une fois, il est vrai, les croisés de l'Asie échangèrent leurs pesantes armures contre les costumes sarrasins et les vêtements en usage sous ce brûlant climat: leurs ducs marchaient en tête des troupes, coiffés du turban et revêtus de la longue robe orientale. Les évêques blâmèrent souvent ces coupables concessions faites aux usages d'un pays ennemi: leur parole sévère faisait reproche aux chevaliers de se laisser vaincre par les mœurs des infidèles, de s'adonner même à leurs plaisirs, et de se réjouir dans le camp aux danses des filles des païens. Ces influences, il faut le dire, ne s'exercèrent qu'isolément et passagèrement sur des hommes qu'une foi vive et ardente mettait en garde contre de pareils entraînements; mais le comte Roger rencontra dans le pays qu'il venait gouverner une population nombreuse de musulmans à laquelle la Sicile devait sa richesse; dans cet Etat, qui comptait cinq races et autant de langages, la civilisation arabe dominait de toutes parts, dans les villes et dans les campagnes, dans l'industrie et dans les arts. L'habileté politique de Roger, loin de s'opposer à cette influence, la facilita encore dans son développement et appuya son autorité sur elle; les Sarrasins dirigèrent l'administration, firent partie des ministères; la langue arabe resta, comme avant la conquête, la langue officielle; le roi, par des lois sévères, empêcha la conversion au christianisme de ses sujets mahométans, et enfin la monnaie, purement arabe, énonça à côté du nom de Roger la profession de foi musulmane et la mission apostolique de Mahomet.

C'était la présence de ce nom sur les monnaies émises par les évêques de Maguelone qui excitait contre Bérenger

de Frédol le mécontentement du pape Clément IV et lui dictait ses sévères admonestations; la bulle du saint-père, 16 septembre 1266, rappelait le prélat à la dignité de son ministère et lui reprochait de faire outrage à Jésus-Christ, le roi de gloire, en inscrivant sur ses pièces le nom du faux prophète. « Quel est donc le chrétien, disait-elle, qui peut frapper monnaie au nom de Mahomet? Ne cherchez pas dans l'usage une excuse à vos torts; en rappelant des habitudes impies, vous accuseriez vos prédécesseurs sans vous justifier vous-même. Consultez votre confrère l'évêque d'Agde, et il vous dira combien nous nous sommes montré antipathique à cette ligne de conduite, etc... » Deux ans plus tard (1268), Louis IX adressait sur le même sujet de semblables plaintes à son frère Alphonse, comte de Toulouse: «Vos monnaies, disait le saint roi, portent sur leurs légendes le nom du perfide Mahomet et le proclament prophète de Dieu, à la louange de la religion des infidèles et au mépris de la foi chrétienne. » Ces documents, depuis longtemps connus, et des chartes nouvellement recueillies et publiées par M. A. Germain dans un excellent travail sur la monnaie melgorienne, démontrent assez que, dans le midi de la France, sur le littoral de la Méditerranée et dans la Provence, on comptait, aux 12° et 13° siècles, une fabrication abondante de la monnaie musulmane; mais il résulte aussi de ces preuves que ces millarets d'argent étaient une monnaie dont le cours était interdit dans le pays où elle était frappée, qui avait pour but exclusif les transactions avec le Levant et les Etats mahométans de la côte de Barbarie. Les comptoirs d'Alexandrie, de Tunis et de Fez absorbaient alors tout le commerce de la Méditerranée; leurs marchés étaient abondamment fournis, leurs opérations fort nombreuses, et l'argent arabe, très en faveur, avait cours de toutes parts; les évêques de Maguelone organisèrent dans leur diocèse une contrefaçon du numéraire des musulmans, qu'ils exploitaient à leur profit. Les priviléges accordés par eux aux fermiers de la mon

naie stipulent poux ceux-ci de grands avantages, mais garantissent aussi des bénéfices importants pour le prélat.

L'appât d'une spéculation aussi productive avait entraîné sans doute les comtes de Provence et de Toulouse, et l'évêque d'Agde peut-être, dans des entreprises analogues; et de toute cette partie de la France partaient, pour être livrées et exportées comme une marchandise, ces imitations de la monnaie arabe. Le roi Jayme d'Aragon avait aussi installé ce monnayage de millarets dans sa seigneurie de Montpellier et dans l'île de Majorque; mais, en outre, comme la position de ses Etats établissait de fréquents rapports de commerce avec les pays maures, il émit aussi pour ces transactions des manemutins ou mazamutins, sembla bles aux monnaies d'or arabes d'Alphonse de Castille, fort connues sous le nom de marabotins, et dont ce roi avait emprunté le type aux dinars des Almoravides. Voilà ce que nous enseignent les chartes: les textes sont précis, et pourtant nous ne connaissions jusqu'à ce jour aucune des pièces qu'ils mentionnent; mais des acquisitions nouvelles faites par la bibliothèque impériale viennent d'apporter les monuments longtemps attendus dans cette question souvent débattue; le cabinet possède maintenant deux monnaies d'or, aux légendes illisibles, imitations maladroites et évidentes des monnaies des rois maures qui gouvernaient Séville, Denia et Valence à la fin du 11° siècle. Dans ces inscriptions indéchiffrables, je reconnais une main inhabile à transcrire la langue arabe, et je rapporte naturellement ces monnaies à des contrefacteurs ignorants; sur un troisième dinar entré dans nos médailles depuis une année, se lit en lettres latines la légende circulaire RAIMVNDVS COMES; cette pièce, dont le centre du droit et le revers sont occupés par des caractères arabes assez habilement reproduits, semble avoir été fidèlement copiée sur un dinar frappé à Séville l'an 414 de l'hégyre, 1025 de J.-C. Ici la preuve est convaincante; c'est bien là un de ces mazamutins cités par les chartes, et qui, je crois, doit être

attribué à Raymond-Bérenger, comte de Barcelone, depuis 1093 jusqu'en 1431.

Ainsi, aux deux points extrêmes de la Méditerranée sur le littoral de la Syrie et sur la côte d'Espagne, partout enfin où les peuples chrétiens se rencontrent avec les musulmans, nous voyons naître et se perpétuer ce système d'imitation de la monnaie arabe; plus puissantes que la foi des croisés, que l'épée des Normands, que les foudres du saint-siége, les nécessités des transactions commerciales font taire les animosités de peuple à peuple, les antipathies religieuses, et l'argent musulman trouve des imitateurs, des contrefacteurs mêmes jusque dans les ateliers monétaires des évêques.

Telle est, dans son résumé trop rapide, l'histoire de ce monnayage arabe frappé par les princes chrétiens, que j'espère pouvoir bientôt offrir au public avec les développements que demande cette importante série de la numismatique du moyen-âge.

HENRI LAVOIX,

Conservateur-adjoint du cabinet des médailles.

NOTE SUR LE ZEND ET LE PEHLVI.

l'examen que

Je veux récapituler ici, en peu de mots, j'ai fait des différentes opinions qui ont été exprimées par plusieurs savants, d'une autorité compétente, touchant les langues zend et pehlvi, m'appuyant principalement sur le sentiment de Burnouf au sujet de l'originalité et de l'antiquité du pehlvi et de son rapport intime avec le zend. Anquetil du Perron avait pensé que, dès les temps les plus anciens, trois langues s'étaient succédé l'une après l'autre en Perse; c'est à savoir le zend, le pehlvi et le persan, mais qu'il n'y en avait jamais eu qu'une à la fois. Le chevalier Bunsen adopte cette opinion, car il dit dans son Philosophy of universal history (t. II, pp. 7 et 34): « La langue qui représente le plus anciennement en Perse celle de l'Inde, c'est le zend. » Sir H. Rawlinson diffère toto cœlo de cette opinion, car il suppose qu'une bifurcation de la branche principale du persan eut lieu vers le temps d'Alexandre et qu'un des deux jets devint, sous l'influence sacerdotale, le zend. Il va sans dire que cette langue ne pouvait donc pas être congénère du sanscrit, ainsi que quelques-uns le pensent. Toutefois, d'après les mêmes autorités, le zend n'a jamais été une langue parlée.

D'autre part Burnouf soutient qu'un rapport essentiel et inséparable existe entre le pehlvi et le zend, et qu'en établissant l'authenticité de la première de ces langues, celle de la seconde serait en grande partie comprise et confirmée. Il dit en effet, dans son « Commentaire sur le Yaçna, » p. vii: « En second lieu, le texte zend a été traduit à une époque qui nous est inconnue, dans une autre langue, le pehlvi, de laquelle il me suffira de dire qu'elle diffère considérablement du zend et que les idiomes appelés sémitiques en forment en grande partie le fond. » Et p. vin : « Quelle que soit l'explication que l'on adopte, on doit reconnaître que les Perses accordent à la traduction pehlvie une valeur

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