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veut entreprendre une nouvelle édition des Codes criminels qui nous régissent encore actuellement. Cette méthode nous paraît aussi la meilleure, et les arguments par lesquels le système de codification a été dans le dernier temps attaqué par Rossi (1), ont été victorieusement combattus par le criminaliste le plus célèbre de l'Allemagne (2). En effet, toutes les parties du droit pénal sont intimement liées entre elles; le législateur, en posant les principes fondamentaux du système, tels que ceux relatifs à la complicité, à la tentative, à la récidive, aux divers genres de pénalités, etc., doit constamment porter ses regards sur les différents crimes et délits auxquels ces principes doivent être appliqués ; et pour la punition des faits particuliers qu'il juge nécessaire de réprimer, les principes fondamentaux doivent lui servir de guide. L'ordre désirable dans le droit pénal ne peut être obtenu que par la formation simultanée de toutes les parties d'un Code; il faut que le législateur embrasse l'ensemble du système pour pouvoir régler et coordonner les différents éléments dont il se compose.

Sans doute on peut reprocher aux codificateurs, et particulièrement à ceux de 1810, d'avoir jeté la législation pénale dans un système artificiel, d'avoir adopté des principes spéculatifs et absolus de classification, d'avoir fait sortir plusieurs crimes de leurs familles naturelles, dans le but de les ranger parmi les crimes dignes des plus grands châtiments. Mais est-il donc impossible d'échapper à ces inconvénients dans la confection d'une lói générale? D'un autre côté, le l ́islateur, procédant à la réforme par lois partielles et succesives, ne peut-il pas tomber dans les mêmes erreurs ? Pour régler par des lois spéciales les divers genres d'infractions, il faut également les classer, et cette classi

(1) Traité de Droit Pénal, p. 521.

(2) M. Mittermaier, dans les Nouvelles Archives de Droit Crim., tome XII, p. 179.

fication peut être aussi capricieuse, aussi arbitraire que celle adoptée dans un Code.

Que fera-t-on dans la suite de toutes ces lois spéciales par lesquelles on aura révisé l'ancien système criminel? Les laissera-t-on subsister comme lois détachées et formant chacune un tout? Alors non seulement vous rendrez plus difficile aux particuliers la connaissance de ces lois, mais vous priverez encore le juge d'un puissant moyen d'interprétation. En effet, un Code formé d'un seul jet, et dont les différentes parties se trouvent en rapport les unes avec les autres, offre aux tribunaux le précieux avantage de pouvoir comparer entre elles les diverses dispositions de cette loi générale, et de parvenir de la sorte à saisir l'esprit d'une disposition douteuse, à connaître l'intention du législateur. Cet avantage serait perdu, s'il n'existait qu'une collection de lois spéciales, rendues à diverses époques, d'après des principes souvent différents, et dont les dispositions ne se prêteraient point un appui mutuel. Que si, au contraire, vous voulez réunir dans un tout l'ensemble de ces lois pénales, vous êtes obligé, pour n'avoir pas un corps informe de législation, contenant une foule de dispositions détachées et incohérentes, d'y mettre de l'ordre, de la méthode, d'établir entre les diverses parties de ce corps des liaisons, des rapports, en un mot, de codifier ces lois partielles. Vous arriverez donc, par des voies détournées et avec perte de temps, au même but que vous pouviez atteindre plus facilement et plus vite, en créant d'un seul jet une législation uniforme, un Code.

S'il ne peut être question de bouleverser de fond en comble notre système pénal, mais seulement d'en corriger les parties défectueuses, cette révision doit cependant être complète. Il ne suffit point d'introduire dans ce système quelques améliorations partielles choisies au hasard, d'en faire disparaitre les vices les plus saillants, d'abaisser le

taux de certaines pénalités, de restreindre l'application de la peine de mort. L'intérêt de l'humanité exige que la réforme pénètre plus profondément dans le Code pénal; que toutes les dispositions signalées comme vicieuses par l'opinion éclairée soient remplacées par des principes plus conformes à la justice; que non seulement la pénalité soit adoucie, mais que le système de l'incrimination soit modifié, toutes les fois que la raison et la morale le réclament. Notre législation criminelle a besoin d'être mise en rapport avec nos mœurs, avec la civilisation de notre époque. La science pénale a fait, depuis l'apparition des Codes de l'empire, des progrès immenses; les lois criminelles de toutes les nations civilisées ont été réformées dans les derniers temps. Il importe à la législature belge de suivre ce mouvement général, de profiter des progrès de la théorie, de s'approprier l'expérience que d'autres peuples ont acquise en fait de législation criminelle. - Sans doute, cette partie du droit présente des questions difficiles qui ne sont point encore assez mûries, elle contient des problèmes dont la solution n'est pas encore suffisamment justifiée par l'observation. Mais en désirant une réforme complète de notre Code pénal, nous ne demandons pas qu'on fasse des essais hasardés et dangereux, qu'on tranche législativement les hautes questions de droit criminel sur lesquelles l'expérience n'a pas encore jeté ses lumières.

On adresse à la loi française du 28 avril 1832 le reproche de n'être qu'une œuvre incomplète. Mais dans son origine, cette loi ne devait être que provisoire; son but était de n'apporter au système pénal de l'empire que des modifications partielles, en attendant une refonte générale de la législation (1). Pour apprécier le véritable caractère de cette loi, il faut consulter les circonstances qui l'ont fait naître. La disproportion choquante entre les châtiments et (1) V. l'exposé des motifs de la loi du 28 avril 1832.

les crimes, le système inflexible et raide des circonstances aggravantes et des excuses, la peine de mort prodiguée avec une aveugle profusion, un système d'incrimination qui renferme dans des catégories trop étroites des faits qui ne se ressemblent que de nom et diffèrent par leur essence > toutes ces causes avaient produit, en France, les mêmes effets qu'en Angleterre. La doctrine du pieux parjure, si souvent mise en pratique par le jury anglais, s'était également accréditée en France sous le nom d'omnipotence. Effrayé par l'excessive sévérité des peines, le jury français, soutenu par des jurisconsultes distingués, s'était habitué à juger la loi même, à nier l'existence du crime, à écarter des circonstances aggravantes qui auraient entraîné des châtiments trop rigoureux. Pour détruire dans son principe cette dangereuse doctrine, le gouvernement jugea nécessaire d'adoucir la sévérité des peines qui blessent la justice et l'humanité, d'attribuer au jury le droit de déclarer, en toute matière, les circonstances atténuantes, et d'attacher à cette déclaration l'abaissement de la peine ordinaire.

Tel était l'objet de la loi du 28 avril 1882 (1). Cette loi n'avait pas pour but d'opérer une refonte générale de la législation criminelle; la réforme qui en résultait ne devait point être définitive. Le gouvernement avait compris l'urgence de porter un remède aux abus sans cesse renaissants que le jury faisait de son pouvoir illimité, il voulait pourvoir au plus pressé et introduire les améliorations les plus indispensables. Du reste, ce n'était pas en 1832 que les chambres eussent trouvé le loisir et le calme nécessaires pour fonder une législation. La loi du 28 avril ne devait être qu'une œuvre incomplète et provisoire, on ne voulait point innover et créer, on se bornait à modérer la sévérité du Code et à en corriger les dispositions les plus vicieuses. Malheureusement le caractère primitif de cette loi fut entiè

(1) V. Dumon, Rapport fait à la chambre des députés.

rement changé par son incorporation dans le Code pénal. De provisoire qu'elle était dans son origine, elle devint une réforme définitive par sa codification, mesure funeste dont l'effet sera nécessairement d'écarter pendant long-temps toute idée d'une nouvelle révision. On craint, en touchant à l'ensemble d'un Code, de détruire la symétrie du système.

Le projet de révision présenté par notre gouvernement à la chambre des représentants est d'une toute autre nature que la loi française de 1832. Ce n'est point une loi détachée, spéciale, contenant quelques modifications partielles de notre droit pénal; c'est un Code révisé, un système entier de législation amélioré dans ses parties principales ; son but n'est point une révision provisoire, mais une réforme définitive du Code de 1810. Ce travail, par cela même qu'il s'annonce comme définitif, doit former une œuvre achevée et complète. Les circonstances qui, chez nos voisins, avaient impérieusement commandé une révision partielle de l'ancien système pénal et qui ne permettaient point de retarder des améliorations réclamées avec énergie par l'opinion publique, ces circonstances ne présentent pas en Belgique le même caractère d'urgence. Sans doute, on peut également reprocher de pieux mensonges à notre jury qui, souvent, a soustrait des coupables au châtiment légal; mais du moins nos jurés n'ont jamais établi en principe qu'ils étaient les arbitres de la loi et que. l'irresponsabilité légitimait le parjure. Ce n'est point par système qu'ils ont substitué leurs sentiments aux prévisions du législateur et la doctrine de l'omnipotence ne s'est point accréditée chez nous. D'un autre côté, les arrêtés de 1814 et 1815 permettent aux cours d'atténuer les peines de la réclusion et des travaux forcés à temps. Depuis la révolution, la peine de mort, prononcée par les cours d'assises, n'a été exécutée qu'une seule fois; la marque est abolie de fait; la peine des travaux forcés à perpétuité est commuée par le roi toutes

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