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dans des recherches difficiles, réunir rapidement sur chaque fait, sur chaque question toutes les notions éparses tant dans l'ouvrage principal que dans la première continuation de l'auteur et dans la seconde où M. Théodore Juste, connu par tant d'utiles travaux, notamment par une intéressante monographie de Léopold Ier, conduit les négociations jusqu'à leur conclusion. Les préfaces de la 2e et de la 3e édition ont été lues avec avidité; nous n'avons pas cru pouvoir les supprimer; ce sont de courtes brochures politiques où se reflète la situation d'alors.

II

On a dit que l'essentiel pour les princes et les hommes d'État est de bien finir. Le roi LouisPhilippe a mal fini; même à l'étranger ce monarque, le seul, après Henri IV, qui se soit assis sur le trône de France avec le sentiment des droits des autres peuples, continue à être sévèrement jugé. Le gendre, sans être aussi puissant, a été plus heureux; son œuvre lui a survécu. Léopold Ier n'est guère apprécié que comme diplomate; cependant ce n'est pas son unique mérite. Éloigné du trône britannique par la mort de la princesse Charlotte, il avait pu espérer d'en être rapproché un jour, sinon comme régent, au moins comme conseiller officieux, par l'avénement de sa nièce, et croire qu'un rôle politique lui était encore, plus ou moins secrètement, réservé; il ne

cessait de s'y préparer lorsqu'un appel indirect lui fut adressé au nom de la Grèce; il accepta sans réserve; c'était une faute qu'il ne renouvela pas lorsque, s'étant désisté, une nouvelle offre lui fut faite, cette fois directement. S'il s'était rendu en Belgique sans un arrangement préalable avec les cinq grandes puissances, «< il n'y aurait eu qu'un révolutionnaire de

plus,» ainsi que s'exprimait l'un des commissaires belges dans la seconde entrevue qu'il leur accorda le 9 juin 1831, mot hardi qui ne l'offensa nullement, puisqu'il rendait sa propre pensée. Si les dixhuit articles du 26 juin stipulant à l'avance les conditions internationales de son avénement au trône belge n'ont pas été exécutés, c'est par suite de revers dont il n'est pas responsable. Il aurait pu se déclarer dégagé, il ne le fit pas et il poursuivit sa mission en dépit de la fortune. Pour ne point passer inaperçu sur cette terre, il résista aux séductions d'une riche sinécure à laquelle il renonça avec magnanimité et qui lui valait sans labeur ni souci la moitié de sa liste civile future.

Devenu roi des Belges, il a été son ministre des affaires étrangères; en correspondance avec tous les personnages influents, chefs d'État ou chefs de cabinet, rien d'important ne se passait en Europe qu'il n'en fût informé, rien de grave ne s'y préparait qu'il ne pût pressentir. Aucun de ses ministres officiels n'a pu se prévaloir d'une position semblable. Pour prévenir des abus trop fréquents de nos jours,

ces lettres qui eussent été si précieuses et que les archives officielles ne remplaceront pas, ont été réciproquement restituées. A certains égards, le département des affaires étrangères est la partie intellectuelle de tout gouvernement; il en est comme la providence; il épie les signes du temps; il cherche à découvrir les rapports parfois lointains entre la destinée du pays et les événements du dehors; souvent il a l'apparence d'être inactif, inutile même, mais l'imprévoyance, l'oubli, l'erreur d'un jour, une méprise, une fausse appréciation ont des suites irréparables. La Belgique, moins que tout autre État, ne peut s'isoler; son existence tient au système général. Le chef de sa diplomatie, roi ou ministre, doit être un observateur presque universel; toujours l'œil fixé sur la carte du monde, aucun mouvement, en Europe surtout, ne doit lui échapper. C'est ainsi que le roi Léopold fer entendait cette fonction qui exige une vigilance continue, bien que cachée au vulgaire; il restera l'idéal du diplomate belge. Veut-on savoir ce que coûte un premier faux pas? Si le roi Guillaume Ier avait eu une diplomatie plus clairvoyante, il n'eût pas provoqué la réunion de la Conférence de Londres; il a cru pouvoir de plein droit compter sur les cinq grandes puissances, y compris la France de Juillet; il n'a pas prévu que la nécessité du maintien de la paix générale dominerait les cabinets et que l'Europe se contenterait sous une autre forme de la non-réunion de la Belgique à la France. En lutte avec le

clergé, il s'est félicité de la chute du gouvernement clérical de Charles X, comme si la France libérale devait être insensible à la destruction du royaumeuni élevé contre elle; s'il avait seulement relu la correspondance de son grand aïeul le Taciturne, il aurait appris que les Valois catholiques n'avaient pas refusé leur appui aux huguenots des Pays-Bas contre Philippe II; ce n'est pas la bonne volonté, mais le génie qui manqua au frère de Charles IX et de Henri III pour devenir en 1582, sous les auspices du prince d'Orange, souverain des provinces révoltées au nom d'une cause opposée à celle qui motivait la politique intérieure de la France.

Le roi Léopold Ier n'employait pas son influence extérieure dans l'intérêt seul de la Belgique; elle se faisait sentir dans les rapports internationaux d'autres États. Il a servi constamment d'intermédiaire entre l'Angleterre et la France; c'est peut-être à lui que l'on est redevable du maintien de l'alliance anglo-française tant de fois ébranlée sous le roi Louis-Philippe; il a contribué activement à la sauver après la crise égyptienne en 1841, la guerre du Maroc en 1844 et les mariages espagnols en 1846. Arbitre en 1863 entre l'Angleterre et le Brésil, sa haute impartialité ne lui permit pas de donner raison au puissant État qui lui avait rendu tant de services.

Esprit cosmopolite, il s'intéressait au sort de l'humanité sur tous les points du globe; l'Orient avait conservé le privilége d'émouvoir son imagination; il

n'était pas sans regretter la couronne grecque un moment entrevue. A l'auteur de cet ouvrage qui, revenant d'Athènes, le félicitait en 1856 de ne pas être devenu roi des Hellènes, il répondait : « A ne consi« dérer que le présent, la Belgique vaut certes mieux << que la Grèce; j'aurais eu personnellement une exis«<tence moins agréable; mais la dynastie que j'aurais << fondée aurait eu un plus grand avenir. Je n'aurais << pas vécu dans l'isolement sur les ruines d'Athènes, << sans rapports avec les souverains et les hommes « d'État de l'Occident; je les aurais habitués à re<«< courir à moi et j'aurais su mettre à profit toutes << les éventualités sans en craindre ni en provoquer

« aucune. »>

La guerre n'étant que la politique dans son action extrême, la question militaire avait la seconde place dans sa pensée; il n'admettait pas que la neutralité subsistât par sa seule vertu : la Belgique doit au moins être en mesure de résister à un premier choc et d'attendre que les garants soient prêts; le nouveau système défensif, qui concentre dans un camp retranché les ressources jusque là disséminées, est sa conception propre.

Son attention ne s'est pas même, comme on le suppose, bornée en tout temps à la diplomatie et à la guerre. Arrivé au pouvoir dans la maturité de l'âge, avec des notions générales de gouvernement, il a, surtout pendant la première moitié de son règne, influé sur toutes les branches de l'administration,

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