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affaires. Expliquez-vous envers lui dans le sens de cette lettre; il se convaincra que je n'appartiens pas aux hommes qui cherchent midi à quatorze heures *.

MAINTIEN DE LA TURQUIE.

1128. Metternich à Neumann, à Londres (E. D.). Vienne, le 15 février 1833.

1128. Le Cabinet britannique part du principe que tout ce qui touche à l'existence de l'Empire ottoman doit avoir pour nous une valeur particulière. A cet égard, il ne se trompe pas; mais nous croyons, de notre côté, pouvoir nous livrer avec tout autant de fondement à la conviction que dans les questions du Levant il n'existe pas de nuance dans l'intérêt direct de la puissance anglaise qui pourrait se trouver en opposition avec celui de l'Autriche. Les deux Cabinets devront dès lors s'entendre avec facilité sur ce qu'ils auront à faire ou à éviter, à protéger ou à réprimer, en raison de leur intérêt commun. Cet intérêt, heureusement, est en même temps celui de la Porte elle-même.

L'existence du trône ottoman et sa conservation, quelque anomalie qu'il puisse offrir sous bien des rapports avec la civilisation chrétienne, sont un bien commun pour l'Europe, et en particulier un besoin politique pour l'Autriche. Les vastes contrées sur lesquelles le nom du Sultan domine encore, plus peut-être comme une formule que comme un pouvoir effectif,

un

* A la suite de la convention préliminaire qui fut arrêtée, le 21 mai 1833, entre les Cours d'Angleterre et de France, d'une part, et le Roi des PaysBas, d'autre part, convention en vertu de laquelle toutes les mesures coercitives furent supprimées, le statu quo ante (novembre 1832) rétabli, et armistice conclu entre la Hollande et la Belgique jusqu'à la signature d'un traité définitif, la Conférence de Londres, agissant avec la coopération des Cours d'Autriche, de Prusse et de Russie, reprit les négociations en vue d'amener la conclusion du traité définitif entre la Hollande et la Belgique, traité qui, on le sait, ne fut signé que le 29 avril 1839.

(Note de l'Éditeur.)

et surtout comme un pouvoir compacte, deviendraient nécessairement, par la chute de son trône, le théâtre d'une épouvantable anarchie ou la proie de la conquête de l'étranger. A l'une comme à l'autre de ces éventualités se trouvent liées des conditions plus ou moins compromettantes pour la paix du monde. Il ne peut donc s'agir pour aucune puissance de se créer à cet égard des utopies; mais leur intérêt direct comme leur intérêt commun exige qu'elles s'attachent de préférence à une marche politique pratique.

Parmi toutes les puissances de premier ordre, il n'en est que deux qui, en suivant une ligne de calculs aussi dangereuse que fautive, et animées d'un esprit de vertige ou de conquête, pourraient espérer obtenir des avantages individuels aux dépens de l'Empire ottoman. Ces puissances sont la Russie et la France.

L'intérêt évident que nous avons à ne pas nous abuser sur le fond de la pensée de notre puissant voisin, qui est en même temps celui de l'Empire ottoman, a dû nous faire une loi de l'étudier et de l'approfondir avec autant de sollicitude que de constance. Aussi sommes-nous parvenus à acquérir la conviction que l'Empereur de Russie suit une politique trop éclairée, qu'il connaît trop bien les besoins de son propre Empire et la situation de l'Europe, pour se méprendre sur l'inopportunité absolue de toute vue d'agrandissement aux dépens d'un voisin faible et dont la conservation intacte est bien plus conforme aux véritables intérêts de sa propre puissance que ne le seraient son avilissement et sa destruction. Nous savons que tous les Cabinets ne partagent pas notre confiance à cet égard; je sais aussi qu'il est difficile de ne pas croire à des errements politiques qui pendant plus d'un siècle ont servi de règle à la marche d'un Gouvernement, et d'admettre qu'ils peuvent céder facilement à des besoins nouveaux et différents; mais c'est parce que nous n'aimons pas à nous livrer légèrement à des impressions que les événements ne tendent que trop souvent à démentir, que nous avons dû vouer une attention toute particulière à l'examen le plus sévère de la valeur des bases sur lesquelles se fonde notre confiance. Ce que la puissance la

plus directement intéressée à éclaircir un fait et à en démontrer l'évidence, ce qu'une Cour qui n'est pas sujette à se livrer à un abandon ou à une légèreté blámables, ose avancer comme ayant pour elle la valeur d'une certitude, a droit à inspirer de la confiance à un ancien allié que non-seulement elle n'a aucun intérêt à abuser, mais qu'il est bien positivement dans son intérêt de chercher à maintenir sur une ligne d'action

commune.

En plaçant ainsi l'Empereur de Russie en dehors de tout soupçon à l'égard de ses vues sur le prochain avenir de la puissance ottomane, nous ne saurions avoir la même tranquillité relativement à la marche de la politique française. La France a certes le sentiment de la nécessité de prévenir ou d'empêcher la chute de la puissance ottomane; mais elle ne s'en livre pas moins à des calculs qu'une saine politique ne saurait mettre d'accord avec ce sentiment. Ce que le Gouvernement français veut aujourd'hui, les divers Gouvernements qui, dans le cours des trente dernières années, se sont succédé en France, ont constamment voulu, désiré et cherché à l'obtenir. L'Égypte a été considérée depuis longtemps par ces différents Gouvernements comme la conquête assurée de la France. Sans les obstacles insurmontables que la politique des puissances les plus directement intéressées à ce que cette contrée importante ne fût point possédée par la France, a opposés à la consolidation de cette conquête ou à de nouvelles tentatives qu'elle pourrait faire pour reconquérir l'Égypte, il y a longtemps que cette puissance serait parvenue à réaliser à cet égard ses vues ambitieuses. Ce n'est pas à des ministres anglais que nous avons la prétention de rien apprendre à ce sujet qu'ils ne sachent aussi bien et mieux que nous. Si la question de l'Égypte est une question autrichienne, elle est sans aucun doute bien plus encore une question anglaise.

Arrêté dans un élan qu'avec toute l'impartialité dont nous nous faisons une loi nous ne saurions nous empêcher de qualifier de naturel, le Gouvernement français tient à remplacer la question ajournée par une sorte de protectorat qu'il se plait à faire valoir en faveur du Vice-Roi d'Égypte. Ce que valent

les protections de cette nature, l'histoire de tous les temps, et particulièrement celle des époques les plus rapprochées, l'a appris au monde !

En admettant tous ces faits, il nous paraît évident que si les Cours d'Autriche, de Grande-Bretagne, de Russie et de France se rencontrent dans un intérêt politique commun, c'est sans contredit dans celui qu'elles portent à la conservation du trône du Sultan; par contre, il n'est pas moins évident qu'entre ces mêmes puissances il faut, dans la question du jour, admettre l'existence d'une nuance importante, et cette nuance range les trois premières Cours sur un même terrain, tandis qu'elle place la quatrième dans une direction particulière et isolée. Les faits viennent à l'appui de ce calcul.............

L'attitude que, d'après ce que vous a dit lord Palmerston, sa Cour prendra dans cette affaire est, à notre avis, tout ce qu'il faut pour assurer au bien, encore possible, les chances de succès désirables.

Au moment où l'Empereur a appris l'envoi à Alexandrie du colonel Campbell, qui était chargé de se mettre en relation avec notre agent en Egypte et de combiner avec celui-ci une marche uniforme, Sa Majesté Impériale a cru devoir offrir au nouveau consul général anglais un appui plus efficace. Le lieutenant-colonel de Prokesch est prêt à partir pour l'Égypte ; il s'y rend avec l'ordre de seconder en tous points les sages efforts du Cabinet britannique *. Le choix de Sa Majesté est tombé sur cet officier parce qu'il réunit à une portée d'esprit utile une connaissance parfaite des affaires du Levant, et celle personnellement de Méhémet-Ali, avec lequel il s'est déjà trouvé dans des rapports de confiance.

Les nouvelles les plus fraîches que nous ayons de Constantinople nous ont été apportées ici par un courrier de l'ambassade de France qui a quitté cette capitale le 30 janvier. M. le maréchal Maison m'a donné connaissance d'un rapport de M. de Varennes, dont il m'a permis de faire prendre la copie ci-jointe. L'internonce m'a adressé un rapport à peu

* Voir les documents suivants, nos 1129 et 1130. (Note de l'Éditeur.)

près identiquement conforme à celui du chargé d'affaires de France. M. Mandeville est le seul qui ait fait mention, dans une dépêche dont m'a parlé sir Frédéric Lamb, de la décision qu'aurait prise le Sultan à la suite de la réponse qu'il avait reçue d'Ibrahim- Pacha, de réclamer l'envoi de vaisseaux russes. Le fait est-il vrai? Surpris naturellement du silence qu'observent à cet égard, dans leurs dépêches, et l'internonce et le chargé d'affaires de France, je dois m'arrêter à ce doute. Quelle que puisse être la vérité dans les faits, l'arrivée de quelques vaisseaux de l'escadre de Sébastopol n'aura d'autre valeur réelle que celle d'une mesure de sûreté sur la côte asiatique de l'Hellespont et des Dardanelles livrées à la merci des Égyptiens. L'appel de ces vaisseaux renfermerait, d'un autre côté, la preuve que les intrigues françaises ont reçu un échec, par suite du peu de succès de la démarche de M. de Varennes vis-à-vis d'Ibrahim-Pacha.

n'avancera pas avant

Celui-ci, si je ne me trompe, d'être muni à cet effet d'ordres exprès de son père, postérieurs à la connaissance que celui-ci aura eue des propositions d'accommodement récemment admises par le Sultan. Les projets de Méhémet-Ali ne tendent pas encore au renversement du trône de Constantinople; forcé par les événements, ce rebelle ne ménagerait pas la personne de Mahmoud, mais ses plans suivent une direction plus prudente. C'est à fonder sa propre puissance que le Vice-Roi est encore occupé. Cet objet assuré, plus qu'il ne l'est par des succès militaires remportés sur la faiblesse et l'ineptie de ses adversaires, son point de vue pourra s'élargir. Ce n'est pas de cet avenir que nous avons à nous occuper aujourd'hui. Bornons nos soins aux besoins urgents du moment. C'est positivement dans l'accord que nous considérons comme établi, dans le grand intérêt commun, entre nous et le Cabinet anglais, et qui se trouve acquérir plus de force par la connaissance exacte que nous avons également de la parfaite uniformité des vues de l'Empereur de Russie avec celles de nos deux Cours, que devront se trouver les moyens de salut pratique pour assurer la conservation de l'Empire ottoman, et pour déjouer les vues absolument subversives de

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