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demander la réduction de la flotte égyptienne, et nous reconnaissons qu'elle aurait parfaitement raison en cela. Ce point si considérable nécessitera une entente entre les puissances.

Si l'on ne peut guère espérer d'obtenir des avantages matériels pour la Turquie, il faut attacher une importance d'autant plus grande à gagner le plus possible sous le rapport de la forme. Il faudra qu'à cet égard la soumission de Méhémet-Ali soit complète.

Veuillez, Monsieur, ne pas vous écarter de ces points de vue, et régler votre conduite en conséquence. En suivant la direction que je vous indique par les présentes, vous ne risquerez jamais d'agir à l'encontre des principes et des vues de votre Cour.

L'AFFAIRE ROUSSIN.

1131. Metternich à Apponyi, à Paris (D.). Vienne, le 18 mars 1833. 1132. Metternich à Apponyi, à Paris (D. rés.). Vienne, le 18 mars 1833.

1151. Par un rapport confié à un courrier de l'ambassade anglaise, l'internonce nous avait informés, sous la date du 24 février, qu'une transaction avait été conclue le 21 entre l'amiral Roussin et le Divan *. Par ce même courrier, l'ambassade de France à Vienne avait reçu des lettres de l'amiral, dont elle a bien voulu me donner connaissance, et par lesquelles celui-ci lui avait annoncé qu'il venait de conclure la paix entre Méhémet-Ali et le Sultan.

Les détails que vient de nous transmettre notre représen

* L'amiral Roussin fut envoyé à Constantinople comme ambassadeur de France, avec des pouvoirs illimités. La transaction conclue entre le représentant de la France et la Porte (21 février) portait que le premier s'engageait à amener Méhémet-Ali à la soumission moyennant l'investiture d'Acre, de Naplouse, de Jérusalem et de Tripoli; par contre, la Porte aurait à renoncer à l'appui de la Russie, et par suite, à éloigner la flotte russe, qui était à l'ancre devant Buyukdéré. Le 8 mars, Méhémet-Ali refusa d'accepter les conditions qui lui avaient été proposées. (Note de l'Éditeur.)

tant près la Porte, tout en confirmant le fait de la signature d'un acte entre l'amiral français et le reïs-effendi, prouvent cependant que l'engagement contracté par M. le baron de Roussin ne l'a point été au nom du Vice-Roi d'Égypte, mais au nom de son propre Gouvernement, lequel se charge de forcer Méhémet-Ali à souscrire aux conditions proposées par le Grand Seigneur et dont Halil-Pacha a été le porteur à Alexandrie, contre l'engagement qu'a pris la Porte de renvoyer immédiatement l'escadre russe qui venait de jeter l'ancre dans le Bosphore.

Il nous est prouvé, Monsieur l'ambassadeur, que telle est la véritable position des choses, et c'est sur elle que nous vous chargeons de vous entretenir avec M. le duc de Broglie avec cette franchise qui n'a cessé de caractériser nos explications avec le Cabinet français.

S'il existe une vérité politique incontestable, c'est qu'il n'y a pas une puissance plus directement intéressée que l'Autriche au sort de l'Empire ottoman. Plus notre système politique général repose sur des principes conservateurs, plus il est de notre devoir comme de notre intérêt d'appliquer ce système au grand État voisin.

Si l'histoire d'une longue série d'années offre des preuves multipliées que telle a été en effet la ligne de conduite que nous avons suivie à l'égard de la Porte ottomane, cette vérité a reçu une démonstration nouvelle par la conduite que nous avons observée dans l'affaire grecque. Abstraction faite du principe sur lequel reposait l'émancipation de la Grèce, nous avons tenu constamment en vue la conservation du trône de Constantinople, et il n'est pas une considération que nous n'ayons subordonnée à cet intérêt, qui est vital pour notre propre Empire. Nous n'avons point hésité à séparer notre marche de celle de nos anciens et intimes alliés; nous avons bravé une opinion publique fortement excitée contre nous; nous avons enfin porté tous les genres de sacrifices à ce qui pour nous a toute la valeur d'une cause qui est heureusement tout aussi européenne qu'autrichienne. Cette vérité établie, il s'ensuit, avec évidence, que tout événement qui tend à con

solider ou à troubler le repos dans le Levant ne peut nonseulement nous être indifférent, mais qu'il a le droit de fixer notre plus sérieuse attention. Parmi les événements de cette nature, nous mettons en première ligne aujourd'hui la révolte du Pacha d'Égypte, et la part que prennent à cette complication déplorable les puissances le plus à portée d'exercer de l'influence sur ces résultats possibles. Ces puissances sont, sans nul doute, les deux Cours impériales voisines de l'Empire ottoman, et les deux grandes puissances maritimes.

Dès les premiers moments du soulèvement de Méhémet-Ali contre le Sultan, l'Empereur de Russie s'est expliqué à cet égard envers l'Empereur notre auguste Maitre avec la plus entière franchise, et avec une rectitude de vues et de principes parfaitement conformes aux nôtres. Chaque pas qu'a fait la Cour de Russie depuis cette époque, dans l'intérêt commun, a porté le caractère de ces mêmes principes.

Le Cabinet britannique n'a également point tardé à entrer en communication avec nous sur cette même affaire. Il ne nous a pas été difficile d'acquérir la certitude qu'il l'envisageait sous le même point de vue que nous, et qu'à cet égard sa pensée ne différait pas de la nôtre.

M. le duc de Broglie s'est enfin également ouvert à nous par votre intermédiaire. La réponse que j'ai eu l'honneur de vous adresser sans retard doit avoir prouvé à ce ministre que les deux Cours sont d'accord sur la nécessité d'empêcher que la révolte du Pacha d'Égypte ne compromette l'existence de l'Empire ottoman, et, vu l'état de faiblesse déplorable auquel celui-ci est réduit, de circonscrire les événements dans les limites les plus étroites possibles.

Lorsqu'il existe entre les principales puissances une aussi heureuse concordance de vues et de déterminations, comment est-il devenu possible qu'un intérêt que toutes reconnaissent et qu'elles avouent leur être commun, ait pu se trouver compromis au point où nous craignons malheureusement qu'il puisse l'être aujourd'hui; qu'une affaire qui, pour être conduite à son terme le plus désirable, n'eût réclamé qu'une

marche claire et simple de la part de ces mêmes puissances, puisse offrir des chances de désunion entre elles, si riches en conséquences déplorables? On ne saurait l'attribuer qu'à une seule cause, et c'est sur cette cause que nous n'hésitons pas à nous expliquer; elle vous a été signalée par M. le duc de Broglie lui-même, dans l'entretien que vous avez eu avec ce ministre.

L'Empereur de Russie a fait au Sultan des offres de secours, au moment du danger le plus flagrant où ce Souverain se soit encore trouvé exposé. Dans quel esprit et dans quel but ces offres ont-elles été faites? Le Monarque russe a-t-il en vue la ruine ou l'affaiblissement de l'Empire ottoman? Vise-t-il à se faire payer de ses services momentanés par des concessions. qui, dans leurs résultats, auraient la valeur d'un affaiblissement pareil? Cette question, Monsieur l'ambassadeur, est d'une haute importance, et l'Autriche, je n'hésite pas à l'avancer, est tout aussi intéressée à sa solution que la Porte ellemême, car, quelque vrai et sincère que puisse être l'intérêt que voue la France ou toute autre puissance à l'existence du trône ottoman, celui que doit y prendre et qu'y prend en effet l'Autriche est nécessairement plus vif et plus direct encore; il se rattache à des antécédents d'une haute valeur pour elle, et dans les conjonctures politiques actuelles, aucune puissance assurément ne saurait être plus fortement et plus directement intéressée à sa conservation. Nous avons dû, par conséquent, nous considérer comme plus particulièrement appelés à évaluer les dangers du moment et les chances qu'ils peuvent amener, et lorsqu'un Cabinet qui, quels que soient les jugements contradictoires qu'on puisse porter sur sa conduite habituelle, n'a certes jamais mérité, dans les temps les plus difficiles, le reproche de légèreté, s'est déclaré assez exactement informé pour être confiant, il nous semble que d'autres Cabinets n'ont pas le droit de s'abandonner à des doutes qui mettent en danger la cause commune.

C'est ce qui vient néanmoins d'arriver. Il est évident que l'amiral Roussin s'est laissé influencer par des doutes; car là où les puissances veulent une même chose et où le danger est

pressant, il n'est pas permis d'admettre comme possible qu'un Cabinet puisse vouloir compromettre la chose même par un simple calcul de jalousie politique. Il est des influences tellement fondées sur une force des choses indubitable, que ce serait une vaine prétention que de vouloir les nier ou les combattre. De ce nombre est l'influence que doit nécessairement exercer tout grand corps politique sur des États limitrophes. Dans la présente occurrence, la Russie ne peut rester étrangère aux dangers que court l'Empire ottoman; elle doit, ou favoriser Méhémet-Ali, ou se déclarer hautement contre ses vues ambitieuses. Elle doit préter au Sultan le secours que réclame d'elle ce Souverain, ou se déclarer pour la cause du rebelle. Si l'Empereur notre auguste Maître avait cu à la portée de Constantinople, pour protéger l'existence du trône ottoman, les moyens matériels dont vient de disposer l'Empereur Nicolas en faveur du Sultan, Sa Majesté n'eût pas hésité un instant à se préter à toute demande de secours qui lui eût été adressée par le Divan; et si dans ce cas nous avions rencontré dans le nouvel ambassadeur de France à Constantinople une opposition ouverte de la nature de celle qui vient de se manifester à l'égard de la Russie, quel jugement aurions-nous porté de cette opposition? que dirait enfin le Gouvernement français si les puissances devaient lui interdire toute manifestation de l'intérêt qu'il prend au salut de l'Empire ottoman? Il est des circonstances, Monsieur l'ambassadeur, où les explications entre les Cabinets ne sauraient être trop franches; leur position en face des dangers qui menacent l'ordre public est trop difficile pour qu'il ne soit pas désirable de leur voir éviter des conflits.

D'après les nouvelles du 26 février, Ibrahim-Pacha ne tenait pas compte des ordres de son père, ou bien ses ordres n'avaient d'autre but que de lui faire abandonner momentanément sa marche sur Scutari. Il vient de s'emparer de Smyrne sans coup férir. L'amiral Roussin se fera-t-il obéir du conquérant, et, dans le cas où il en serait autrement, quels moyens la France croira-t-elle devoir employer pour remplir les engagements que son ambassadeur a contractés envers le Divan? Ces questions, Monsieur l'ambassadeur, ont une

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