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19 décembre.

J'ai passé ce matin une heure très-intéressante. Clément parla des Mémoires de la duchesse d'Abrantès, qui n'offrent pas, il est vrai, un attrait bien considérable, mais dont l'auteur passera à la postérité ainsi que madame Récamier on les tiendra toutes deux pour des femmes remarquables, des personnalités capables de faire de grandes choses et de concevoir de grands desseins. Leur existence sera enveloppée d'une sorte de mystère, et l'on ne soulèvera le voile que dans l'espoir de recueillir des faits romanesques, de découvrir même les causes des plus graves événements, et de trouver en elles des femmes pareilles à celles du siècle de Louis XIV. Mais ceux qui les ont connues de plus près, comme Clément, par exemple, savent fort bien qu'elles n'ont profité des grands événements de l'histoire que pour acquérir une certaine célébrité en remplissant les moments de loisir des hommes en vue de ce tempslà. La duchesse d'Abrantes joignait à la passion de plaire et à la beauté extérieure un esprit vif et agréable. Madame Récamier n'était que belle, et, pour le dire sans détour, elle avait dans son temps la réputation d'être niaise. A présent elle s'est tout à fait jetée dans la dévotion, ce qui ne l'empêche pas toutefois d'être, selon toute apparence, au mieux avec Chateaubriand. Cette liaison lui a valu une réputation usurpée, parce qu'on se dit qu'il est impossible qu'un homme tel que Chateaubriand se lie avec une femme absolument dépourvue d'esprit. Clément raconta sur ces deux femmes des détails tout à fait curieux. Il est dommage qu'il ne puisse pas les mettre par écrit, afin d'éclairer la postérité et de montrer aussi le revers de la médaille.

22 décembre.

Clément est satisfait, parce qu'il a réussi à étouffer la révolution qui continuait toujours de couver en Italie, en faisant déclarer publiquement par les cinq puissances, et notamment

par la France, qu'on ne tolérerait pas le moindre désordre dans les États de l'Église, et que toutes les puissances avaient garanti à Sa Sainteté le maintien de l'ordre dans les États pontificaux. C'est là un résultat considérable; si l'on avait écouté Clément jadis, on aurait étouffé de même totues les révolutions, et les Souverains seraient en possession de la puissance qui leur appartient.

31 décembre.

On a soupé à minuit et l'on s'est souhaité la bonne année. J'avoue que tous les ans ce changement de date devient plus pénible pour moi. Il faut que je me fasse violence pour ne pas me laisser aller à la tristesse. Je sais bien, il est vrai, que Dieu est trop bon pour m'ôter le bonheur et le repos qu'il m'a accordés; je ne puis m'empêcher toutefois de songer en tremblant que rien n'est plus inconstant que le bonheur. Que Dieu ait pitié de nous et qu'il bénisse mon bon, mon adorable Clément! Puisse-t-il me le conserver longtemps, l'éclairer de sa divine lumière ! puisse-t-il avoir pitié de notre pauvre monde vieilli et me donner la force de rendre heureux ceux qui m'entourent! Que Dieu bénisse mon enfant, afin qu'il devienne digne de lui, et qu'il détourne de moi tout ce qui pourrait nuire au bonheur de ceux que j'aime! Que Dieu ait pitié des malheureux, mais qu'il m'accorde d'étre reconnaissante comme il convient de la grâce qu'il m'a faite!

SUR LES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES DU JOUR.

EXTRAITS DE LETTRES CONFIDENTIELLES DE METTERNICH A APPONYI, A PARIS, DU 3 JANVIER AU 27 DÉCEMBRE 1831, EN DEUX PARTIES.

I.

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995. Politique de l'Autriche. Paix morale et politique. La révolution polonaise. Tranquillité en Galicie.

son.

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- 996. L'attitude du maréchal MaiM. de Sales. Bruit qui se répand du choix du duc de La politique française et la propa

Leuchtenberg comme Roi des Belges.
gande italienne. 997. Insurrection à Modène.
reconnaître le Roi Louis-Philippe.

---

Le duc de Modène doit Pozzo. Entrée des Autrichiens

dans Modène:- Sentiments de l'Autriche relativement au choix de Leuchtenberg. 998. Armements de l'Autriche.

tête de la révolution romaine.

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Ren

La France régénérée. Fin probable de la révolution polonaise. - 999. Victoire de Praga. forcement de la garnison de Ferrare. Les fils de Louis Bonaparte à la Expédition partie de Lyon pour soulever la Savoie. Puissance des mots. - 1000. Le Cabinet français et l'insurrection italienne. Le général Frimont. Attitude de l'Autriche. Instructions. Impression produite par le passage du Pô. - Échauffourée en Savoie. Opinion de Sébastiani sur les bonapartistes.

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Passage de la Vistule par les Russes; le Gouvernement polonais se rapproche de Cracovie. -1001. Activité des comités de Paris. La non-intervention. Pape et le Roi de Naples menacés par des agents français. La France veut-elle la guerre ou la paix? - 1002. Reconstitution du ministère français. Caractère des révolutionnaires italiens. en Pologne. Le général Skrzynecki. politique italienne du Cabinet français. Bologne avec des armes non chargées. tendue convention du Pape avec l'Autriche. Fin des opérations de Dwernicki. 1004. L'entrée dans Bologne sauve Rome. Observations générales. 1005. Dépêche de Pozzo à Tatistscheff. Réponse du secrétaire d'État pontifical à Sainte-Aulaire. M. Denois à Milan. Evacuation des États pontificaux par les troupes autrichiennes. Sir Robert Gordon. Le général Guilleminot. Intrigues à Constantinople et réponse de la Porte. Embarras du Cabinet français. - Fin rapide de la

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995. M. Sébastiani devra me rendre la justice que je parle clairement. Ce que nous voulons, c'est la paix, la paix morale comme la paix politique; car si les deux se donnent ordinaire

ment la main, elles sont, dans le moment actuel, plus inséparables que jamais. Si l'on nous attribue un autre vœu que la paix, ou si l'on nous prête un dessein qui y serait contraire, faites ce qu'il dépendra de vous pour détruire la calomnie. Ce que nous voulons, au reste, est également et uniformément voulu à Saint-Pétersbourg et à Berlin. Le Gouvernement français se perdra s'il est entraîné à vouloir autre chose, et je crois sincèrement à la franchise de ses assurances à ce sujet.

Voici à quoi se réduisent les affaires de Pologne :

Le Royaume de Pologne, créé et organisé tel qu'il le fut par l'Empereur Alexandre, devait arriver tôt ou tard à une crise. Aussi le mot de Charles X, lors de sa première arrivée à Paris : << Rien n'est changé, il n'y a qu'un Français de plus », est-il applicable aux événements de la fin de novembre à Varsovie en le retournant : « Rien n'est changé, il n'y a qu'un Russe de moins! »

La révolution a été une mèche allumée et jetée dans un magasin rempli de matières inflammables. Elle a été l'œuvre d'une conspiration ourdie par quelques individus subalternes, et ses foyers furent l'Université et l'École des cadets. Un chef de cette dernière vient d'en publier l'histoire avec une parfaite

véracité.

Au moment où le complot a éclaté, il eût suffi d'un peu de fermeté de la part du Grand-Duc pour le supprimer. L'armée restée fidèle, un ou deux coups de canon eussent suffi pour vaincre le mal du moment, et pour ajourner celui d'après. Mais Son Altesse Impériale perdit la tête, et dès lors la révolution fut complète, car, pour qu'elle le devint, il a dû suffire du départ du prince et de la retraite des troupes russes. L'Empereur Nicolas a pris l'événement avec mesure et fermeté sa proclamation du 17 décembre l'a démontré.

Je regarde Chlopicki comme le dictateur de la capitulation. L'événement prouvera si mon opinion sur son compte est fausse. La Pologne aujourd'hui est divisée en deux partis. Les jeunes gens sont d'une extréme exaltation; tout ce qui a passé trente ans ne voit dans l'événement qu'un coup manqué, et par conséquent un malheur.

Entre le 15 et le 20 de ce mois, plus de cent cinquante mille hommes seront prêts à commencer la conquête. L'armée polonaise pourra à cette époque être forte de cinquante à soixante mille hommes tout au plus. Sans des événements extraordinaires, le résultat ne saurait être douteux.

La Galicie est non-seulement encore parfaitement tranquille, mais il s'y prononce même un fort heureux esprit. Les patriotes polonais regardent le soulèvement comme une déplorable folie, et ils ne bougeront certes pas pour le soutien d'une cause qu'ils regardent comme perdue. Environ cinquante ou soixante mille hommes sont, au reste, concentrés dans cette partie de la Monarchie.

Voilà la stricte vérité, et tout ce que vous apprendrez de contraire est faux.

18 janvier.

996. J'ai tout lieu d'être satisfait de la conduite que tient ici le maréchal Maison. Selon ma manière habituelle, j'ai établi avec lui les relations les plus franches, et il répond à ma conduite envers lui par un honorable abandon. Je sais encore que ses rapports sont conformes à cette position, et je le regarde ainsi comme un auxiliaire utile pour ce qu'il m'importe d'atteindre : c'est-à-dire, de voir clair tant sur les facultés que sur les intentions du Palais-Royal. Vous pouvez m'être d'un grand secours en vous plaçant aussi droit et ferme devant le général Sébastiani que je me suis placé devant le maréchal Maison.

Je suis surpris de ne jamais vous entendre me parler de M. de Sales*. Ne va-t-il pas avec nous, ou bien que fait-il? Je sais que sa Cour le chauffe, et je n'en vois jamais aucun résultat. Il m'importe de savoir si l'ambassadeur fait le tout doux, tandis que sa Cour est ultra-remuée, ou bien si c'est le Cabinet qui veut nous faire marcher pour tricher, tour que se

* Le comte de Sales, ambassadeur de Sardaigne à Paris.

(Note de l'Éditeur.)

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