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Prusse veut autoriser son envoyé à la Cour d'Autriche à se concerter et à s'entendre avec moi et un représentant de Sa Majesté l'Empereur de Russie, l'événement ne tardera pas à montrer qu'il y a encore des voies et moyens de sauver du naufrage général qui nous menace ce que les commotions antérieures n'ont pas encore détruit sans retour. Par le dernier courrier que j'ai envoyé à Saint-Pétersbourg, j'ai fait des démarches préliminaires en vue d'arriver à ce but. Si mon idée est appuyée en Russie par le Cabinet prussien, je ne désespère pas de la voir se réaliser. .

CHOIX DU PRINCE LÉOPOLD DE SAXE-COBOURG COMME ROI DES BELGES.

1034. Metternich à Trauttmansdorff, à Berlin (D.), Vienne, le 5 septembre 1831. — 1035. Metternich à Esterhazy, à Londres (E. D.), Vienne, le 16 septembre 1831.

1034. M. d'Hooghvorst vient d'arriver ici, chargé d'annoncer à l'Empereur l'avénement du prince Léopold de SaxeCobourg au trône de Belgique *.

Notre auguste Maître m'a autorisé à le recevoir, mais à le prévenir en même temps que Sa Majesté Impériale ne reconnaîtrait pas formellement le nouveau Roi avant que le conflit belge soit arrivé à sa fin véritable, c'est-à-dire à cette époque de la pacification où la reconnaissance pourrait également avoir lieu de la part de Sa Majesté Néerlandaise.

Je me suis acquitté hier matin de cet ordre. M. d'Hooghvorst avait l'air de ne pas s'y attendre. Je l'ai prévenu que, bien qu'il n'existât aucune entente préalable entre les Cours alliées, je me permettais de regarder comme certain que Sa Majesté Prussienne et Sa Majesté Impériale de Russie suivraient

* Après que l'indépendance de la Belgique eut été proclamée dans la conférence de Londres du 20 janvier, le Congrès belge choisit, le 4 juin, le prince Léopold de Saxe-Cobourg comme Roi des Belges. Le 26 juin, ce prince se déclara prêt à accepter la couronne de Belgique. (Note de l'Editeur.)

une même ligne de conduite. Il me dit qu'il le regardait comme probable de la part de la première de ces puissances, mais qu'il croyait avoir des notions contraires sur la seconde. Je lui ai répondu que, sans être assuré du fait, je doutais cependant que l'espoir de son Gouvernement se réalisât.

M. d'Hooghvorst me demanda ensuite conseil sur la conduite qu'il aurait à tenir dans une circonstance qui n'était pas prévue par ses instructions. Nous convînmes qu'il irait attendre les directions de sa Cour à Ischl, en Haute-Autriche.

L'envoyé belge a déployé dans tout le cours de notre entretien des formes tout amicales. Il a même mis dans sa conversation une franchise à laquelle je n'avais pas le droit de m'attendre.

Après avoir pris à táche de se disculper de toute participation personnelle à la révolution, il en dépeignit sous de sombres couleurs l'origine, la marche et les conséquences:

le

« La révolution de la Belgique, m'a-t-il dit entre autres choses, est le résultat de plusieurs fautes commises par le Gouvernement hollandais; parmi ces fautes, je regarde comme la plus grave par ses conséquences la liberté accordée par Roi à l'écume des révolutionnaires français de s'établir dans nos villes, et la protection qu'il leur a donnée. Ce sont ces mêmes hommes, soutenus par une faible partie de la population indigène, qui ont opéré le bouleversement. Aujourd'hui encore, la Belgique n'est pas révolutionnaire. Il ne faut pas juger les dispositions de l'immense majorité de ses habitants sur des apparences trompeuses. La nation est attachée à son sol; elle ne veut que le repos et la fin des troubles qui la gênent; nous étions heureux matériellement; il fallait ne pas nous agiter moralement ! »

En parlant des derniers événements, M. d'Hooghvorst m'a dit: «Le Roi de Hollande n'a pas été bien informé de la véritable situation des choses; s'il avait tenté son entreprise quinze jours plus tôt, il entrait sans coup férir dans Bruxelles et dans Gand, et la nation tout entière le saluait comme Roi. Mais les choses ont bien changé depuis l'arrivée du nouveau Roi. Auparavant, on doutait fort que jamais on en aurait un. Tout le

monde voulait la fin, et on l'eût trouvée dans l'entrée des Hollandais. >>

Je vous prie de prévenir de tous ces faits M. Ancillon.

Metternich à Esterhazy, à Londres (E. D.). Vienne, le 16 septembre 1831.

que je

1055. .L'Empereur, en suivant la marche viens d'exposer*, est loin de méconnaître la valeur des dispositions de la conférence de Londres auxquelles Sa Majesté a pris part par l'entremise de ses plénipotentiaires, et en vertu desquelles la couronne de Belgique est dévolue au prince Léopold. Mais les protocoles de la conférence, obligatoires pour les puissances qui y ont concouru, et servant de règle à leur politique, ne portent cependant pas le caractère d'un traité public et solennel, tel qu'il doit avoir lieu pour fonder le trône belge, avec la participation de l'ancien Souverain. C'est en s'attachant aux principes généraux du droit des gens que Sa Majesté Impériale croit devoir attendre que cette importante transaction politique soit ainsi consommée, pour se déterminer à un acte solennel de reconnaissance qui, sortant de la sphère du concert formé avec ses alliés, la concerne directement comme Souverain et chef de sa Monarchie.

Je vous invite, mon prince, à vouloir bien, conjointement avec M. le baron de Wessenberg, porter ces explications à la connaissance de MM. vos collègues membres de la conférence.

NOUVEAUX TROUBLES EN GRÈCE.

1036. Metternich à Ficquelmont, à Saint-Pétersbourg (Lettre).
Vienne, le 11 septembre 1831.

1036. Je reçois au moment du départ du présent courrier la poste de Constantinople du 25 août. Elle apporte des détails

* Le texte de la dépêche, dans la partie relative à la reconnaissance du Roi Léopold par l'Autriche, est identique avec celui de la dépêche précédente, adressée à Trauttmansdorff. (Note de l'Éditeur.)

par

sur la situation périlleuse du Gouvernement grec *. Je vois les rapports de l'internonce que M. de Boutenieff a expédié un courrier à Saint-Pétersbourg avec les détails que celui-ci a recueillis de son côté, et qui auront été complétés par la communication de la correspondance de nos agents dans le Levant. M. le comte de Nesselrode n'aura pas manqué, — je suppose,

de vous parler des nouvelles qui lui seront arrivées. Ce qui ressort des faits n'est, à nos yeux, qu'une conséquence nécessaire de l'entreprise trilatérale, c'est-à-dire du manque de base de l'entreprise elle-même, et de la singulière coopération pour une même œuvre de trois Cabinets nourrissant chacun des vues différentes sur le fond et sur les résultats d'une entreprise dont la forme seule leur était réellement commune. Ce que ces premières fautes n'ont point amené directement a été complété par les événements de l'année dernière, événements dont la suite immédiate a été de dissoudre de fait une alliance monstrueuse, et de n'en laisser subsister que le nom. Ce n'est pas sous de pareils auspices que des affaires prospèrent jamais!

Ce qui a plus d'importance, ce sont les suites que le désordre aujourd'hui patent des affaires de Grèce devra avoir pour la Cour de Russie. Sa situation politique, déjà si gênée, se trouvera entamée également de ce côté. La France a pour elle la proximité des troupes stationnées déjà sur les lieux, et l'influence révolutionnaire. Les trois Cours pourront-elles s'entendre sur ce qu'exigera le besoin de la tranquillité du pays qu'elles protégent en commun? Il est permis d'en douter.

Je me borne aujourd'hui à ce peu de remarques, que je trace à la håte.

Par un de ces hasards qui souvent viennent en aide aux attitudes correctes, c'est peu de temps avant l'explosion de la révolution que les consuls que nous avons envoyés en Grèce y sont arrivés. Il se trouve que le président a pu profiter de ce fait pour relever son attitude. Aussi a-t-il mis beaucoup de recherche à les accueillir avec de grandes démonstrations

* Ces communications se rapportent aux actes coupables des Hydriotes, qui s'emparèrent des navires de l'État et de l'arsenal de la marine de Poros. (Note de l'Éditeur.)

de satisfaction et de respect. Il entre dans le sort singulier de notre Cabinet de devoir toujours jouer un rôle actif dans le triomphe ou aux funérailles de la légitimité. J'avoue que je n'avais pas fait entrer dans mes calculs l'appui à préter à celle du comte Jean de Capo d'Istria *.

LA CAPITULATION DE VARSOVIE.

1037. Metternich à Apponyi, à Paris (E. D.). Vienne, le 18 septembre 1831. 1038. Metternich à Ficquelmont, à Saint-Pétersbourg (D.). Vienne, le 20 septembre 1831.

1037. La reddition de Varsovie devra faire époque dans l'histoire du jour. Cet événement, dont les premiers avis nous sont parvenus par un rapport de notre consul général, rapport dont le texte a été inséré dans la feuille de l'Observateur du 14**, devra amener la fin du grand drame qui depuis plus de neuf mois a occupé l'Europe, qui a servi d'aliment à l'esprit de subversion généralement répandu, et qui a paralysé l'action du bien là où celui-ci aurait pu se faire jour.

Les Polonais, durant ce long espace de temps, n'ont cessé de tourner leurs regards vers l'Autriche. La conduite que notre Cour a constamment tenue vis-à-vis de la Pologne; la franche loyauté des principes qui règlent sa marche politique; le caractère personnel et si éprouvé de l'Empereur, ont dû nous assigner des droits particuliers à la confiance des Polonais. Pendant que la France en révolution, et l'Angleterre prête à y entrer, ont reçu l'hommage public des Polonais en

* Au sujet de l'assassinat de Capo d'Istria, qui eut lieu bientôt après (le 9 octobre), nous ne trouvons malheureusement rien dans les papiers de Metternich. (Note de l'Éditeur.)

** Suivant l'Observateur de ce jour, après une attaque terrible sur Varsovie, attaque qui dura deux jours, on signa, le 8 septembre au matin, une capitulation qui accordait aux troupes polonaises le droit de se retirer à Praga; ensuite Varsovie fut occupée par les troupes russes. (Note de l'Éditeur.)

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