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Algérie, n'oublions pas de rappeler que ce pays a fourni à la France un million d'hectolitres de céréales en 1853, deux millions en 1854, et qu'en 1855 il est venu largement au secours de la consommation intérieure. Son commerce d'exportation et d'importation s'élève à 120 millions, ce qui le place immédiatement après celui des grandes puissances. Enfin, à l'exposition de Londres et à celle de Paris, notre Afrique française septentrionale a figuré avec la plus grande distinction: elle a obtenu à la dernière de ces expositions une grande médaille d'honneur et 355 médailles ou mentions de diverses classes. On ne doit pas oublier, non plus, qu'elle a fourni un grand nombre de ces généraux, de ces officiers et de ces soldats qui ont porté si glorieusement en Crimée le drapeau de la France.

On a souvent adressé à l'Algérie le reproche de nécessiter, sans cesse, de la mère-patrie des dépenses nouvelles. Mais il faut faire cette remarque que, si aujourd'hui le gouvernement demande de l'argent pour notre conquête, ce n'est plus, comme autrefois, en vue de poursuivre la guerre, mais, au contraire, dans le but d'encourager les travaux de la paix. Ainsi l'on a assuré dans leur bien-être aux populations européennes toutes les garanties désirables au moyen de la création de justices de paix, de tribunaux et de commissariats civils. Il n'est plus de nationaux qui ne soient à présent régis par la loi française. On a agrandi le cercle des départements, et l'on a fait passer sous l'autorité préfectorale un grand nombre d'indigènes; enfin, pour fournir aux préfets les moyens d'administrer ces indigènes, on a créé des bureaux arabes civils, qui ont pris le titre de bureaux arabes départementaux.

Le prompt achèvement des communications télégraphiques en Algérie réclame, il est vrai, impérieusement des crédits; mais, si jamais elles sont nécessaires, c'est bien certainement dans un pays où les gouvernés d'aujourd'hui sont les ennemis de la veille. Là les ordres ne sauraient être transmis trop rapidement; il faut qu'on puisse surveiller à la fois le désert, le Maroc, la régence de Tunis. Bientôt même l'établissement d'un câble sousmarin mettra l'Algérie en communication directe et instantanée avec la France.

Continuant à exposer le tableau fidèle de la situation des établissements du nord de l'Afrique, nous disons que 1,200 tribus reconnaissent, en ce moment, la souveraineté de la France. A peine quelques-unes, à raison de leur éloignement, échappentelles à cette influence salutaire qu'exercent partout les bureaux arabes, sous la haute direction du gouverneur géneral. Un grand

nombre d'indigènes se livrent à la culture; beaucoup se sont fixés au sol par des constructions. L'instruction publique et la justice musulmanes sont régulièrement organisées. Voilà pourquoi l'Algérie demande encore de l'argent.

Quelques dépenses sont également nécessaires pour tâcher de reconquérir la pêche du corail, production, de tout temps, fort recherchée sur les marchés du Levant, et qui commence à le redevenir en France par suite d'une de ces oscillations si fréquentes, chez nous, de la mode. La récolte du corail rappor e annuellement de 8 à 10 millions. Elle appartenait autrefois à la France. Elle se trouve aujourd'hui presque entièrement exploitée par des étrangers.

Il faut aussi de l'argent pour assurer le service des opérations topographiques, pour établir le cadastre du sol, pour créer de vastes domaines au moyen du cantonnement des tribus. L'administration des forêts est encore un des services à la dotation desquels il est urgent de pourvoir; car, dans ce pays, où l'on disait qu'il n'existait pas de bois, il en a été reconnu pour plus d'un million d'hectares. Or ces bois, on doit les administrer, les aménager, les défendre contre les déprédations des indigènes. A ce point de vue, on a obtenu d'excellents résultats au moyen de la création de deux compagnies, l'une de planteurs, l'autre de bûcherons militaires.

Ne sout-ce pas encore des dépenses éminemment utiles que celles qui ont pour objet l'établissement en Algérie du système métrique des poids et mesures? Presque tous les indigènes l'ont accepté avec empressement. C'est surtout dans un pays où les villes sont peuplées d'individus de tant de nationalités diverses, que l'uniformité est nécessaire pour la régularité des relations commerciales.

En ce qui concerne la colonisation, l'occupation est établie en Algérie sur trois lignes: le Littoral, le Tell et le Sud. Sur chacune de ces lignes on a fondé des centres de population. D'abord ils ont eu de la peine à s'y installer. Maintenant ils sont en voie de prospérité complète. Il reste aujourd'hui à créer des villages sur les perpendiculaires qui, partant du Littoral, s'enfoncent dans le Sud. De cette manière, le pays, découpé pour ainsi dire en damier, sera facile à coloniser et à administrer. On a renoncé à la colonisation par l'Etat. A l'heure qu'il est, on se contente de donner au pays ce que l'on doit à toute société : la sécurité, les travaux publics et la terre; c'est ensuite aux bras et aux capitaux privés à féconder le sol à leurs risques et périls. De bons résultats ont été obtenus, entre autres, par une compagnie génevoise, qui s'était

engagée à construire dix villages en dix ans, et qui en a déjà élevé cinq au moins en trois années.

Pour seconder les entreprises de colonisation sérieuse, le gouvernement est disposé à essayer d'une pratique généralement suivie en Amérique: celle de vendre par adjudication toutes les terres d'une certaine valeur. Si l'essai réussit, on étendra la

mesure.

Au point de vue agricole, d'excellents résultats ont été obtenus en Algérie. Le tabac, la cochenille, la garance, la cire, y réussissent dans les conditions les plus satisfaisantes. C'est surtout vers la culture du coton que se porte la sollicitude du gouvernement. On sait les mesures que l'Empereur a prescrites pour encourager la production de cette matière première que la France, jusqu'ici, était obligée de tirer des contrées éloignées. Ces encouragements n'ont pas été stériles : il y a quelques années, on consacrait, en Algérie, 20 hectares seulement à la culture du colon; aujourd'hui cette culture emploie 4,000 hectares. Les produits cotonniers de notre Afrique septentrionale, notamment les variétés dites Georgie longue-soie et Louisiane courte-soie, ont obtenu à Paris et à Londres les plus brillants succès. La qualité est maintenant hors de question; il ne s'agit plus que de la quantité.

Au nombre des dépenses que réclame l'Algérie, il ne faut pas dédaigner celles des primes nécessaires pour faciliter les relations de notre colonie avec l'intérieur de l'Afrique, avec les contrées qui produisent la poudre d'or, la gomme, l'ivoire. II s'agit de s'assurer d'abord si le grand désert existe réellement; puis, s'il est habité, s'il contient une population nombreuse, si elle pourrait mettre notre puissance en péril, si l'on y rencontre, enfin, les éléments d'un commerce avantageux.

Résumant tout ce qui concerne la situation agricole et commerciale de nos possessions du nord du continent africain, mentionnons, en passant, que l'administration de la guerre entretient à Paris une exposition permanente des produits de ce pays. Naguère l'Algérie n'était pas assez connue, il ne manquait pas de gens qui la signalaient comme un boulet que traînait la France. A ces pessimistes le ministre de la guerre répond aujourd'hui : « Vous ne connaissez pas l'Algérie, allez la voir rue de GrenelleSaint-Germain, n. 107. » On y va, et l'on en revient avec des idées toutes nouvelles.

Les fonds que demande l'administration de la guerre ont encore pour but de donner de l'extension aux routes, aux voies de communication. C'est qu'il n'y a pas de colonisation possible sans chemins. Un réseau complet sillonnera dans tous les sens notre

France africaine; il y en aura de parallèles à la Méditerranée; d'autres qui s'enfonceront vers le sud, perpendiculairement à la mer; d'autres qui relieront entre eux les centres de population et permettront le facile écoulement des produits. La dépense nécessaire à l'ensemble de ce grand travail sera de 50 millions. On en a dépensé quinze depuis 1848. Le budget en alloue deux par an. Il faudra donc encore, si l'allocation n'est pas augmentée, quatorze à quinze ans pour mener à bonne fin la construction de toutes ces routes.

Le pays ne peut manquer de s'intéresser à l'achèvement de ce réseau. Il sait que partout la domination et la colonisation tiennent essentiellement au bon état des chemins. S'il y a résistance dans un pays, elle cesse dès que l'état des voies de communication permet de parcourir promptement toutes les parties du territoire. Si les propriétés n'ont qu'une faible valeur, elles en acquièrent une considérable dès que de bonnes routes les rendent aisément accessibles. Le gouvernement a donc raison de désirer qu'on lui donne, s'il se peut, beaucoup d'argent pour celles de l'Algérie.

Des fonds sont nécessaires aussi pour le port d'Alger, dont les principaux travaux se composent d'une jetée nord de 700 mètres, d'une jetée sud de 1,200 mètres. Toutes deux sont séparées par une passe de 350 mètres de largeur, laquelle donne accès à une nappe d'eau de 90 hectares. Ces 90 hectares contiendront un port militaire qui pourra recevoir 30 ou 40 bâtiments de guerre, et un port de commerce qui admettra autant de navires que le commerce voudra en envoyer. La dépense totale sera de 42 millions, sur lesquels 26 sont dès à présent dépensés. Il faudra encore huit ou neuf ans pour achever les travaux, l'allocation inscrite au budget étant de 1,800,000 fr.

Les ports secondaires de l'Algérie, depuis Nemours jusqu'à la Calle, sont au nombre de seize. La conquête les a trouvés dans un étal absolu d'abandon, dans une situation déplorable. Les travaux à faire pour en tirer complétement parti exigeraient une dépense totale de 80 millions. L'allocation portée au budget est de 500,000 fr. Il est à désirer qu'on augmente, dès que faire se pourra, le crédit nécessaire à cet objet.

En définitive, l'Algérie continuera de s'avancer, en 1857, dans la voie du progrès, et l'administration redoublera d'efforts pour que les fonds destinés, dans le budget, à cette grande colonie, soient dépensés de la manière la plus profitable à ses intérêts matériels et moraux. »

Telle est (autant qu'une analyse succincle et rapide en peut

donner une juste idée) le beau travail de M. le général Daumas sur notre colonie africaine. Désespérant, à notre regret, d'en reproduire scrupuleusement les détails, nous n'avons rien épargné pour en saisir, de notre mieux, la physionomie et l'ensemble, pour n'en omettre aucune partie essentielle, pour ne faire dire, enfin, au savant commissaire du gouvernement que ce qu'il a réellement dit, si ce n'est tout ce qu'il a pu dire. Nos lecteurs excuseront notre insuffisance si, bien malgré nous, elle est restée au-dessous de notre tâche.

EUGÈNE DE Monglave.

FABRICATION DU PAPIER DE BAMBOU1.

Le bambou (bambusa arundinaria, RETZ.), originaire de la Chine, s'est parfaitement naturalisé en Algérie. D'abord introduite dans la pépinière, puis bientôt répandue dans nos cultures, cette plante est appelée à rendre de grands services à la colonie et à la doter d'une source de richesses nouvelles par l'emploi que l'on peut faire de son écorce pour la fabrication du papier. Le papier de bambou, qui a servi à l'impression de nombreux ouvrages publiés en Asie et dont la Bibliothèque impériale possède une collection considérable, a une extrême consistance et offre plusieurs autres qualités qui doivent bientôt lui faire prendre faveur en Europe où il ne tardera pas à être préféré au papier de coton dont on connaît trop bien aujourd'hui le peu de solidité.

Nous croyons être utile à nos lecteurs en insérant ici un mémoire sur la fabrication du papier de bambou, extrait des ouvrages chinois et traduit en français par M. Stanislas Julien, professeur de chinois au collège de France, et membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

(Note de la Rédaction.)

Tout le papier de bambou se tire des parties méridionales de la Chine; mais c'est dans la province de Fo-kien que cette fabrication est la plus florissante.

Lorsque les premières pousses de bambou commencent à se montrer, on visite tous les endroits de la montagne qui en sont plantés, et l'on choisit de préférence les bambous qui sont sur le point de donner des branches et des feuilles.

Après l'époque appelée Mang-tchong (le 5 juin), on va sur la

Le cabinet des Estampes de la Bibliothèque impériale possède deux Recueils in-fol. de planches peintes en Chine, qui représentent tous les procédés relatifs à la fabrication du papier de bambou. L'un d'eux est accompagné d'explications en chinois. Dans l'autre, le sujet de chaque planche est indiqué en français.

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