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EXAMEN

DES DISPOSITIONS CONTENUES DANS LE PROJET

DE RÉVISION.

DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES.

ART. 1er (1).

La division des actes punissables, tirée du genre de la peine dont ils sont frappés, a été censurée en Allemagne, par plusieurs criminalistes distingués. En France, c'est Rossi qui l'a sévèrement critiquée dans son Traité de Droit pénal (p. 32, 33).

Le projet du Code criminel pour le royaume de Hanovre n'a pas adopté cette division; elle ne se trouvait pas non plus dans l'ancien projet du Code pénal des Pays-Bas; tandis qu'elle est consacrée non seulement par le Code pénal français et les Codes de Naples et de Parme, calqués sur ce dernier, mais encore par les Codes autrichien et bavarois, ainsi que par le nouveau projet du Code pénal pour le royaume de Bavière.

Les reproches qu'on adresse à ce système nous paraissent mal fondés. Les actes dont la punition est commandée par la justice et les exigences de l'ordre social, sont, il est vrai, d'une nature fort différente; mais, en faisant des masses, on peut les classer, d'après leur nature intrinsèque même, en trois catégories: délits graves, délits moins graves et offenses légères. Les premiers méritent une peine grave, telle qu'une peine afflictive ou infamante; les seconds méritent une peine moins grave, telle qu'une punition correctionnelle; les dernières ne méritent qu'un châtiment léger,

(1) Art. 1er du Code pénal, conservé dans le projet de révision.

une peine de simple police. Si maintenant le législateur pour éviter toute confusion dans l'administration de la justice répressive, appelle crimes les infractions frappées d'une peine afflictive ou infamante; délits, les infractions punies d'une peine correctionnelle; contraventions, les offenses punies d'une peine de simple police, cette division n'est pas seulement tirée du fait matériel de la peine, elle repose également et primitivement sur la nature intrinsèque des actes punissables, pourvu que comme nous le supposons, le législateur n'inscrive au catalogue des crimes et des délits que les actes qui, suivant leur degré de gravité, méritent réellement d'y trouver place.

On ne peut donc faire aucune objection sérieuse contre la division adoptée par l'art. 1er, division qui est même sans inconvénients dans le système du Code, puisque celui-ci ne traite pas séparément des crimes et des délits, ce qui aurait occasionné des répétitions inutiles et des confusions fâcheuses, le même fait, tel que le vol par exemple, constituant un crime ou un délit, suivant les circonstances qui l'ont accompagné.

Du reste, cette division est si pratique, si intimement liée avec nos institutions judiciaires, qu'il est impossible de l'effacer de notre législation pénale.

Ce n'est pas la division en elle-même qui mérite des reproches fondés; c'est la manière dont le Code l'a appliquée, c'est la qualification des divers actes punissables établie par ce même Code.

D'abord, le législateur français a rangé dans la catégorie des crimes plusieurs faits qui, d'après leur nature, ne méritent pas d'être qualifiés tels. La révision du Code doit faire disparaître cette injustice. La loi du 29 février 1832 y a déjà remédié en partie, en punissant correctionnellement plusieurs espèces de vol, considérées comme crimes par les art. 386 et 388 C. p. Il faut encore remarquer qu'un fait qui, en général, est digne d'être placé au nombre des crimes, cesse d'être considéré comme tel, lorsque par suitedes circonstances

atténuantes, il n'a été puni que d'une peine correctionnelle. Ensuite, le Code attache l'infamie à toute peine afflictive comme une conséquence nécessaire, générale, inévitable. C'est là un des vices les plus graves du système pénal français, vice dont le projet de révision n'a pas même soupçonné l'existence. Ce n'est pas la peine, c'est la nature du crime qui doit emporter l'infamie. La loi qui déclare infàme tout individu condamné à une peine afflictive, sans égard à la nature intrinsèque du crime, la loi qui, d'un autre côté, exempte de cette flétrissure l'escroc, l'homme coupable du plus grave abus de confiance, par cela seul qu'il n'est condamné qu'à une peine correctionnelle, cette loi est souverainement injuste et impolitique. Nous le répétons: c'est la nature de l'acte punissable et non le genre de peine dont cet acte est frappé, qui fait la honte; tout crime ne rend pas son auteur infâme aux yeux de la morale, et plusieurs délits méritent d'être flétris par la loi, quoiqu'ils n'emportent pas une peine afflictive.

Le projet de révision a conservé le système arbitraire du Code, système que nous examinerons plus à fond en parlant des peines infamantes. Nous indiquerons également les améliorations dont le Code est susceptible en cette matière.

ART. 2 (1).

Le projet de révision apporte une modification importante à l'art. 2 du Code pénal, en distinguant de la simple tentatative le délit manqué, et en punissant la première d'une

(1) Toute tentative de crime, consommée par des actes tels qu'il. n'est plus au pouvoir de son auteur d'en arrêter les effets, est considérée comme le crime même. Toute tentative de crime, manifestée par un commencement d'exécution, si elle n'a été suspendue que par des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur, est punie de la peins immédiatement inférieure à celle du crime consommé. Cette peine est réglée conformément à l'art. 462 du présent Code.

peine inférieure à celle du crime consommé. Il était urgent de mettre notre législation sur la tentative en harmonie avec les principes de la justice et les règles de la prudence; de consacrer par la loi une distinction fondée sur la nature des choses, distinction depuis long-temps adoptée par les criminalistes et consignée dans tous les Codes modernes. Le projet a compris cette nécessité morale et politique; mais la disposition de l'art. 2, telle qu'elle est rédigée dans le projet, justifie-t-elle notre attente?

Avant de répondre à cette question, examinons d'abord ce que c'est qu'un délit manqué, et dans quels genres de crimes cette espèce de tentative peut se rencontrer. Le projet ne nous en donne pas une idée très-exacte. Cependant il ne s'agit pas ici d'une notion purement théorique, mais d'une définition à établir par la loi même (1).

On appelle tentative, les actes extérieurs tendant à commettre un délit. Ainsi pour qu'il y ait tentative, les conditions suivantes doivent exister: 1o Il faut qu'il y ait résolu

(1) Nous venons de dire que le projet ne présente pas une idée nette et précise du délit manqué. Nous n'en trouvons pas non plus une explication satisfaisante dans l'exposé des motifs. En voici la preuve : à la page 9, note 1, de l'exposé des motifs, on parle du crime d'empoisonnement manqué tandis que, dans l'exemple proposé, l'empoisonnement est consommé, conformément à l'art. 301 du Code pénal, conservé dans le projet. Ensuite (page 10) en citant le cas où un individu, animo occidendi, a tiré un coup de feu sur une personne, sans que celle-ci ait succombé, on dit que le crime est consommé; et quelques lignes plus loin, on ajoute: Cependant on ne considère pas encore cette action comme équivalant entièrement au meurtre consommé. Dans le même alinéa, on fait observer que la distance qui sépare ce fait (le fait de celui qui, dans l'intention de tuer, tire un coup de feu sur un individu, qui ne succombe pas) du crime entièrement consommé, ne peut être justement appréciée et définie. Comme s'il n'était pas de toute évidence que le crime de meurtre n'est consommé que lorsque quelqu'un a succombé. Le meurtre n'est-il pas un homicide volontaire, et l'homicide est-il concevable, si la personne qu'on voulait tuer, est demeurée en vie?

tion d'exécuter un délit; 2° il faut que cette résolution ait été suivie d'actes extérieurs révélant, d'une manière certaine, l'intention criminelle sans que le délit soit encore légalement consommé.

Les actes extérieurs tendant à commettre un délit sont ou des actes simplement préparatoires ou des actes d'exécution. La nature des choses démontre à l'évidence que les actes simplement préparatoires ne manifestent pas avec certitude l'intention de commettre le crime déterminé qu'on veut imputer à l'agent. Ces actes sont presque toujours des faits qui peuvent s'expliquer de différentes manières : leur liaison avec une résolution criminelle n'est pas nécessaire et directe; on ne peut les rattacher à un délit déterminé qu'en cherchant à deviner la pensée de l'agent par des conjectures hasardées. Pour qu'il y ait véritable tentative, il faut donc un commencement d'exécution de l'acte ou des actes constituant le crime que l'auteur avait en vue.

Ce principe est également sanctionné par l'art. 2 du Code pénal; mais la rédaction de cet article devait être modifiée. La TENTATIVE de crime, dit l'art. 2, manifestée par des actes extérieurs et suivie d'un commencement d'exécution, etc. Cela suppose qu'il peut exister une tentative non manifestée par des actes extérieurs, ou bien une tentative manifestée par des actes extérieurs et non suivie d'un commencement d'exécution. La loi française de 1832 et le projet de révision portent: La tentativo de crime manifestée par un commencement d'exécution, etc. .; car, a-t-on dit, la tentative suivie d'un commencement d'exécution est nécessairement et toujours manifestée par des actes extérieurs.

Cette nouvelle rédaction ne nous paraît pas satisfaisante. En effet, dès qu'il y a véritable tentative, il y a commencement d'exécution; sans quoi la tentative ne serait pas même concevable. Il fallait dire : La RESOLUTION de commettre un crime, manifestée par un commencement d'exécution, ou la

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