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vous pouviez vous transporter ici, éprouveriez la même impression. Tout va comme si rien n'était arrivé, et cet heureux résultat, on le doit assurément au caractère du nouveau Monarque et à la raison qui prédomine dans l'esprit de nos peuples.

Veuillez tâcher d'empêcher, par des raisons que vous trouverez tout naturellement dans le deuil de cœur de la famille impériale, que Louis-Philippe ne nous envoie ici un prince de sa famille. Qu'il laisse prendre quelque haleine au nouvel Empereur. Je me flatte que l'idée ne lui en viendra pas; ce qui a fait naître ici celle d'un envoi pareil, c'est l'arrivée du prince Guillaume, fils du Roi de Prusse. Celui-ci a été reçu à bras ouverts; mais aussi quelle différence de position!

Je suis charmé que M. de Sainte-Aulaire nous revienne sans retard. C'est tout ce qu'il faut pour marquer l'empressement de la Cour de France.

Nous allons incessamment envoyer aux grandes Cours des personnes de marque chargées de remettre les notifications. formelles de l'avénement du nouveau Monarque. La Cour de France est au nombre de celles qui recevront une mission pareille, et j'ai tout lieu de croire que le choix de Sa Majesté tombera sur M. le prince de Schoenburg. Les autres personnes déjà désignées sont le prince Louis de Liechtenstein pour Londres, le prince Adolphe de Schwarzenberg pour Berlin, et le prince Charles de Liechtenstein (le général) pour SaintPétersbourg *.

*On trouvera dans le Livre VIII la suite de ces lettres confidentielles de l'année 1835. (Note de l'Éditeur.)

LA POLITIQUE DES DEUX PUISSANCES OCCIDENTALES EN ESPAGNE.

1185. Metternich à Apponyi, à Paris (E. D. rés.). Vienne, le 8 janvier 1835. 1186. Metternich à Hummelauer, à Londres (E. D.). Vienne, le 8 janvier 1835.

1185.... M. de Sainte-Aulaire m'a demandé ce qu'il pourrait dire au Roi de mon opinion sur les affaires d'Espagne*. Je l'ai remercié de m'avoir adressé cette question, et je l'ai assuré que ma réponse serait aussi courte que précise : « Je ne sais point changer de manière de voir là où les choses ne prêtent point à un changemeut. Je trouve que l'Espagne est exposée aujourd'hui aux mêmes dangers auxquels j'ai jugé qu'elle l'était le jour où le Roi Ferdinand a commis la faute immense de changer la loi de succession, ce qu'il n'avait pas plus le droit de faire que tout autre Souverain lié par une pragmatique. L'Espagne est et continuera à être divisée en deux partis, le parti religieux et monarchique, et le parti révolutionnaire et irréligieux. C'est Don Carlos qui représente sans aucun doute le premier de ces partis; et c'est la Reine qui sert de drapeau et de masque au second, et qui par conséquent n'est personnellement rien dans la grande et malheureuse lutte à laquelle est livré le Royaume. La France, si elle est sage, n'a qu'une ligne de politique à suivre à l'égard de l'Espagne, et cette ligne est la même que celle que nous suivons à l'égard de la Porte Ottomane. Lorsqu'une grande puissance a pour voisin, du seul côté où elle peut être attaquée, un État tombé dans la faiblesse et dont elle ne peut ni se faire un allié utile ni attendre des' secours, tout ce que peut désirer la puissance de premier ordre, c'est que son voisin ainsi affaibli ne soit point en situation de lui nuire. Ce but ne sera certainement jamais plus efficacement atteint que lorsque la puissance forte n'aura point à s'occuper de son faible voisin. L'Espagne monarchique, ou ce qui est équivalent, l'Espagne

* Sainte-Aulaire était sur le point de partir pour Paris, et c'est à l'occasion de la visite d'adieu qu'il fit au chancelier d'État, que la conversation citée ci-dessus eut lieu. (Note de l'Éditeur.)

placée sous le Gouvernement de Don Carlos, n'offre aucun danger pour la France, car en supposant même que l'avènement de ce Prince au trône de ses pères n'ait pas pour résultat immédiat la pacification du pays, ce qui est certain, c'est que le principe que défend Don Carlos a une bien autre force que celui que ne représentent même pas et que ne sauraient représenter un enfant à peine sorti du berceau et une tutrice aussi faible que la Reine Christine. Il ressort de ces vérités que le triomphe de la faction révolutionnaire en Espagne réagira pendant longtemps encore et d'une manière dangereuse sur l'intérieur de la France, et affaiblira nécessairement la position de cette puissance vis-à-vis de l'étranger. C'est dans ce sens que je me suis constamment expliqué vis-à-vis du Roi Louis-Philippe, depuis le jour où ce Prince a confié à notre ambassadeur qu'à l'égard de l'Espagne il partageait en principe ma manière de voir, mais que sa gêne provenait de l'esprit de son Conseil et des engagements qu'il avait contractés ; il ne me restait d'après cela plus rien à dire à ce sujet, car il est inutile de prêcher à des convertis. »

« Mais », reprit M. de Sainte-Aulaire, « en admettant l'existence de la gêne où se trouve le Roi, que lui conseilleriezvous de faire ?

"

- Si j'avais l'avantage d'être placé en face de Sa Majesté, je lui dirais qu'en partant de la base qu'en principe nous sommes d'accord, je croyais pouvoir me dispenser de revenir sur la première cause du danger auquel Elle se trouve exposée par suite de la marche politique qu'a suivie antérieurement son Cabinet. Prenons les choses telles qu'elles existent. L'Espagne est engagée dans une lutte dont on ne saurait prévoir le terme, à moins que Don Carlos ne triomphe de la Révolution, lutte qui, par contre, si ce Prince succombe, prendra immanquablement l'essor que ses meneurs n'ont point osé lui donner jusqu'à cette heure. Vous avez signé un traité et vous avez eu la sagesse de borner votre rôle à celui d'une stricte neutralité; dès lors, soyez neutre, et pour l'être en effet, défendez à votre Gouvernement de prêter à l'une des parties contendantes des secours que vous enlevez à l'autre ou

ue vous ne lui laissez pas arriver. Il résultera de ce simple. ait un bienfait pour l'Espagne, et pour la France en sa qualité de puissance limitrophe. Lorsque les deux parties seront réduites à leurs seuls moyens et à ne faire usage que de ceux qu'elles auront une égale facilité ou difficulté à se procurer, leur force relative deviendra claire aux yeux des plus impartiaux; alors, quand les forces seront connues et qu'elles pourront être appréciées par les puissances, celles-ci seront tout naturellement appelées à exiger, dans leur propre intérêt comme dans celui de l'Espagne, qu'on mette fin à cette lutte. Dans ce système, tout est clair et justiciable devant le tribunal de la raison et d'une saine politique. Il me reste encore un conseil à vous donner, Sire, ce serait de vous entendre, sur le système que je viens de développer, avec le Cabinet anglais actuel. Vous y trouverez plus de raison et beaucoup moins de passion que dans le précédent, et de la manière dont je connais M. le duc de Wellington, je suis certain qu'il est aussi convaincu que je le suis moi-même à quel point serait dangereuse l'entreprise de vouloir imposer à une grande nation un Gouvernement dont elle ne veut pas, et que ce ne serait certainement pas l'étranger qui pourrait en assurer le succès. » M. de Sainte-Aulaire prit à tâche de me prouver qu'en définitive la marche que suivait son Gouvernement ne s'éloiguait pas de celle que je venais de lui développer, qu'il observait une neutralité stricte et complète, et qu'il n'en sortirait certainement pas.

« J'admets », lui dis-je, « que vous puissiez croire que tel est effectivement le cas, mais vous êtes ici dans une erreur complète. Non, la conduite qu'observe votre Gouvernement non-seulement n'est pas conforme à une stricte neutralité, mais elle est au contraire pour les révolutionnaires espagnols d'une partialité dont chaque jour offre des preuves. Croyez qu'à ce sujet nous savons tout ce qui se passe, tout ce que vous fournissez d'armes, d'argent, de munitions, d'objets d'équipement, de secours enfin de toute espèce, à ce qu'on appelle l'armée de la Reine Christine. Vous permettez aujourd'hui à

vos soldats et même à vos officiers de

passer

dans les

rangs

de

cette prétendue armée, et si je suis loin de me faire illusion sur les forces matérielles dont dispose Don Carlos, il doit m'être permis de les croire supérieures à celles de son adverraire, car sans cela vous n'iriez pas renforcer les forces des Christinos. >>

M. de Sainte-Aulaire a admis la possibilité que cela fût vrai. De mon côté, je l'assurai que je n'étais point dans l'erreur, et je l'invitai expressément à rendre compte de mes paroles au

Roi son maître.

Metternich à Hummelauer (E. D.). Vienne, le 8 janvier 1835.

1186. ...Je ne saurais mieux répondre à votre rapport du 26 décembre qu'en vous envoyant l'extrait ci-joint de la dépêche secrète que j'adresse aujourd'hui à M. le comte Apponyi (n° 1185). Je vous autorise à en donner confidentiellement connaissance à M. le duc de Wellington; il y verra, en la lisant, quelles sont les explications secrètes qui, depuis l'origine de la déplorable complication espagnole, ont eu et ont encore lieu entre moi et le Roi Louis-Philippe.....

Dans la question espagnole il est évident, en effet, que pour le Roi Louis-Philippe deux intérêts sont mis en jeu, l'intérêt du Gouvernement et celui de sa dynastie; et c'est précisément parce que les hommes qui composent en France le ministère n'attachent qu'un médiocre prix au premier de ces intérêts et n'en mettent aucun au second, qu'il existe à cet égard entre l'opinion du Roi et celle de son Conseil une divergence pro

noncée.

Dans mes relations avec M. le duc de Wellington sur l'affaire d'Espagne, je sens que je dois me borner à lui faire connaître la manière dont nous jugeons cette affaire, et quelle est la ligne de conduite que nous nous sommes tracée à cet égard. La situation où se trouve le duc à l'égard de cette grave question ne ressemble nullement à celle que, à la suite du système suivi par son prédécesseur, nous avons pris soin de nous ménager. Nous sommes entièrement libres de notre action, et c'est cette même liberté d'action que le Cabinet britannique

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