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des premiers écrivains djaghataïs. M. Radloff, d'accord avec Klaproth, regarde les Tâtars de la Petite-Boukharie, d'où sont sortis ceux de l'Ili, comme descendants de la famille turque qui fut autrefois connue sous le nom d'Ouïgours, et il range le dialecte ouïgour dans le groupe des dialectes dzoungars, avec ceux des Kirghiz et des KaraKirghiz ou Bourouts1.

Les Chibé et les Solón descendent des soldats appartenant à ces deux tribus daouriennes que les Mandchoux établirent sur l'Ili comme colonies militaires. La véritable forme daourienne du nom des Chibé est Sipou. Les Solôn sont établis entre l'Ussuk et le Korgas, sur la droite de l'Ili; les Chibé, dans la partie gauche de la vallée, vis-à-vis de Kouldja. Chacune des deux tribus forme huit bannières ou zoumouls, chaque zoumoul compté pour cinq cents familles. Leur physionomie a le type mongol. La langue des Chibé est un dialecte toungouse très-rapproché du mandchou; celle des Solôn tient à la même racine, mais fortement mélangée de mongol. La principale occupation des deux tribus est la culture du sol.

La partie moyenne de la vallée chinoise de l'Ili, entre la rivière Korgas et la Mogaï, est connue sous le nom de Dan, et a pour habitants quatre classes de colons différents des populations précédentes : les Dounghènes, les Chinois, les Tchèmpèns et les Mandchoux. Les Dounghènes et les Chinois proprement dits ne diffèrent ni par la langue ni par l'habillement; leur seule distinction est la religion, les Dounghènes étant musulmans. Ils sont désignés dans les annales chinoises sous le nom de Chouï-chouï; les Tâtars les appellent Doungan. Ils sont originaires des deux provinces du N. O. de la Chine, le Kan-sou et le Chen-si, ancienne demeure des Ouïgours. Les Chinois de l'Ili descendent pour la plupart d'exportés des diverses provinces

1. Voir le IVe vol. de l'Année géographique, p. 207.

de la Chine. Ces deux classes de populations habitent en très-grande partie dans les villes chinoises du Dan, Kurèh (la partie chinoise de Kouldja), Korgas, Tardji, Tching-dikho-si, Dalo-si-goung, Suding, Baïandaï et Tchimpènsi, le reste dans la campagne, où leur occupation est la culture du sol. On estime à plus de 100 000 la population totale de ces villes; Kouldja seule en compte 80 000, dont les deux tiers sont Dounghènes et Chinois. Les Tchèmpèns sont regardés comme la pire engeance des populations de la vallée; ce sont des repris de justice déportés des provinces méridionales de la Chine. Il en arrive une centaine chaque année; on les emploie aux travaux les plus bas ou les plus rudes, tels que le travail des mines. La dernière classe de la population, les Mandchoux, est la seule qui ait perdu sa personnalité; tout en conservant l'orgueil d'une race dominatrice, ils ont tout pris des Chinois, la langue, le costume et les usages. Ils sont tous soldats; on en compte 6000 environ. Les officiers qui administrent la province sont également Mandchoux.

Au-dessus de la vallée de l'Ili vers le N. E., un canton peu connu de la Mongolie chinoise, dominé au N. par les monts Altaï et qui renferme les sources de l'Irtisch, a été décrit par M. Abramof dans un mémoire dont la société de géographie de Londres a publié une traduction anglaise (n° 13). Le trait dominant de cette vallée alpestre, appelée pays de Tarbagataï, est le grand lac Tzaïzan (Tzaïzan-nor, en mongol), qui alimente l'Irtisch supérieur, après avoir lui-même reçu une rivière appelée par les Mongols KaraErtchisch ou Irtisch-Noir. Le lac, d'après les données de M. Abramof, est situé entre 47° 40′ 48° 20′ lat. N., et 80° 50′ 82° 30' à l'E. du méridiem de Paris. Ce morceau est une intéressante addition à nos documents actuels sur la géographie de la Mongolie chinoise.

§ 6. Aperçu historique et géographique sur la Dzoungarie. M. Séménof.

Tel est aussi, et plus encore, le morceau fort important de M. Séménof sur la Dzoungarie, dont la traduction, faite sur le russe, se trouve dans le même volume du Journal de la Société de Londres et dans le Journal asiatique de Calcutta (ci-dessus, no 14). M. Séménof a été chargé par la Société de géographie de Saint-Pétersbourg de traduire en russe le volume de l'Erdkunde de Carl Ritter qui se rapporte à la région altaïque et à la Sibérie1, en y ajoutant les notions nouvelles acquises depuis la publication de cette partie de l'ouvrage du grand géographe de Berlin. Ce sera une refonte plutôt qu'une traduction, car c'est précisément depuis 1832, date de la publication du volume de Ritter, que notre connaissance des régions centrales de l'Asie, grâce aux progrès de la Russie dans cette direction et aux travaux de ses ingénieurs, a pris, en s'agrandissant, une face toute nouvelle. M. Séménof a d'autant plus de titres à condenser dans un tableau d'ensemble les résultats de ces acquisitions contemporaines, que lui-même, de 1856 à 1857, y a eu une part importante. Le tableau que la traduction anglaise de M. Michell met sous nos yeux forme la préface du Ritter russe de M. Séménof; celui-ci y fait œuvre à la fois d'historien et de voyageur. Comme historien, il retrace la marche de nos connaissances sur l'Asie centrale, soit avant, soit depuis 1832; comme voyageur, il résume ses propres investigations et leurs résultats 2.

1. Ritter's Asien, Ba. I, 1832.

2. Les travaux personnels de M. Séménof dans la région altaïque et la Dzoungarie étaient déjà connus par plusieurs communications partielles. On les trouve dans les Archiv für wissenschaftliche Kunde ron Russland d'Erman, t. XVI, 1857, p. 491-500 (le lac Balkhasch et la rivière Ili), et p. 501-509 (Voyage à l'Issik-koul) ; et t. XVII, 1858, p. 377-385 (Notice sur le voyage de M. Séménof au Thian-chan).

1-14) La soumission d'une partie de la Grande-Horde, vers 1832, rendit pour la première fois la région du lac Balkhasch et les territoires montagneux de la Dzoungarie plus accessibles aux voyageurs. L'astronome Fédérof put atteindre, en 1834, l'embouchure de la Lepsa dans le Balkhasch, et en déterminer la position par 46° 2′30′′ de latitude. Il put aussi reconnaître les bords méridionaux du lac Tzaïzan, et mesurer trigonométriquement le Tarbagataï. Ce sont les premiers pas de la Russie dans l'exploration véritablement scientifique de cette région centrale, en dehors des limites de la Sibérie qui suivent ici les crêtes de l'Altaï. Les relations de la Russie avec les hordes kirghizes devinrent de plus en plus pacifiques, et de 1840 à 1842 Schrenk et Karélïn purent étendre les explorations de Fédérof. En 1844, la soumission complète de la Grande-Horde kaïsaque permit au gouvernement russe de faire occuper la riche et fertile portion de la Dzoungarie connue sous le nom de Sémipalatinsk, d'après les tributaires du Balkhasch qui l'arrosent. La ville russe de Kopal fut fondée en 1846 sur un des tributaires méridionaux du lac Balkhasch, à la pente occidentale de la chaîne neigeuse de l'Ala-tau. Les rapports politiques et commerciaux vers la Chine devinrent de jour en jour plus actifs, et les facilités d'informations et d'études s'en agrandirent. Cependant les dispositions hostiles des Bourouts à l'égard des hordes soumises à la protection de la Russie obligèrent le gouvernement, pour mettre un terme à un état de choses intolérable, de faire occuper le pays compris

Mais la communication la plus importante est celle que l'on doit aux Littheilungen du Dr Petermann, a. 1858, p. 351-369 (Voyage d'exploration de M. Séménof dans l'Asie intérieure, en 1857, etc.), avec une carte. C'est sur la proposition de M. Séménof, qu'en 1859 la Société géographique de Saint-Pétersbourg a envoyé dans la Dzoungarie, sous la conduite du capitaine Goloubeff, une commission scientifique à laquelle on doit d'importants résultats pour la géographie astronomique (Compte rendu de la Soc. imp. géogr. de Russie pour 1858, p. 21; id. pour 1859, p. 33).

entre l'Ili et l'Ala-tau. Cette occupation eut lieu en 1854; les tribus hostiles se soumirent, ou émigrèrent vers la Talas et le khanat de Kokand. Le drapeau russe était arrivé ainsi en vue de l'Issi-koul, vaste nappe d'eau qui s'étend au fond d'une belle vallée que dominent au sud les montagnes Célestes de la géographie chinoise (Thian-chan), une des chaînes les plus élevées de l'Asie. Ce grand lac est situé au sud du Balkhasch et des plaines de l'Ili, entre les 42" et 43 parallèles; il est coupé par le 95 degré de longitude à l'E. du méridien de Paris, 26 degrés à l'E. de la mer Caspienne.

C'est à cette extension nouvelle de la frontière russe que se rattache la mission de M. Séménof. L'exploration de l'Issi-koul et du Thian-chan en était l'objet principal; le voyageur y consacra l'automne de 1856 et une grande partie de 1857. De riches matériaux descriptifs en furent le résultat; mais il y manquait encore ce qui peut seul leur donner une base invariable, des déterminations astronomiques. La mission de M. Goloubief, en 1859, a rempli cette lacune, et nous possédons aujourd'hui, pour cette grande région centrale naguère à peu près inconnue, des cartes aussi précises que pour aucun autre point de l'empire russe.

Les investigations de M. Séménof se sont en outre portées sur trois points d'un intérêt tout particulier pour les conditions physiques de l'Asie centrale : la ligne des neiges permanentes dans le Thian-chan, l'existence des glaciers, et les indices de phénomènes volcaniques. M. de Humboldt avait depuis longtemps appelé sur ces questions l'attention spéciale des explorateurs. Sur le premier point, M. Séménof a trouvé pour l'altitude de la ligne des neiges perpétuelles dans la chaîne des montagnes Célestes le chiffre de 11 000 à 11 500 pieds anglais (= 3350 à 3500 mèt. en nombres ronds). M. de Humboldt avait élevé quelques doutes sur ces chiffres; le voyageur les justifie par une longue et intéressante discussion.

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