Sidor som bilder
PDF
ePub

par

entre son Cabinet et lord Stuart. La dernière pièce était une instruction de lord Aberdeen à cet ambassadeur, en date du 4 mai, et vous en avez ressenti les effets dans l'humeur postérieure de votre collègue contre le Gouvernement français. Par cette instruction, lord Stuart a été chargé de déclarer à M. le prince de Polignac « que le Cabinet britannique se reconnaissait le droit et le devoir d'apprendre à connaître d'une manière explicite les vues de la France sur toutes les conséquences possibles de son entreprise ». La dépêche de lord Aberdeen finit la déclaration que, dans le cas où une explication pareille devrait ne pas être donnée incessamment, les conséquences du refus, de quelque nature qu'elles pourraient être, retomberaient sur le Cabinet de Sa Majesté TrèsChrétienne. M. le prince de Polignac aura fait la seule réponse qu'il pouvait faire; il aura répété que la France restera préte à s'entendre avec ses alliés. Ce n'est pas ce que veut l'Angleterre, ni ce dont elle pourrait se contenter, et c'est cependant tout ce que le ministre français aura pu répondre. La demande anglaise est certes fortement motivée; mais elle aurait dû être faite il y a six mois, c'est-à-dire dans le temps utile où nous avons abordé la question envers les ministres anglais, et où ils ont eu l'air de la traiter avec une entière indifférence. N'auraient-ils pas eu la conviction que le Gouvernement français était tout décidé en faveur de l'entreprise? Le fait ne serait pas moins inexplicable.

Peu avant la communication de lord Cowley, M. de Rayneval avait reçu un courrier de sa Cour, avec l'injonction de nous inviter à vous adresser l'autorisation éventuelle de prendre part à des délibérations auxquelles l'affaire d'Alger pourrait donner lieu. J'ai répondu à l'ambassadeur que vous recevriez à ce sujet des directions de notre part.

Celles-ci ne sauraient être que très-simples. Si vous deviez être invité par le ministre des affaires étrangères à vous réunir avec lui et vos collègues pour une prise en considération commune, vous n'hésiterez pas à vous rendre à cet appel.

Dans l'affaire en question, un objet fixe avant tout nos regards, c'est celui du maintien de la bonne harmonie entre les puissances maritimes.

Nous n'avons dans l'affaire d'Alger d'autres intérêts que ceux que partage avec nous la totalité des États: l'abolition de la piraterie, celle de l'esclavage; l'introduction d'un ordre de choses plus régulier à Alger: tout cela peut être regardé par nous comme étant d'un avantage réel et général. Ce qui, dans les résultats de grands succès français, dépasserait ces objets, devra conduire à des démêlés politiques. Mais ici l'Angleterre se trouve engagée en première ligne ; et comme nos relations de bonne entente avec cette puissance sont pour nous tout à fait naturelles, il est dans l'ordre des choses que, dans la présente complication, nous consultions avant tout l'intérêt de la Grande-Bretagne. Il serait désirable que, sur tous les points qui jamais pourraient être portés à une délibération commune, les Cours de Vienne et de Londres pussent se consulter et s'entendre en confiance et en bonne amitié.

Vous pouvez annoncer à M. le prince de Polignac, verbalement et confidentiellement, que vous avez reçu l'autorisation de vous réunir, le cas échéant, avec lui et avec vos collègues, pour écouter les ouvertures que Son Excellence aurait à vous faire. Vous ajouterez que la seule direction possible vous a été donnée pour vous servir de règle générale, savoir celle d'apporter dans la prise en considération de tous les objets un esprit d'entière impartialité et en même temps de franche conciliation des intérêts qui, au grand regret de votre Cour, pourraient offrir de la divergence. Vous vous expliquerez dans le même sens envers lord Stuart et vos collègues de Russie et de Prusse. Vous recommander d'éviter dans l'ensemble de votre attitude tout ce qui aurait l'air d'un vif empressement, me semble parfaitement inutile.

Quant à l'ambassadeur d'Angleterre, vous pourrez le prévenir que c'est avec lui que vous serez toujours disposé à vous entendre de préférence. La réunion d'une conférence me paraît, au reste, encore fort problématique. Plus le Cabinet français voudra y avoir recours, moins celui de la Grande-Bretagne se trouvera disposé, probablement, à aborder en commun des questions

qu'à juste titre il peut regarder comme étant avant tout anglaises*.

10 juin.

956. La lutte entre les partis royalistes me paraît, à en juger par la teneur des feuilles publiques, se calmer un peu. Il serait heureux que les adhérents de ces divers partis se réunissent pour présenter un front compacte à leurs adversaires communs, les libéraux. Tout ce qui se passe est, au reste, pitoyable, et serait impossible ailleurs qu'en France. Une guerre pareille à celle que se font les partis eût depuis longtemps, dans tout autre pays, assuré le triomphe de l'un ou de l'autre de ces partis. N'est-ce pas une preuve que ni les uns ni les autres ne sont dans le vrai?

UNE EXPLICATION DE METTERNICH AVEC NESSELRODE, A CARLSBAD.

[merged small][ocr errors][merged small]

937. Je suis arrivé à Carlsbad le 27 juillet dernier, et je m'y suis arrêté pendant vingt-quatre heures, afin de m'entretenir avec le comte de Nesselrode.

Le comte de Nesselrode était inquiet il avait peur d'une entrevue avec moi. Quand il vit que je le recevais avec un calme parfait, et que je lui développais avec beaucoup de mesure les points que je m'étais proposé de toucher; quand je lui fis enfin les reproches que sa conduite politique mérite depuis des années, toute appréhension disparut chez lui, et, obligé de se défendre, il dut reconnaître bientôt que ses armes étaient insuffisantes. La meilleure preuve qu'il en donna, c'est qu'il s'engagea dans des dénégations qu'il lui était impossible de soutenir.

Comme on le sait, l'expédition se termina par la capitulation d'Alger, le 5 juillet 1830. (Note de l'Éditeur.)

Comme en toutes choses, quelque embrouillées qu'elles soient, il n'y a qu'un point principal sur lequel elles reposent, j'ai tiré de mes conversations avec le comte de Nesselrode les corollaires suivants, qui, à mes yeux, sont d'une exactitude rigoureuse.

Depuis l'origine des questions orientales, il y avait une conjuration entre les hommes d'État russes; ils voulaient entrainer l'Empereur leur Maître dans une vaste complication avec la Porte. Tous les moyens leur semblaient bons pour cela.

Ce dessein leur était inspiré par plusieurs motifs. L'esprit libéral qui s'efforçait de détourner l'Empereur Alexandre de la tendance monarchique qu'il s'était mis à suivre dans les dernières années de sa vie, et qui, par suite, créait de nouveaux intérêts; le fait que les deux individus qui dirigeaient le Cabinet étaient des étrangers (l'un était même un Corfiote imbu d'idées démagogiques, et l'autre, un Allemand à demi libéral); l'esprit des Russes, si facile à passionner quand il s'agit de se livrer à un déploiement de force contre des États plus faibles: toutes ces circonstances paralysaient si bien l'action du comte de Nesselrode, qu'il prit le parti que choisissent d'ordinaire les hommes faibles, c'est-à-dire celui de suivre le courant et d'avancer toujours sans écouter la voix de la conscience, jusqu'à ce qu'ils se noient ou qu'ils trouvent quelque moyen de se sauver.

Ce tableau renferme aussi la clef de ce qui est arrivé. Nous avons vu l'Empereur Alexandre, qui, à côté de bien des qualités remarquables de l'esprit et du cœur, manquait d'un jugement sain, s'engager depuis l'année 1823 dans un système de fluctuations regrettables. Plus qu'abandonné par ses propres ministres, trompé sur la réalité des choses, et livré aux dangers les plus menaçants dans l'intérieur de l'Empire, il ne savait plus que faire. Ce que voulaient Capo d'Istria et quelques autres individus, ils ne pouvaient pas l'exécuter; l'Empereur n'était plus un contre-poids, et Nesselrode aveuglé était emporté par le courant. Il ne pouvait plus marcher d'accord avec nous; moi surtout je lui apparaissais comme le remords personnifié; c'est lui-même d'ailleurs qui a dit le mot le plus

vrai « Ce que dans l'affaire orientale il y : dans l'affaire orientale il y a de plus heureux,

c'est qu'elle soit finie. »

Ces quelques mots sont la critique la plus sanglante d'une entreprise dont il était, sinon l'auteur, du moins un des agents les plus gravement compromis.

Je commençai mon premier entretien avec le comte en lui communiquant le dernier rapport du comte Apponyi, à Paris, sur les négociations du prince de Polignac dans l'affaire brésilienne. Il partagea entièrement mes vues.

Là-dessus, je parlai d'autres événements, et le résultat fut le même. Pour en finir avec cette série de questions, je lui développai mes idées sur la situation de la France. Sur ce point encore, il ne trouva pas d'objections à faire.

Quand nous en fùmes arrivés là, je lui dis en plaisantant, du ton de la surprise, « combien il devait paraître étrange que deux hommes qui tous deux étaient en même temps chefs de Cabinet, fussent entièrement d'accord dans toutes les questions de détail, tout en n'ayant plus en apparence le moindre point de contact en ce qui concerne l'attitude politique de leurs Cours respectives ». Il ne trouva rien à répliquer à cette observation.

Son premier silence me parut le moment le plus favorable pour articuler mes griefs directs.

[ocr errors]

J'ai, lui dis-je, un reproche immense à vous faire, et ce reproche est d'autant plus grave qu'il porte sur votre double qualité d'homme et de ministre. Comment! vous qui avez été le confident, vous qui même avez été le moteur et l'appui de mes longues et utiles relations avec feu l'Empereur, avez-vous pu prêter le flanc à la faction qui avait, durant plusieurs années, travaillé en vain à rompre ce même lien, un lien sur lequel reposaient en grande partie la paix de l'Europe et la tranquillité intérieure des États qui la composent? »>

A ce moment, le comte de Nesselrode m'interrompit en protestant vivement que, sous ce rapport, il n'avait rien à se reprocher; il dit que, au contraire, sa préoccupation la plus vive avait toujours été d'agir dans un sens opposé. Comme preuve du fait, il pouvait citer le travail qu'il avait soumis au

« FöregåendeFortsätt »