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1o Dans le naufrage que vient de faire le Roi des Pays-Bas, il s'agira de sauver, dans l'intérêt de sa Couronne comme dans celui du maintien de cet état d'équilibre établi par les grandes transactions européennes, ce qui pourra être sauvé. Rechercher ce qui n'offre pas de chances de réussite, ce serait perdre un temps précieux pour le salut de la chose publique. La pensée des puissances et celle de Sa Majesté Néerlandaise elleméme devront ainsi se fixer sur le seul terrain pratique.

2. Nous regardons comme appartenant à ce terrain tout ce qui aura pour objet :

a. De conserver à la création des puissances la valeur d'un contre-poids à des vues ambitieuses de la France, et d'empêcher que la Belgique, soit par son incorporation formelle à la France, soit par une indépendance qui ne serait que nominale, ne fasse partie du domaine politique de cette puissance;

b. D'asseoir les rapports futurs entre les deux parties ci-devant unes et indivisibles du Royaume des Pays-Bas sur des bases qui puissent assurer autant que possible le repos intérieur de ces mêmes parties, et établir entre elles des liens naturels.

3. L'application de ces principes ne pouvant avoir lieu qu'au moyen d'une prise en considération impartiale, franche et sérieuse entre les puissances alliées, la France et Sa Majesté Néerlandaise elle-même, et le seul moyen possible pour arriver à une entente se trouvant dans une conférence, Votre Excellence prendra part à toute délibération qui à ce sujet serait établie à La Haye. Si une conférence devait être formée à Londres, vous aurez soin également, Monsieur le baron, de vous maintenir sur la ligne la plus serrée possible avec MM. vos collègues de Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie. C'est conjointement avec eux que vous établirez et réglerez utilement vos relations avec M. l'envoyé de France.

C'est à ces courtes maximes que je viens d'énoncer que doit se borner notre instruction supplémentaire, la seule qu'il nous soit possible de vous donner. Les vérités, dans les graves intérêts que vous êtes appelé à défendre, sont tellement claires

et patentes, que ce n'est pas à un homme d'État de votre expérience qu'il pourrait sembler nécessaire de prescrire, autrement que par une indication sommaire, la marche que vous devrez suivre pour assurer le bien encore possible, là où le mal a déjà dépassé les bornes de tout calcul antérieur. Vous savez ce que depuis longtemps, ce que de tout temps méme, nous avons auguré du sort du Royaume des Pays-Bas; vous connaissez le pronostic que nous avons tiré des nombreuses erreurs auxquelles s'était abandonné le Gouvernement, et des dangers dont se trouvait menacée son existence par les éléments que le Roi s'était plu à caresser et dans lesquels il a commis l'erreur de chercher un gage pour le repos et parfois même pour l'extension de son pouvoir. Si je n'ai rien à vous apprendre sur le jugement que nous avons porté sur le passé, il en est de même des vœux que nous formons pour l'avenir.

MISSION D'ORLOFF A LA RÉSIDENCE IMPÉRIALE DE PRESBOURG*.

979. Mémoire de Metternich pour le comte Orloff, daté de Vienne, le 6 octobre 1830. 980. Metternich à Ficquelmont, à Saint-Pétersbourg (E. D.). Vienne, le 13 octobre 1830. 981. Metternich à Ficquelmont, à Saint-Pétersbourg (E. D. confident.). Vienne, le 13 octobre 1830. 982. Metternich à Esterhazy, à Londres (E. D.). Vienne, le 21 octobre 1830.

979. A aucune époque de l'histoire moderne, la position dans laquelle s'est trouvé le corps social n'a présenté plus de dangers que par suite du bouleversement qui vient d'avoir lieu en France. La véritable et, nous n'hésitons pas à le dire, — la dernière ancre de salut qui reste encore à l'Europe, se trouve dans un accord entre les grandes puissances, fondé sur les bases conservatrices de leur grande et heureuse alliance.

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Le but ostensible de cette mission était d'assister à l'acte solennel du couronnement de l'Archiduc prince héritier Ferdinand comme Roi de Hongrie, et de montrer par là d'une manière éclatante la vive part que l'Empereur de Russie prenait à un événement si heureux pour toute la Monarchie autrichienne. (Note de l'Éditeur.)

L'existence de cet accord, pour être efficace dans ses effets, devra être clairement démontrée aux yeux de l'Europe entière. Ce n'est qu'ainsi qu'il pourra prêter des forces salutaires à ceux qui sont en état de maîtriser les dangers dont nous sommes entourés, arrêter ceux qui se voient entraînés vers l'abîme, et, en imposant aux perturbateurs, servir de frein aux factions qui, soit par folie, soit par erreur, menacent d'ensevelir sous des ruines la paix et la prospérité des Empires.

Bien qu'une entente entre les principales puissances de l'Europe n'ait point eu lieu dans les premiers moments qui ont suivi la chute de la Maison régnante en France, les Monarques n'ont pas tardé à prendre une même attitude diplomatique. Il ne reste plus ainsi qu'à assurer, par une méme action morale de leur part et par une sage prévision, les chances de l'avenir. Notre pensée à ce sujet porte sur les points

suivants :

1° L'influence extraordinaire que la révolution de Juillet a exercée sur les esprits bien au delà des frontières de France, est démontrée par des faits journaliers.

Cette influence est, par plus d'une raison, bien autrement décisive que ne le fut et que ne pouvait l'être celle de la révolution de 1789. Que de séductions n'ont pas été employées, depuis cette époque déjà reculée, sur la masse des peu les! La génération tout entière a été nourrie des dogmes du libéralisme; trop jeune pour avoir été témoin des désastres passés, la génération nouvelle a été induite à regarder l'ordre public, que des efforts immenses ont seuls pu rétablir, comme la conséquence naturelle d'une première révolution qui n'aurait été dirigée que contre des abus odieux, restes de temps barbares!

La Restauration n'a, en réalité, marché en France que dans les voies de la faiblesse, tandis que sous l'égide de cette même Restauration, plus d'un Gouvernement a cru pouvoir acquérir de la popularité en abandonnant, ou pour le moins en laissant flotter les rénes du pouvoir. Quelle différence, d'un autre côté, n'existe-t-il entre l'action de l'ancienne et absurde propagande, et le réseau que des sectaires mieux avisés ont, depuis longtemps déjà, su étendre sur l'Europe entière!

pas

Il ne se passe guère de nos jours un événement dont il ne soit facile de suivre l'origine et la filière, et le même centre d'action se retrouve partout.

2o En admettant ces tristes vérités, il ne faut pas, d'un autre côté, se laisser abattre par le mal existant. Quels que soient les progrès qu'il a faits, ceux que la Providence a chargés du pénible devoir de gouverner, à moins de se résigner à toutes les calamités qui peuvent résulter de ce mal pour les Souverains et les peuples, sont hautement appelés à le combattre.

Avec la décision que nous connaissons aux Monarques, leurs soins devront avant tout être dirigés vers les moyens à employer dans l'intérêt de la cause générale, dans laquelle se confond celle de leurs propres trônes et Empires. Il reste, sans aucun doute, des moyens de salut pour ceux-ci. La grande masse, la masse ordinairement inerte, le peuple proprement dit, est menacé par les événements du jour dans ses intérêts les plus réels et les plus positifs. Ses regards se tournent en tous lieux vers le pouvoir, embarrassé et contrarié dans sa marche par les hommes qui ont pris un ascendant funeste sur la classe moyenne de la société. Des mesures bien combinées, une régularité constante dans l'action, et avant tout la démonstration la plus claire de l'existence d'un sentiment actif de solidarité entre les Gouvernements, voilà les premières conditions de tout système tendant à reconstruire l'ordre public ébranlé dans ses fondements.

3o Le sentiment de cette vérité a pénétré les fauteurs des bouleversements au point que le nouveau Gouvernement français, jouet des factions désorganisatrices, n'a pas tardé à reconnaître que le maintien de son pouvoir chancelant, et celui même de sa frêle existence, était principalement lié au fait de l'isolement entre les Gouvernements étrangers.

Ce que le Gouvernement de la Révolution craint, nous devons l'aimer; ce qu'il récuse, nous devons l'adopter.

L'Europe doit être considérée aujourd'hui comme partagée en quatre masses:

a. La France, et avec elle les factieux de tous les

pays;

b. Le continent à l'est de la France, y compris le Royaume des Pays-Bas et la péninsule italienne;

c. L'Espagne et le Portugal;

d. L'Angleterre.

Quelle que puisse être la différence dans la position et dans les facultés d'agir des divers Gouvernements de l'Europe, tous cependant doivent se regarder comme réunis dans un même intérêt, celui de leur propre conservation. La différence entre eux ne peut porter que sur le plus ou moins de facilité à s'engager éventuellement à prêter des secours, et sur la possibilité de porter des secours pareils à ceux qui en auraient besoin.

La puissance anglaise se trouve placée ici dans une situation particulière, mais d'autant plus pénible qu'elle est pleine de contradictions. Prêt à s'opposer non-seulement à tout empiétement de la France sur le Royaume des Pays-Bas, mais encore à telles exigences révolutionnaires qui aboutiraient à la séparation de pays réunis par les traités, le Gouvernement britannique éprouverait sans doute une grande difficulté à soutenir son intervention en faveur d'autres parties du continent européen.

Des puissances possédant une plus grande latitude d'action devront-elles se laisser arreter par la gêne que pourra éprouver le Gouvernement anglais dans des décisions qu'elles regarderaient comme salutaires? Rien n'indique une pareille nécessité; car, à moins d'un bouleversement complet du système que l'Angleterre a si noblement suivi dans plus d'une époque de dangers pour l'Europe, ce même Gouvernement, que des considérations particulières pourraient empêcher de se prononcer en faveur de telle mesure de salut, ne se permettra jamais de la contrarier.

En suivant ce raisonnement, il se présente d'abord la grande masse de l'Est, sur laquelle nous devons diriger nos regards. Cette masse se compose:

a. Des deux grandes Cours impériales et de la Prusse;

b. Du Corps fédéral germanique;

c. Du Royaume des Pays-Bas;

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